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618 PAT PAU


parer attentivement avec l’expression & l’ordonnance du peintre original, examiner le goût de dessin, celui du coloris & le caractère du pinceau. Il est rare qu’un artiste qui sort de ton genre, ne laisse échapper quelques traits qui le décelent.

PATE (subst. fem.) terme propre aux arts de peindre, de sculpter & de graver. On dit peindre dans la pâte. C’est exprimer la manière des peintres qui, dès le premier travail de la peinture à l’huile, qu’on appelle empâtement, chargent leurs tableaux de beaucoup de couleurs, & ont encore l’art de fondre les tons & de retrouver au milieu de cette quantité de couleurs, les formes de la nature. Cette façon de faire est ordinairement celle des coloristes. Il est presque impossible qu’elle soit celle des dessinateurs très corrects. Car on sent qu’elle rend inutile le soin que prennent tous les artistes qui visent à la pureté, de bien & scrupuleusement arrêter sur leur toile tous les traits, avant que d’y poser aucune couleur.

Se perdre dans la pâte & savoir s’y retrouver, comme on le dit quelquefois, est un effort de pratique bien remarquable ; mais qui ne reussit que très rarement.

Un tableau tout d’une pâte, c’est celui où les couleurs sont couchées abondament dans toutes ses parties, & dont le maniment de pinceau qui appartient à cette manière est partout soutenu.

Le mot pâte est presque toujours un éloge consacre au mérite de l’exécution. Ce mérite n’est guere senti que par les gens du métier, ou par les connoisseurs fort exercés dans l’étude des tableaux. On l’a vanté surtout depuis la chûte de l’art ; depuis qu’on s’est attaché principalement auxbeautés qui proviennent de la main ; depuis qu’on a fait moins d’efforts pour atteindre à la sévérité du trait, à l’esprit dans les expressions, & à la sublimité des pensées & des caractères ; seules recherches des artistes restaurateurs de l’art.

Tintoret, Bassan dans l’école vénitienne : Salvator Rosa, peintre d’histoire, Feti, Carlo Lotti, un Rosa, peintre d’animaux, & quelqu’autres encore parmi les Romans Rembrandt, Brauwer, Jacques Jordaens chez les Hollandois & les Flamands ; & chez nous la Fosse, Blanchard, &c, ont peint dans la pâte.

Ainsi la pâte n’est pas, comme on le voit, une qualité essentielle à l’art de peindre ; au lieu qu’empâter est une méthode de pratique nécessaire dans tous les genres d’exécution.

En sculpture ou se sert du mot de bonne pâte, quand on sent que l’artiste a usé grassement, largement, & aisément de ses matériaux. Cet éloge s’applique plus particulièrement aux ouvrages que les sculpteurs font en


terre, & aux plâtres formés dans les moules qui se fabriquent sur leurs modèles. Quelque moëlleux que soit le travail d’un marbre, il n’est pas d’usage de lui appliquer le mot de pâte.

Si un graveur a donné bien de la souplesse, de la largeur & surtout du moëleux & de la couleur à ses tailles : on dit cette estampe est d’une belle pâte. Ainsi Wischer, Bolsvert Wostermann, Abraham Bosse, Nicolas Dorigny, Rousselet & Balechou sont des graveurs qui ont mérité souvent cet éloge. On peut cependant observer que cette expression est plutôt employée par les amateurs de la gravure, que par les graveurs eux-mêmes ; ils disent plutôt, pour exprimer cette idée, qu’une planche est d’un burin large, d’un travail nourri, d’un grain moëlleux. (Article de M. Robin.)

PATEUX (adj.) On dit quelquefois that are des chaises pâteuses pour faire entendre qu’elles sont peintes largement, moëleusement & dans la pâte. On dit aussi de la touche qu’elle est pâteuse, ce qui est l’opposé de la touche sèche. Mais on ne dit point d’un tableau qu’il est pâteux, quoiqu’on dise bien qu’il est peint dans la pâte.

PAUVRE. (adj.) Une tête pauvre est une tête ignoble, une draperie pauvre est celle qui manque de l’apparence d’ampleur, une composition pauvre est celle qui n’offre pas la richesse que promettoit le sujet, un dessin pauvre est le même qu’on appelle petit, mesquin, celui qui manque de grandeur dans les formes.

Quand l’adjectif pauvre, est placé avant le substantif, il signifie mauvais. Voilà un pauvre tableau, une pauvre statue, un pauvre dessin. Cet homme est un pauvre peintre, un pauvre dessinateur.

Le mot méchant, placé de même, prend la même signification. Un peintre méchant seroit un artiste d’un mauvais caractère ; un méchant peintre peut être un très bon homme, mais c’est un artiste sans talens.

Attaquer Chapelain ! Ah ! C’est un si bon homme.

Mais le bon homme Chapelain étoit un méchant poëte.

PAUVRETÉ. (subst. fem.) On appelle pauvretés dans l’art toutes les petites formes que présente la nature quand on l’examine de fort près, & que l’art doit négliger parce qu’elles s’évanouissent dès que l’on se place à une juste distance. C’est la recherche de ces pauvretés, le soin de les rendre avec exactitude, & le goût mesquin qui les fait préférer aux grandes