Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/735

Cette page n’a pas encore été corrigée

6Q2 PAS mérite doit avoir lieu lorsqu’il est question de lier la peau fine du col à celle du visage qui est plus épaisse, & en général toutes les fois que deux couleurs différentes sur la même chair se suivent immédiatement.

Il est encore une circonstance où, dans la peinture, le mot passage est un terme propre ; c’est à l’occasion des demi-teintes données au ton qui se trouve entre le clair & l’ombre. Si ces teintes n’ont éprouvé aucune altération par le maniment du pinceau & la fonte nécéssaire á l’effet, si enfin elles ont conservé toute leur fraîcheur, alors ce sont de beaux passages. Mais cette maniere de s’exprimer est toujours relative au coloris, & jamais à la justesse du ton. Car si cela s’entendoit du clair-obscur, cette expression seroit aussi d’usage pour le dessin cependant on ne dit point d’un dessin dont l’effet est bon : voilà de beaux passages, des passages fins &c.

Telles sont les véritables acceptions du mot passage dans l’art de peindre ; c’est ainsi qu’il est employé par les gens qui connoissent son langage : car dans les autres parties de cet art, le sens de ce mot est commun avec l’emploi qu’on en fait pour tous les beaux arts : eloquence, sculpture, poësie &c. Boileau n’at-il pas dit, art poëtique ?

Passez du grave au doux, du plaisant au sévère.

Quant á l’estime qu’on doit faire des passages vrais, elle a sa source non-seulement dans leur franchise, & dans leur fraîcheur, mais encore dans leur rareté. Car ailleurs que dans Vandick le Titien, & quelques autres artistes Venitiens, il seroit difficile de rencontrer des passages d’une grande excellence. Ceux de Rubens, de Rembrandt sont à la vérité frais, & bien différenciés, mais trop tranchés ; ceux du Guide de l’Albane. & même de Correge (si on en excepte le beau Tableau de Parme) quoique trés fins dans leurs passages, perdent par leur fonte, les différences des teintes de la peau. (article de M. ROBIN).

PASSIONS (subst. fem. plur.) On désigne par ce mot toutes les affections de l’ame, toutes ses modifications ; même la tranquillité : car le mot grec pathos, d’où il tire son origine, ne signifie pas seulement les agitations de l’ame, mais toutes les modifications dont elle se rend compte à elle-même ; si elle ne s’en rend pas compte, elle est alors dans l’apathie. Ainsi le mot passion est synonyme de sentiment, de sensation, & l’ame ne cesse d’être passionnée que lorsqu’elle cesse de sentir. C’est donc faute d’avoir connu le sens propre & originel du mot passions qu’on a critiqué le Brun d’avoir mis au nombre des passions la tranquillité. L’ame tranquille est


dans un état de passion, lorsqu’elle a la conscience de sa tranquillité.

Le Brun, célèbre entre les peintres de l’école françoise, a composé relativement à son art un traité des, passions, & s’est attaché à décrire les différens effets qu’elles produisent sur les parties extérieures. Cet ouvrage est élémentaire, & sa brieveté nous permet de le produire ici.

DISCOURS de M. le BRUN sur le caractère des passons.

L’EXPRESSION est une naïve & naturelle ressemblance des choses que l’on a à représenter. Elle est nécessaire elle entre dans toutes les parties de la peinture, & un tableau ne sauroit être parfait sans l’expression. C’est elle qui marque les véritables caractères de chaque chose ; c’est par elle que l’on distingue la nature des corps, que des figures semblent avoir du mouvement, & que tout ce qui est feint paroit être vrai.

Elle est aussi bien dans la couleur que dans le dessein : elle doit encore être dans la représentation des paysages, & dans l’assemblage des figures.

L’expression est aussi une partie qui marque les mouvemens de l’ame & rend visibles les effets de la passion. Le nombre des savans qui ont traité des passions est si grand, que l’on ne peut que répéter ce qui est dans leurs écrits pour donner aux étudians en peinture une notion plus sensible de ce qui concerne cet art.

1º. La passion est un mouvement de l’ame qui réside en la partie sensitive qui lui fait parvenir ce qui semble lui être bon, & fuir ce qui lui paroît être mauvais. Ce qui cause à l’ame quelque passion, fait faire au corps certains mouvemens, & produit certaines altérations. Il est donc nécessaire d’exprimer quels sont ses mouvemens, & ce que c est qu’action.

L’action n’est autre chose que lé mouvement de quelque partie, & Je changement ne se fait que par le changement des muscles.

Les muscles n’ont de mouvement que par l’extrémité des nerfs qui les traversent ; les nerfs n’agissent que par les esprits qui sont contenus dans les cavités du cerveau, & le cerveau ne reçoit les esprits que du sang qui passe continuellement par le cœur, qui l’échauffe & le raréfie de telle sorte qu’il produit un certain air subtil qui se porte au cerveau & le remplit. Le cerveau ainsi rempli, renvoye de ces esprits aux autres parties par les nerfs qui sont comme autant de filets ou tuyaux qui portent ces esprits dans les muscles en plus ou moins grande quantité, selon qu’ils