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$72 O M B renfermé, où le jour vient d’en-haut, tel qu’une église, qu’en pleine campagne où elles sont adoucies par la réverbération des reflets. « « On doit distinguer les ombres qui se nichent dans des creux, & sous des parties fouillées, d’avec celles qui s’étendent & glissent sur les objets. Les premières peuvent être mattes & traitées fièrement ; les autres doivent être moëlleuses, légères, vives à l’endroit d’où elles partent, & fondues à mesure qu’elles s’éloignent du principe qui les produit. Mais dans quelqu’endroit de la composition qn les place, de quelque nature qu’elles soient, les ombres portées seront toujours plus vigoureuses, plus expliquées, plus colorées que celles des corps qui les portent. »

M. Cochin, dans ses lettres á un jeune artiste, après avoir observé qu’André Sacchi a supérieurement entendu l’art de rompre & d’accorder ses ombres pour faire un tableau harmonieux ; que le Titien, Paul Veronese, Rubens, ont tous possèdé cette partie ; que cette magie se décèle sur-tout clairement dans les ouvrages de Luca Giordano : ajoute en parlant des tableaux de ce maître, & de ceux d’André Sacchi, « vous y verrez, en général, un ton d’ombre en quelque sorte le même, mais plus ou moins visible, selon le degré & la force de ces ombres. Vous y verrez que le ton qui fait les ombres fortes d’une draperie blanche, est le même que celui qui fait les ombres fortes d’une draperie bleue, d’une draperie rouge &c. je ne parle pas, dit-il, de la partie ombrée qui reçoit des reflets, dès qu’il peut y arriver des lumières, quoiqu’elles ne soient que de reflet ; car ces ombres refletées reprennent en partie leur couleur propre : mais les enfoncemens entièrement prives sont les mêmes, quelles que soient les couleurs des objets. »

« Cette magie, clairement expliquée par ces maîtres, vous mettra à portée de la reconnoître dans tous les tableaux des autres, dont l’accord vous paroîtra agréable & harmonieux. Delà vous appercevrez que ce principe a été connu de presque tous les peintres qu’on peut appeller peintres ; car je ne parle pas de ceux qui ne sont que dessinateurs. »

« Cet examen vous conduira à remarquer combien d’autres peintres ne se sont pas seulement doutés de cet effet de la nature, qui, bien connu, ajoute tant à l’art. Surtout dans la plupart des fresques dont l’Italie est remplie, vous verrez souvent une draperie bleue ou rouge, ombrée seulement avec le même bleu ou le même rouge, où seulement il est entré moins de blanc ; mais sans, aucune rupture ni mêlange d’autres cou-


leurs qui pussent salir & rompre ce bleu ou ce rouge. Ils n’ont point connu ce secret de la peinture ; mais ce secret d’harmonie a été habilement employé par tous ceux qui se sont rendus célèbres comme coloristes & particulièrement par les Vénitiens. »

« En observant ce principe essentiel, vous verrez en même-temps les erreurs dans lesquelles sont tombés quelques artistes, faute d’avoir bien choisi le véritable ton qui doit, rompre toutes les ombres. Vous verrez Paul Veronese leur donner quelquefois un ton, trop violâtre ; Solimeni, tin trop bleuâtre ; Baccicio, un ton trop jaune &c. Ce sont ces excès qu’il est nécessaire d’éviter. Il faut, pour ainsi dire, que ce ton général, qui sert à donner l’unisson, & à faire chanter tout d’accord, soit tellement rompu, qu’on ne puisse proprement y donner le nom d’aucune couleur. »

Voyez sur la difficulté de bien représenter les ombres, l’article ILLUSION dans la peinture, que nous avons transcrit des œuvres du même artiste.

Mais sur-tout écoutez Rubens sur la manière de traiter les ombres & les lumières. « Commencez, disoit-il, par peindre légèrement vos ombres. Gardez-vous d’y laisser glisser du blanc ; c’est le poison d’un tableau, excepté dans les lumières. Si le blanc émousse une fois cette pointe brillante & dorée, votre couleur ne sera plus chaude, mais lourde & grise. Il n’en est pas de même dans les lumières : on peut y charger ses couleurs tant qu’on le juge à propos. Elles ont du corps : il faut cependant les tenir pures. On y réussit en établissant chaque teinte à sa place, & près l’une de l’autre, en sorte que d’un léger mêlange fait avec la brosse, ou le pinceau, on parvienne à les fondre en les passant l’une dans l’autre sans les tourmenter : & alors on peut revenir sur cette préparation, & y donner les touches décidées qui sont toujours les marques distinctives des grands maîtres. (L) »

OPPOSITION (subst. fem.) se mot est d’un usage fréquent en peinture. En parcourant toutes les occasions où l’on en fait usage, je hazarderai quelques opinions sur l’abus qu’on en fait.

On dit qu’on ne peut faire valoir une teinte ou un ton sans opposition. Dans le premier cas, on entend qu’en plaçant, par exemple, une teinte jaune a côté d’une teinte violette, on fait paroître celle-ci plus violette encore ; de manière que cette teinte violette dont nous parlons, sera réellement d’un violet imperceptible, si elle se voit sur la palette & séparée de la teinte jaune qui doit en être voisine :