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Cyrene, un regard de volupté ; on en fait un Bacchus : qu’on lui donne un trait de grandeur divine, c’est un Apollon. Un regard de cette fierté qui appartient à l’homme, & non pas au Dieu, décele dans le Minos des médailles de Gnossus, un personnage royal : ôtez-lui cette expression, vous en ferez un Jupiter plein de clémence.

Les anciens imprimoient à leurs Héros des formes héroïques, en relevant certaines parties par des saillies au-dessus du naturel : ils animoient les muscles & leur donnoient une vivacité extraordinaire ; ils mettoient en jeu dans les actions véhémentes tous les ressorts de la nature. L’objet qu’ils se proposoient par ces procédés, étoit d’y introduire toutes les variétés possibles. C’est ce qui se voit dans le prétendu gladiateur d’Agasias d’Ephese, statue conservée à la Villa-Borghese. La physionomie de cette figure est faite d’après une personne dont on a voulu représenter la ressemblance : mais les muscles grenus des côtés, ont plus de saillie, de mouvement, d’élasticité que dans la nature.

On en a un exemple encore plus frappant dans les mêmes muscles du Laocoon, nature exaltée par l’idéal : mais cet idéal n’est pas encore celui de la divinité, comme nous pourrons le reconnoître, en comparant cette statue, par rapport à la même partie du corps, aux figures déifiées ou divines, telles que l’Hercule & l’Apollon du Belvédère. Dans le Laocoon, le mouvement de ces muscles est porté au-delà du vrai, jusqu’aux dernières bornes du possible ; amoncelés comme des vagues, ils correspondent l’un à l’autre pour exprimer la plus grande contention des formes au milieu de la douleur & de la résistance. Dans le torse de l’Hercule déïsié, ces mêmes muscles sont d’une forme idéale de la plus haute beauté : élevés d’une manière coulante, ils offrent un cadencement varié comme l’ondulation de la mer dans son calme. Dans l’Apollon, figure d’une beauté toute divine, les muscles sont de la plus grande délicatesse souffllés en ondes presqu’imperceptibles, ils sont plutôt sensibles au tact qu’à la vue.

Les artistes étoient autorisés par les poëtes à suivre, dans la configuration des jeunes héros, leur principal objet qui étoit la beauté ; à rendre même cette beauté si délicate, que le spectateur put rester indécis sur le sexe de la figure. A quelle beauté ne leur étoit-il pas permis d’élever un Achille qui, long-temps, étoit resté inconnu entre les filles du Roi Lycomède ? Ne pouvoit-ils pas donner les mêmes charmes à Thésée, qui, suivant le témoignage de Pausanias, parut à Trezene, vêtu d’une longue robe qui lui descendoit jusqu’aux pieds, & que son air efféminé exposa aux railleries des ouvriers qui travailloient au Temple d’Apol-


lon ? Ils feignoient de s’étonner de voir marcher seule dans la ville une jeune personne d’une beauté si accomplie.

L’auteur d’un tableau antique conservé au cabinet d’Herculanum, s’est bien éloigné de cette beauté féminine du jeune Thésée ; lorsque le représentant dans un de ses premiers exploits, la défaite du minotaure, il lui a donné une taille gigantesque. Le Poussin s’est également écarté de la beauté du jeune âge, en peignant le même héros. Thésée est représenté au moment où il lève la pierre, sous laquelle son père avoit caché son épée & l’un de ses souliers ; & où il trouva l’un & l’autre en présence d’Ethra, sa mere ; il n’avoit que seize ans quand il fit ainsi connoître sa force ; & le Poussin lui donne de la barbe, l’âge d’un homme fait, & un corps qui a perdu tous les arrondissemens de la jeunesse.

Pour faire d’un héros un Dieu, il s’agit bien plus de supprimer que d’ajouter. Cette opération consiste à retrancher graduellement les muscles trop angulaires & trop prononcés par la nature, jusqu’a ce que les formes soient portées à une telle finesse d’exécution, qu’il paroisse que l’esprit a seul opéré.

Nous ne chercherons point à contester cette règle que donne Winckelmann ; nous avouerons qu’elle est non-seulement ingénieuse, mais inspirée par un sentiment juste & profond. Nous ajouterons seulement qu’on emploieroit en vain cette règle pour faire un Dieu, si l’on n’avoit pas cette force, cette grandeur, cette sublimité d’imagination qui conçoit une nature céleste, qui la crée en quelque sorte, qui par le souffle du génie la porte sur la toile ou sur le marbre, & l’expose à la vénération des hommes étonnés.

HEURES, Voyez SAISONS.

UNON, indépendamment de son diadême élevé en crête, est reconnoissable à ses grands yeux & à sa bouche impérieuse. La plus belle statue de cette déesse est celle du palais Barberini, & la plus belle tête est à la Villa-Ludovisi : elle est de grandeur collossale.

JUPITER est toujours représenté avec un regard serein. Les têtes ressemblantes à celle de ce Dieu, mais que caractérise une expression de séverité, appartiennent à Pluton. Jupiter n’est pas seulement reconnoissable à la clémence qui règne dans sa physionomie ; mais à ses cheveux qui s’élèvent sur le front en formant différens étages, retombent en ondes serrées sur les côtes, & lui couvrent les oreilles. Plus longs que ceux des autres dieux, ils ne forment point de boucles, mais sont jettés d’une manière ondoyante, & ont quelque ressemblance


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