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O P P mais ces deux teintes étant placées sur la toile, le violâtre paroîtra infiniment plus violet, vu à côté de la teinte jaune, & par opposition avec elle : pour moi, je pense que cette manière de s’exprimer est vicieuse, parce que le changement produit est plutôt l’effet de la comparaison que celui de l’opposition ; & mon avis est que, dans cette circonstance, le premier de ces deux mots doit être exclusivement employé.

Il en est de même de ce qui regarde le ton. On dit ce ton n’est pas absolument clair, & il ne paroît tel, que par l’obscurité de celui qui lui est opposé. Je crois qu’il faut absolument dire comparé.

La raison de la préférence que je donnerois dans ces cas, à l’emploi du mot comparaison sur le mot opposition, c est que bien loin que le ton voisin d’un autre ton, & qu’une teinte voisine d’une autre teinte, obtiennent leur vraie valeur par opposition, elles doivent au contraire être approchantes, amies, & ne produisent l’artifice desiré par l’artiste que par la comparaison.

Le mot opposition ne me paroît pas employé avec plus de propriété au sujet des mouvemens des membres. Cependant on dit communément, les bras doivent être en opposition l’un avec l’autre, ou ceux-ci avec les jambes ; la tête avec le corps & ainsi du reste, afin de conserver les règles de l’équilibre, & de suivre les principes reçus pour la grace, la force, l’expression &c. : je crois que le mot contraste doit seul être employé dans cette circonstance.

Quoique l’on doive sentir le vice de ces emplois divers du mot opposition dans les occasions dont nous parlons, puisqu’il ne sert qu’a tenir la place des expressions propres, le mot dont il s’agit est encore plus déplacé quand il exprime la différence de la grandeur des figures, suivant que leurs plans l’exigent. Ainsi de Piles me paroît s’être servi du mot opposition d’une manière peu convenable, quand il s’exprime ainsi, dans sa traduction du poëme de Dufresnoy, au sujet de la diminution des figures. « Les objets du premier plan doivent dominer sur les choses incertaines & fuyantes ; mais que cela se fasse relativement, e’est-à-dire, qu’une chose plus grande & plus forte, en chasse derrière une plus petite, & la rende moins sensible par son opposition. » Comme si la diminution perspective des objets qui entrent dans un tableau, étoit un moyen arbitraire que le peintre pût employer à son gréour les faire fuir ou avancer, & comme s’ils n’avançoient & n’étoient enfoncés que par l’opposition que produit leur grandeur respective & non par une. diminution ou augmentation relative, &


calculée sur l’effet mathématique de la vision.

Voici les vers dont je viens de rapporter la traduction ; de Arte Graphicâ, v. 153 & seqq.


Anteriora, magis semper finita remotis,
Incertis dominentur, & abscedentibus, idque
More relativo, ut majora minoribus extent.


On voit qu’il n’y a pas là un mot d’opposition : mais c’est presque toujours ainsi que de Piles défigure l’ouvrage de Dufresnoi.

Ces emplois abusifs de divers écrivains, ont ainsi dénaturé la vraie signification du mot opposition dans l’art, & les atteliers en ont abusé encore davantage.

Pour moi, je pense qu’il ne peut s’employer avec précision que dans le sens donné par les Rheteurs pour l’art de la parole : chez eux, l’opposition est une figure par laquelle les pensées & les expressions frappent les esprits par leurs grandes différences. L’opposition est approchante del’antithèse.

De même, dans l’art, Rembrandt, Rubens, Giorgion, Tintoret frappent & entraînent nos sens par la forte opposition des grandes masses de lumières & d’ombres. C’est par l’opposition de la beauté des figures de femmes, avec le déchirement de leur douleur, que Daniel de Voltaire, Raphaël & Lebrun émeuvent l’ame du spectateur, ceux-là par le spectacle des saintes femmes aux pièces de la croix, & celui-ci par son tableau du massacre des Innocens, dans lequel il a si bien peint la douleur des mères de ces victimes.

Souvent c’est par l’opposition qui se trouve entre les formes générales d’une composition que l’auteur mérite les grands succès ; les plaines fuyantes d’Arbelles opposées aux grands grouppes du devant du tableau de Lebrun ; la hauteur des combattans sur les éléphans, & celle du char de Darius opposés aux grouppes inférieurs, animent aussi les esprits attachés à cette superbe composition.

Dans le coloris, un vêtement rouge éclate & fixe l’intérêt sur une figure, quand il est opposé à un vaste ciel bien serein, ou à des draperies de couleurs tendres.

Si je me suis bien fait entendre, l’opposition ne doit s’appliquer qu’aux grands effets. Je sens bien que des personnes peu disposées à suivre mes opinions, pourront opposer à la précision que j’assigne à ce mot ; d’abord son emploi usité ; en second lieu, elles pretendront que oppositiondoit avoir la même signification dans les détails que dans les masses, & que par conséquent le violâtre d’une teinte est proportionnellement, & dans le même sens, opposé à la teinte jaunâtre, que la draperie rouge du Bacchus du Titien, l’est au ciel