idée de votre art, & de chacune de ses parties, que de les concevoir au-dessous de ce qu’il est en effet, & de ce qu’elles doivent être. (Article de M. Watelet.)
LARGE. Peindre d’un pinceau large, peindre largement, est le contraire de peindre d’un pinceau maigre & mesquin. La manière large a l’agrément de la facilité ; elle est même fondée sur la vérité, car la nature frappe bien plus nos regards, par ses effets larges, que par ses petits détails. Le grand Maître peint largement, parce qu’il voit en grand la nature, parce qu’il l’observe en masse, & n’est pas obligé de la tâtonner dans ses petites parties. Quand on voit grandement les formes & les effets, on produit un ouvrage qui est largement fait.
Les cheveux sont d’une finesse qui échappe presque à la vue ; mais leur ensemble forme de larges masses, & l’artiste les traite largement.
On doit draper par larges plis, principalement sur les grandes formes. Une foule de plis étroits en détruiroit l’unité, & auroit le desavantage d’offrir des multitudes de petites lumières & de petites ombres qui fatigueroient la vue. Quand on est cependant obligé de faire des petits plis, on a soin de les distribuer par masses ou suites : la lumière domine dans les unes de ces masses, & l’ombre dans les autres.
L’ouvrage entier doit être distribué par larges masses de clair, & de brun : c’est par ce procédé seulement qu’il produit de l’effet, & qu’il appelle le spectateur, qui de loin ne voit que les masses. S’il étoit composé de petites parties d’ombres & de lumières, il n’offriroit de loin que des taches, & seroit méprisé sans avoir été même soumis à l’examen.
L’effet large est le résultat de ces grandes masses.
On dessine largement, comme on peint largement. D’abord en ne se servant point d’un crayon aigu, mais d’un crayon émoussé qui forme des hachures nourries ; ensuite, en établissant largement les masses d’ombre & de lumières, & mettant sur les dernières peu de travaux.
Quand la largeur du dessin est relative au trait, il faut entendre, par cette expression, que l’artiste établit de grandes formes, & ne s’arrête point aux formes mesquines de la nature. On dit cependant aussi qu’un trait est large & moëlleux, pour faire entendre qu’il n’est pas tracé d’un crayon maigre.
Quelquefois les artistes convertissent l’adjectif large en substantif. Ils disent, il y a du large dans ce tableau. (Article de M. Levesque.)
LAVER, LAVIS, (verbe acte.), (subst. masc.) Laver un dessin, dessiner au lavis, c’est dessiner au pinceau avec une substance colorant, telle que le bistre ou l’encre de la Chine,
délayée l’eau. Ce procédé appartient à la pratique de l’art.
LÉ
LÉCHÉ, (adj. souvent pris substantivement). On appelle léché l’excès du fini. L’artiste qui ne sait pas quitter son ouvrage à propos, semble, en quelque sorte, s’amuser à le lécher. L’emploi de ce mot, dépend fort souvent du goût particulier de celui qui le profère ; ainsi, l’un appellera léché, ce qui sera pour l’autre un fini précieux. Celui qui aime la grande vivacité d’exécution, ne manquera pas d’appeller léché un ouvrage patiemment terminé. Les peintres vénitiens reprocheront le léché aux peintres hollandois, & ceux-ci le heurté aux peintres vénitiens. Le léché, plus ou moins vicieux, sera toujours opposé au grand goût, à la grandeur du faire, au pinceau large, à la liberté, la facilité, la vivacité de l’exécution. Il est toujours condamnable dans de grands ouvrages, & si, dans les petits tableaux, il usurpe quelquefois le droit de plaire, il n’échauffera sera du moins jamais le spectateur, & parlera toujours foiblement à son ame.
On peut faire un grand reproche au peintre qui aime le léché ; c’est de préférer le métier de son art à l’art lui-même. Le véritable artiste est capable de soins ; le peintre qui donne dans le léché, est toujours petit & minutieux : on peut même observer que plus il s’applique à finir ses ouvrages avec amour, & plus il s’éloigne de l’effet général de la nature, qui, nous étonnant par sa grandeur, ne permet pas à notre attention de se fixer sur ses détails.
« Une manière de finir, qu’on peut hardiment condamner, dit M. Reynolds, parce qu’elle nuit au but même qu’elle se propose, c’est lorsque l’artiste, pour éviter la dureté qui résulte de ce que la ligne extérieure tranche trop sur le fond, adoucit & éteint ses couleurs à l’excès. Voilà ce que les ignorans appellent finir précieusement, & qui ne sert qu’à détruire la vivacité des couleurs, & le véritable effet de l’imitation, qui consiste à conserver le tranchant & la vaguesse des contours, au même degré qu’on le remarque dans la nature. Cet extrême adoucissement, au lieu de produire l’effet de la morbidesse, donne aux corps un air d’ivoire, ou de telle autre substance bien polie. »
« Les portraits de Corneille Johnson paroissent avoir ce défaut ; de sorte qu’il leur manque cette morbidesse qui caractérise la chair ; tandis que, dans les portraits de Van-Dick, ce juste mêlange de mollesse & de dureté est exactement observé. On trouve le même défaut dans la manière de Vander-Werf, comparée à celle de Teniers. »