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J’avoue qu’un tableau de Vander-Werf, ou de tel autre peintre léché, me semble beaucoup moins fini que celui d’un peintre vénitien, qui, vu de près, ne laisse voir que des traits de pinceau jettés en apparence au hasard. Celui-ci m’offre l’effet de la nature, ce qui est le seul objet du fini ; l’autre, frappe ma vue d’un éclat éblouissant, & ne me donne l’idée d’aucune imitation vraie. Si terminer est atteindre au but, ou du moins s’en approcher autant qu’il est possible, peut-on donner le nom de fini à ce qui s’en éloigne ? Laissons-lui donc la dénomination de lèché ; elle seule lui convient, parce qu’elle se prend toujours en mauvaise part. (Article de M. Levesque.)

LEÇON, (subst. fém.) Avant de consacrer un enfant à prendre des leçons de peinture, ou de quelqu’un des arts qui appartiennent au dessin, il faut examiner, s’il a les qualités qui promettent des succès, de la pénétration, de l’attention, de la patience, & sur-tout un esprit juste. Pour qu’on espère qu’il pourra parvenir à la perfection, il faut qu’à tous ces dons, il joigne celui de la sensibilité. Mais qu’on se garde bien de se laisser séduire par cette vivacité, que l’on prend trop souvent pour du génie, & qui n’est au contraire qu’une qualité nuisible, puisqu’elle empêche les enfans de réfléchir à ce qu’on leur enseigne, & même de le comprendre.

L’enfance aime naturellement à imiter ; elle se plaît à contrefaire les hommes au milieu desquels elle vit ; elle se plaît à représenter grossièrement, avec la plume, du charbon ou des cartes découpées, des figures d’hommes, d’animaux, des maisons, des arbres ; sur-tout si l’enfant voit dessiner ou peindre, il voudra peindre ou dessiner. On se tromperoit le plus souvent, si l’on regardoit ce penchant de l’homme vers l’imitation, comme une disposition marquée pour les beaux arts. Mais si l’on remarquoit dans un jeune homme une justesse de coup-d’œil qui rapprochât de la vérité les imitations dont il se fait un jeu, alors on pourroit concevoir des espérances encore incertaines, mais cependant fondées, & le maître qui lui donneroit des leçons pourroit attendre quelque récompense de ses peines.

Il est bon de mettre, dès l’âge le plus tendre, le crayon dans les mains de l’enfant. A l’âge de quatre à cinq ans, il est déja capable d’apprendre quelque chose : plutôt on le fera commencer à se faire une étude de l’imitation, & plus sûrement il acquerra la justesse du coup-d’œil, comme, à dispositions égales, l’enfant que l’on consacrera de meilleure heure au chant aura le plus de légèreté dans la voix ; à un instrument, aura dans les doigts plus de souplesse ; à la danse, aura dans les jambes plus de légèreté. Il en est de même du dessin ; pour


former l’œil à voir juste, & la main à rendre avec précision ce que l’œil a bien vu, il faut exercer de bonne heure & la main & les yeux.

Le plus grand nombre des bons artistes s’est appliqué de bonne heure à l’art. Léonard de Vinci étoit artiste dès l’enfance. Raphaël étoit fils de peintre, & dès qu’il put commencer à faire un premier usage de son esprit & de sa main, son père lui donna des leçons. Le Titien fut consacré à la peinture dès l’âge le plus tendre. A dix ans, Michel-Ange manioit déja le ciseau. Le Corrège n’a vécu que quarante ans, & l’on doit croire, par le grand nombre de chefs-d’œuvre qu’il a laissés & qu’il n’a pu faire à la hâte, que, de bonne heure, il avoit manié le pinceau.

Il faut avouer cependant que de bons artistes étoient déja sortis de l’enfance quand ils le sont dévoués aux arts ; mais s’ils ont eu le bonheur de parvenir à la perfection, c’est qu’ils étoient doués d’un génie extraordinaire. D’ailleurs, on conviendra qu’ils auroient été plus loin encore, s’ils étoient entrés plutôt dans la carrière.

Des maîtres estimables ont conseillé de donner, pour premières leçons, des figures géométriques à copier, mais sans règle & sans compas. Mengs pense même qu’il seroit dangereux de donner d’abord la figure humaine à copier. La beauté de ses contours dépend de la manière de tracer une multitude innombrable de lignes différentes & de formes interrompues qui composent ensemble des figures géométriques, mêlées & variées de telle manière qu’il est impossible à l’élève de s’en former une idée distincte. Cependant l’exemple de tant de maîtres qui ont commencé l’étude du dessin par l’imitation de quelques parties de la figure humaine, peut empêcher de croire à ce danger. Mais ce n’est pas une raison pour nier que la méthode proposée par Mengs & Lairesse ne soit la meilleure. Les exemples prouvent ici beaucoup moins qu’on ne pense ; car il est des hommes tellement appellés aux arts par la nature, qu’ils atteindroient à la perfection en commençant par les méthodes les plus vicieuses.

Ce qui du moins est certain, c’est qu’il sera bien plus difficile au maître de porter un jugement certain sur la justesse du coup-d’œil de son élève, lorsqu’il lui fera tracer des figures compliquées, que s’il lui proposoit seulement à imiter d’abord les figures les plus simples de la géométrie.

Quand l’élève est parvenu à dessiner régulièrement des figures géométriques sans le secours des instrumens, on doit l’exercer à tracer des contours d’après de bons dessins & de bons tableaux ; comme le but de ces secondes leçons est, comme celui des premières, d’assurer la justesse de sa vue & de sa main, il faut


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