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ORD imposant ; le caractère de celles de Coypel étoit théatral.

Le sujet indique quelquefois le genre d’ordonnance que i’artiste doit adopter. Elle doit être riche dans un sujet asiatique ; simple, dans un sujet des temps héroïques. Ce ne sera peut-être pas un défaut qu’elle soit pauvre dans le repas de Philémon & Baucis.

Comme l’ordonnance tient de près à la composition & à la distribution, nous croyons pouvoir ici renvoyer le lecteur aux articles qui traitent de ces deux parties de l’art.

On peut s’en tenir sur l’ordonnance à ce qu’a dit Félibien : « il est impossible de éduire en règles tout ce qui est nécessaire pour bien ordonner les figures qui composent un tableau, parce. que l’ordonnance est une partie qui dépend du génie & du jugement du peintre ; » il pouvoit ajourer, & du sujet. Aussi ne vois-je pas que les grands maîtres qui ont écrit de l’art se soient arrêtés sur cette partie. Ils ont sans doute reconnu que tous les détails dans lesquels ils pourroient entrer auroient trop rarement une juste application.

Un artiste justement célèbre loue les maîtres qui se plaisoient à composer leurs tableaux de grandes figures en petit nombre ; qui les pressoient & les amonceloient en quelque sorte, ce qui les rendoit très grouppées, en sorte qu’elles s’entre-soutenoiont les unes les autres. « Il semble même, ajoute-t-il, qu’ils aient cherché, pour augmenter ce resserrement, à y employer de fréquens raccourcis qui en eflet font tenir plus de choses dans un petit espace. »

Cette manière d’ordonner est-elle conforme à la nature ? Nous avons vu ailleurs que les hommes cherchent naturellement à se rassembler par pelotons ; mais ils ne cherchent pas à se presser, à s’entasser, à moins qu’ils n’y soient engagés par les circonstances.

Cette manière d’ordonner est-elle favorable à la beauté de la composition d N’y a-t-il pas plus de vraie beauté dans les développemens des figures & des grouppes, que dans leurs entassemens ? Une belle composition doit être enchainée, mais non, pour ainsi dire, entassée en paquets.

« J’avoue, continue-t-il, que cette manière riche & qui a quelque chose de grand m’a toujours beaucoup séduit. Cependant je ne disconviens pas qu’elle est peu usitée en France. Lorsque quelqu’un la hasarde, les artistes en sentent le prix & lui donnent des éloges ; mais les critiques disent qu’il n’y a pas d’air entre les grouppes. »

Si cette manière avoir tant de prix aux yeux des artistes François, on la leur verroit adopter, & cependant ceux d’entr’eux qui occu-


pent les premiers rangs semblent s’en éloigner de plus en plus.

Au reste le sujet, & la forme du tableau peuvent quelquefois engager à la suivre : mais les critiques ne paroissent pas avoir tort quand ils veulent qu’on puisse se promener en imagination autour des grouppes, & qu’il y ait de l’air entr’tux comme il y en a dans la nature. Quand les Carraches, que cire notre artiste, ont cru devoir presser & amonceler leur figures, on ne voit pas, autant qu’on en peut juger par ceux de leurs ouvrages qui nous sont connus en originaux ou par la gravure, qu’ils aient négligé de faire sentir qu’il y a de l’air entre les grouppes, & qu’on pourroit en faire le tour, si ces grouppes étoient en effet de relief.

« Enfin, dit encore le même artiste, les raccourcis ne plaisent guere au commun des hommes ; ils ont peine à les concevoir. C’est cependant une beauté dans l’art, puisqu’en-finla difficulté surmontée y doit être comptée pour quelque chose. »

J’ose croire ici que le commun des hommes n’a pas tort, & qu’il raisonne comme devroient raisonner les artistes les plus distingués.

Convenons d’abord qu’on ne peut dessiner une seule figure dans la situation la plus simple, sans exprimer plusieurs raccourcis. Ce n’est donc pas de ces raccourcis que notre artiste veut parler ; mais de ceux qui sont plus rares, qu’on peut le plus souvent éviter, qui exigent plus de science, que le public appelle vulgairement des raccourcis outrés, & qu’on pourroit souvent appeller des raccourcis recherchés.

Ces raccourcis supposent beaucoup de savoir dans ceux qui parviennent à les bien exprime : nous accorderons encore qu’ils supposent une grande difficulté vaincue. Mais le savoir mais l’art de vaincre des difficultés est-il le but de l’art ? Non ; ce but est de plaire. Le savoir, l’art de faire même des choses difficiles ne sont que de moyens de parvenir à ce but. L’affectation de savoir, celle de faire sentir au spectateur qu’on a eu des difficultés à vaincre, en éloignent. Cette affectation a nui même au grand talent de Michel-Ange.

Quel est le vrai moyen de plaire ? Il n’en est qu’un général ; c’est l’expression du beau. Je demanderai donc si ce n’est pas dans leur développement, & non dans leur raccourci, que les formes montrent toute leur beauté. Si cela est vrai, l’artiste doit chercher à développer, éviter autant qu’il le peut les raccourcis. Aussi voyons-nous qu’en général les grands maîtres se sont appliqués à développer leurs principales figures : mais ils ont montré leur savoir ou ont obéi à la nécessité, en admettant