Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(xxxij)

[XIV.] DICTIONNAIRE HISTORIQUE ; par M. GAILLARD, de L’Académie Françoise & de celle des Inscriptions, deux volumes in-4o.

NOUS commencerons ce Prospectus par un aveu d’une nature peu commune dans les Prospectus ordinaires, c’est que l’Histoire, par-tout si utile, n’auroit pas dû entrer dans le plan de l’Encyclopédie.

Elle est elle-même l’Encyclopédie des faits de tous les temps & de tous les pays ; & cette partie, traitée avec une cettaine étendue, auroit pu être plus grande que le reste de son tout.

Un Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts & des Métiers n’admettoit pas nécessairement le genre historique, & dès-lors il l’excluoit, à cause de l’immensité de l’objet.

Cependant le frontispice de l’Encyclopédie présente l’Histoire écrivant les Fastes, appuyée sur le Temps.

Le systême figuré des connoissances humaines, qu’on a placé à la tête de l’Encyclopédie, ce systême si ingénieux & si complet, dont M. Diderot est l’auteur, comprend expressément l’Histoire & ses principales divisions : Histoire sacrée, écclésiastique, civile, littéraire, ancienne & moderne.

L’Arbre encyclopédique du chancelier Bacon a aussi pour principale branche l’Histoire & ses divisions.

Ce discours immortel, préliminaire sublime, analyse parfaite d’un livre auquel tant d’imperfections inévitables n’ont pu ravir l’honneur d’être le plus utile des livres, & qui, par la nouvelle distribution & le nouveau travail, va devenir aussi utile qu’il peut l’être ; ce discours, qui sera toujours un des plus beaux titres de gloire de M. d’Alembert, assigne à l’Histoire son rang dans la chaîne des connoissances humaines.

En effet, il n’y avoit d’autre raison de l’en détacher que son trop d’étendue, mais cette raison suffisoit ; & malgré tout ce qui vient d’être dit, l’Encyclopédie avoit paru tout entière, sans que le genre historique y eût été admis. M. de Voltaire, auteur de l’article Histoire, avoit seulement exposé sur l’Histoire tant ancienne que moderne, des vues générales, qui servent à donner une idée de la manière dont cette partic pourroit être réduite.

Dans le supplément de l’Encyclopédie on a suivi un plan différent ; on a supposé que cette omission du genre historique étoit une des raisons qui rendoient ce supplément nécessaire ; en conséquence on l’a chargé d’un grand nombre d’articles d’Histoire ; tant ancienne que moderne, pour donner un intérêt de plus à l’ouvrage. « Il nous


a semblé, disent les éditeurs, que c’étoit le vœu de cette partie du public dont les autres reçoivent volontiers la loi. »

Quoi qu’il en soit, il n’est plus question aujourd’hui d’examiner si l’Histoire devoit ou ne, devoit pas entrer dans le plan de l’Encyclopédie ; une fois admise dans ce plan, elle ne doit plus en être exclue, les auteurs du supplément nous ont fait la loi à cet égard, & le lecteur ne veut rien perdre. Mais s’il prend aisément l’habitude des jouissances, & s’il voit de mauvais œil le retranchement total d’un genre ou d’un objet dont il est en possession, nous espérons qu’il permettra, qu’il goûtera même des réductions nécessaires, faites d’après le systême qu’on va lui exposer.

Ce dictionnaire différera des dictionnaires historiques ordinaires, en ce qu’il comprendra également les noms des personnes & des choses. Il y aura des articles particuliers pour les personnages vraiment célèbres ; il y en aura aussi pour les institutions & les usages vraiment importans. Ces articles de choses auront même, sur les articles de personnes, l’avantage de présenter des tableaux entiers & complets, sans l’inconvénient de la confusion, des répétitions, &c.

Le grand point est de savoir se resserrer ; le grand écueil à éviter est la trop vaste étendue du genre. Heureusement on peut beaucoup retrancher sans rien sacrifier. Que font dans tant de dictionnaires historiques, & que feroient sur-tout dans l’Encyclopédie tant d’ignobles pédans dont les ouvrages ont péri, ou ne seront jamais lus ; tant de petits personnages dont l’obscure célébrité n’est entretenue que par le pédantisme & par la fureur de copier ? Que fait dans le dictionnaire de Bayle cette foule de sectaires ignorés, à qui un mauvais écrit polémique, un libelle de parti a pu procurer dans leur parti une existence éphémère & locale, & que la condescendance politique de Bayle, pour le pays où il écrivoit, a entassés sans choix, pour se faire pardonner les articles hardis, ou peut-être les articles raisonnables ? Pourquoi dans ce fameux livre ne trouve-t-on jamais ce qu’on a toujours intérêt de chercher, & trouve-t-on à chaque page ce qu’on ne cherchera jamais ? C’est sans doute une grande tache dans ce grand monument, non de goût, mais d’érudition, de raisonnement, & de critique.

On avoit d’abord proposé de ne parler, même parmi les rois & les princes, que de ceux qui ont aimé & protégé les Lettres. On trouvoit dans ce parti l’avantage de ne prendre de l’Histoire que


cc