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N E U NEUF . (adj.). Il signifie nouvellement fait, &, dans ce sens, nous n’avons rien à dire sur ce mot, si ce n’est qu’il manque quelquefois à un tableau neuf un charme, une perfection qu’il recevra du temps. Comme un tableau, regardé d’une certaine distance, reçoit un fini plus parfait de l’interposition de l’air qui en fond toutes les teintes, de même le vernis général dont le couvrira la vétusté, lui donnera une fonte & un accord qu’il n’a pu prendre sur le chevalet. Mais cela suppose que l’artiste a bien connu les substances dont il a fait usage, & qu’il a prévu les effets que le temps produiroit sur elles : car s’il a employé des teintes dont les unes s’éteignent & s’évaporent, tandis que les autres poussent au noir, le temps détruira l’accord qu’il avoit donné à son ouvrage.

Mais on entend souvent par le mot neuf, ce qui étonne par la nouveauté, la singularité de l’invention, de la pensée, de l’exécution. On peut dire, prenant ce mot en cette acception, que l’envie de produire du neuf a perdu bien des gens de lettres, & bien des artistes. Pour ne ressembler à aucun de ses prédécesseurs, on ne ressemble plus à la nature qu’ils ont tâché d’imiter, à la vérité qu’ils ont tâché d’atteindre, & ce qu’on produit est neuf, parce que personne encore n’avoit eu l’audace de rien produire de si bizarre. On croit se distinguer, parce qu’on a le front de mettre au jour, ce que les esprits sages avoient mille fois rejetté.

Il n’est point d’homme qui n’ait apporté en naissant son caractère particulier ; sa maniere de penser, de sentir, de voir, d’exécuter, lui est personnelle, comme les traits de son visage : tout bon artiste qui sera lui-même, & qui n’aura d autre but que d’être vrai, ne manquera donc jamais d’offrir duneuf dans ses ouvrages. Une belle figure, une expression bien sentie, une pensée qui n’aura d’autre éclat que celui de sa simplicité, la vérité enfin imprimée dans tout un ouvrage, voilà ce qui sera neuf au moment où il sera créé par l’artiste, & qui le sera plusieurs siècles après que l’artiste ne sera plus. Mais s’il veut être neuf en produisant des conceptions extraordinaires, en tourmentant ses figures & ses compositions, en outrant ses expressions, en recherchant des effets bisares, en se piquant d’un coloris singulier, on applaudira peut-être quelques temps à ses efforts mal entendus ; mais tôt ou tard on se vengera de sa charlatanerie, en le mettant même au-dessous de la place qu’il mériteroit d’obtenir. (Article de M. Levesque.)

NOBLE & NOBLESSE (adj.) & (subst. fem.) Le titre de noble est parmi nous l’effet & la suite d’une convention ancienne ou d’une institution nouvelle.


On se trouve noble par son origine, ou bien par la volonté du prince. Ces conventions n’ont pu passer dans les Arts, qui ont adopté les mots noble & noblesse, & qui ne connoissent cependant de distinction que celle du mérite : le fils ou le descendant d’un célèbre Artiste est mis dans la classe la plus roturière, lorsque le talent se trouve dégradé dans ses ouvrages. Cette justice exacte est fondée sans doute sur l’indépendance inaltérable de la pensée, sur le droit sacré de la raison, & sur la décision libre des yeux & du sentiment.

Que n’est-il possible de faire passer une partie au moins de cette justice dans nos sociétés ? La classe des nobles, qui ne perdra de ses droits que par l’extrême multiplicité à laquelle elle tend, seroit moins nombreuse, mais plus respectée.

Pour en revenir au mot de cet article, ou plutôt au sens qu’on lui donne dans les Arts ; quelles sont donc les raisons à la faveur desquelles il y a été adopté ?

Si nous examinons ce qui caractérise la noblesse d’un genre de peinture, ou ce qui autorise à appeller certains sujets nobles, c’est que ce genre, ou ces sujets renferment, ou imitent des actions dans lesquelles brillent les vertus sublimes, les qualités héroïques, les sentimens qui honorent l’humanité. L’histoire est donc, par cette raison, le plus noble des genres, & les sujets historiques qui représentent des traits de magnanimité, de générosité, d’humanité distingués, sont des sujets nobles.

D’une autre part, comme nous nous représentons le plus ordinairement les héros & les grands hommes, sous les apparences relatives à leurs vertus & à leurs qualités ; nous sommes portés à penser que les hommes, dont la structure offre des formes distinguées par leur perfection, sont destinés à faire des actions recommandables, & nous nommons par induction, figures nobles celles dont les apparences approchent de cette perfection.

Lorsqu’il s’agit de représenter avec un caractère de noblesse des figures de femmes ; l’idée devient plus vague, parce que la plupart des actions qui appartiennent aux héros, ne conviennent point à un sexe généralement doux & foible. Nous suppléons alors au vague de l’idée par les proportions d’une taille au-dessus de la moyenne, par un maintien grave, & enfin par le caractère de la physionomie que nous rendons belle d’une beauté sérieuse, imposante, sans trop d’orgueil, & dont la perfection consiste surtout dans la régularité des traits, parce que la régularité appartient à l’ordre, & que l’ordre inspire le respect.

On dit dans ses lettres, comme dans les Arts du dessin, une expression noble. On dit