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du monde intelligible où elles s’évaporent & se perdent, pour ainsi dire, dans ce monde physique, où elles prennent de la consistance & de la réalité. La Géométrie elle-même, la plus réelle, la plus active, la plus solide de ces sciences, ne fut jamais plus intéressante, & en même temps plus sublime que lorsqu’elle appliqua ses méthodes & ses instrumens aux objets, sur-tout aux grands objets de la nature.

C’est dans cet esprit que je retrancherai toutes ces questions puériles, oiseuses, que leur subtilité rendoit jadis recommandables, & qu’heureusement pour notre siècle elle rend aujourd’hui ridicules. Telles sont les questions trop fameuses sur les universaux in essendo & autres, sur les natures


banales, les accidens modaux, & tous les grades métaphysiques, les propositions promissoires, réduplicatives, falsifiantes, & leur conversion ; les espèces impresses & expresses, le prédicable & le prédicat, la raison ratiocinante & la raison ratiocinée, &c. &c. &c. Non qu’il n’existe en tout cela un fond de vérité, mais ce sont des vérités vagues, inutiles, souvent très-communes, & que d’ailleurs tout bon esprit comprendra facilement dès qu’elles seront traduites en langage intelligible. Ce sont peut-être les plus hautes branches de l’arbre, mais qui, trop éloignées des racines, n’en reçoivent qu’une sève exaltée d’où se forme un vain luxe de feuilles, sans aucun fruit, & trop souvent sans aucune fleur.

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[XVIII.] DICTIONNAIRE DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE ; par une Société de Gens de Lettres ; (M. MARMONTEL, de l’Académie François ; M. BEAUZÉE, de la même Académie, &c. un volume in-4.

CE dictionnaire présente deux parties des connoissances humaines, unies par un principe commun, qui est l’art du langage ; & qui, ne pouvant ni se séparer ni se confondre avec d’autres sciences, devoient naturellement être rassemblées dans un même corps d’ouvrage.

Les langues, considérées simplement comme un moyen de communiquer ses idées, sont soumises à des règles qui sont l’objet de la Grammaire. Les unes sont relatives à la composition de toutes les langues, & forment la Grammaire générale ; les autres, relatives seulement à tel ou tel idiôme, forment la Grammaire propre à chacun de ces idiômes.

Mais les langues sont composées de mots qui, soit par la nature plus ou moins harmonieuse de leurs élémens, & l’ordre dans lequel on les place, soit par la signification plus ou moins précise qu’on y attache, soit par les images & les idées accessoires qu’ils réveillent dans l’esprit, sont susceptiles d’une variété infinie de combinaisons, plus ou moins propres à donner au discours du mouvement, de la vivacité, de l’intérêt, ou de l’énergie.

Cet art d’animer & d’embellir le discours se divise en deux branches, la Poétique & la Rhetorique, dont les subdivisions embrassent tous les genres de compositions littéraires.

La discussion des principes & des règles de ces diverses compositions ; l’analyse des beautés & des défauts des ouvrages les plus célèbres dans chaque genre ; l’examen comparé des langues anciennes & modernes, dans leurs rapports avec la perfection des arts & des lettres, forment une troisième division qui, sous le nom de Critique, donura lieu à un grand nombre de détails & d’observations également propres à éclairer l’esprit & à former le goût, soit pour composer des ouvrages de littérature, soit pour en apprécier le mérite.

L’histoire de la Poésie & de l’Eloquence, des progrès & des révolutions du goût chez les anciens & chez les modernes, entrera aussi dans cet ouvrage ; elle n’y sera cependant pas traitées dans des articles particuliers, ni par la méthode biographique, étrangère au plan de l’Encyclopédie ; mais elle sera fondue dans les articles généraux, consacrés aux grandes divisions de la littérature. Ainsi, Homère ne formera point un article à part ; mais aux articles Epopée, Poésie, on trouvera les détails nécessaires sur la vie & les ouvrages de ce grand homme, sur les circonstances qui ont pu favoriser son génie, & l’influence qu’il a eue sur les progrès de la poésie dans les siècles postérieurs.

La Mythologie ancienne formera une autre division ; elle a des rapports nécessaires avec la poésie, & la connoissance en est même indispensable pour l’intelligence des poëtes grecs & Romains. C’est sous ce point de vue seulement qu’on considérera cet objet, & non dans ses rapports avec l’histoire, la religion, & les mœurs de l’antiquité.

Les parties principales qui doivent composer ce dictionnaire, ont été traitées d’une manière aussi neuve qu’intéressante dans l’Encyclopédie & son supplément. La Grammaire générale & particulière avoit été entreprise par M. du Marsais ; la mort l’a interrompu dans son travail, qui a été continué par M. Beauzée, son disciple &’son émule. Le nom & les ouvrages de ces deux grammairiens sont trop connus pour ne pas nous dispenser de faire leur éloge.