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PAS rens, plus gros & plus enflés qu’à l’ordinaire, les veines tendues & les nerfs de même.

Dans le désespoir, toutes les parties du corps sont presque en même état que dans la colere ; mais elles doivent paroître plus désordonnées : car on peut représenter un homme qui s’arrache les cheveux, se mord les bras, se déchire tout le corps, court & se précipite.

Il y auroit encore d’autres choses à remarquer, si l’on vouloit exprimer toutes les passions en détail, & donner une idée de toutes les circonstanées qui peuvent les accompagner.

JUGEMENT de WINCKELMANN sur le caractère des passions de LEBRUN.

« L’expression égarée a été réduite en théorie, dit Winckelmann, dans le traité des passions de Charles Le Brun, ouvrage qu’on met entre les mains des jeunes gens qui se destinent à l’art, non seulement les dessins qui accompagnent ce traité donnent aux physionomies le dernier degré des affections de l’ame, mais encore il y a des têtes où les passions sont poussés jusqu’à la rage. On croit enseigner l’expression de la même manière que Diogene enseignoit à vivre : je fais, disoit ce cynique, comme les musiciens qui donnent le ton haut pour indiquer le ton vrai. Mais l’ardente jeunesse a plus de penchant à saisir l’extrême que le milieu ; il lui sera difficile, en suivant cette méthode, d’attraper le ton véritable… le jeune dissinateur goute aussi peu les préceptes du calme & du repos, que la jeunesse en géneral goute ceux de la sagesse & de la vertu. »

A cette critique sévere, adoptée ou peut-être inspirée par Mengs, on peut répondre que Le Brun voulant démontrer le caractere des passions, devoit les faire connoître dans leur état le plus doux & dans leurs derniers excès. Il auroit dû seulement observer dans son discours, pour ne pas égarer les jeunes artistes, que ces excès devoient être fort rarement l’objet de l’imitation de l’art ; qu’il falloit tout au plus en faire usage dans la représentation der personnages les plus vils, qui se livrent sans frein à tous les mouvemeus de la nature, tels que des esclaves, des bourreaux, des gens de la lie du peuple. Mais ce que le Brun n’a point écrit dans son discours, il l’a écrit dans les ouvrages de l’art, & c’est là qu’il faut chercher l’esprit de sa doctrine. On ne verra pas qu’il y ait donné le degré extrême des passions à ses figures principales ; il le réservoit, quand il jugeoit nécessaire de l’employer, aux personnages qu’il livroit à la haine & aux mépris des spectateurs. Il ne craignoit pas d’altérer leur beauté


par des passions convulsives, parce qu’il vouloit les rendre odieux ou méprisables.

EXTRAIT du traité de peinture de M. DANDRÉ BARDON, sur les passions.

Tout ce qui cause à l’ame quelque passion communique au visage une forme caractéristique. Cette forme est relative à l’altération des muscles qui se renflent & se rétrécissent, s’irritent ou se relâchent, suivant la quantité d’esprits animaux qu’ils reçoivent. Les différentes passions peuvent se rapporter à quatre principales : passions tranquilles ; passions agréables ; passions tristes & douloureuses ; passions violentes & terribles.

Dans les premières, qui sont formées par de douces impressions, les parties du visage restent dans leur assiette naturelle & ne souffrent aucune altération : tout doit annoncer la paix dont l’ame jouit.

Dans les passions agréables, toutes les parties du visage s’élevent, se portent vers le cerveau, siége de l’imagination qui est délicieusement affecté.

Dans les passions tristes, la langueur met tous les muscles de la face dans une inaction qui en émousse l’esprit & la vivacité. Si la douleur s’y mêle, c’est par le tourment des sourcils qu’elle s’énonce.

Enfin les passions violentes & terribles tyrannisent le corps & l’esprit, inclinent les parties du masque, & les affaissent du côté du cœur navré de déplaisir.

Avant que d’exposer le détail des formes convenables à ces quatre situations, dévoilons une remarque qui renferme un des plus grands principes de l’expression. C’est dans les yeux, & particulièrement dans les divers mouvemens des sourcils, que les passions se caractérisent, & qu’elles paroissent d’une manière plus sensible.

Le mouvement qui éleve le sourcil sans violence exprime les passions les plus douces ; celui qui l’incline forcément, représente les plus féroces.

On distingue deux sortes d’élévations du sourcil. S’éléve-t-il par son milieu ? Il marque les sentimens agréables. Eléve-t-il sa pointe vers le front ? Il désigne la tristesse & la douleur. Alors il abaisse tellement son milieu, qu’il cache quelquefois une partie de la prunelle. C’est dans, la sérénité ou dans les tourmens du sourcil que se lisent les symptômes du plaisir ou du chagrin. On peut en dire presque de même des divers mouvemens de la bouche.

Quelques exemples confirmeront ce que nous venons d’annoncer.

Dans les passions tranquilles, telles que

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