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parce que les fenfations mélancoliques font les plus attachantes.

Comme on fe plaît à voir une fête champêtre & les élans d’une gaieté fimple 8c naturelle, ce n’eft pas fans plaifir qu’on en confidère le tableau. Il ne caule pas cependant autant d’ïrclérêt que l’image d’une expreflion touchante & voifine de la douleur ; car une douce trifteffe a, pour les âmes fenfibles, un charme plus attachant que le plaifir.

Les tableaux de fleurs, de fruits , ont l’intérêt de rappeller des objets qui plaifent aux fens , ik celui d’offrir une imitation de la vérité qui approche de l’illufion. Ce dernier intérêt , joint à celui au faire , eu le feulque puiffent ini’pirer les tableaux qu’on appelle de nature morte ; les tableaux d’animaux vivans unifient à ce double intérêt , celui qui naît du mouvement 8c de l’expreiîion, & ils deviennent plus intéreflans encore ft la beauté du fite concourt avec les autres beautés de l’ouvrage. Il eft donc très-important qu’un peintre d’animaux foit bun payfagifte.

Les fcènes choifies dans la vie privée, peuvent avoir un Intérêt qui approche de celui de l’hiftoire : ce genre a fa nobleffe, & il eft fuiceptibie d’heureufes expreffions. Mais quel intérêt peut infpirer la représentation d’un payfan laid & groffier qui fume fa pipe, qui s’enivre , qui fe bat ? Tout l’intérêt de ce genre eft renfermé dans le mérite du faire , la beauté de la couleur , &c la vérité de l’effet. Cet article eft peut-être trop long, mais il n’étoit pas inutile. Les artiftes devraient regarder Yintérêt comme le premier moyen d’afiurer le fuccès de leurs ouvrages , &c c’eft la partie qu’on leur voit le plus fouvent négliger. {Article de M. Levés que. )

INTRIGUE, ( fubft. fém. ). L’intrigue détruit l’énergie de l’ame : elle eft petite comme les moyens qu’elle emploie. Le méchant , le criminel, a quelquefois des qualités dont la grandeur eft impofante : il force quelquefois à l’admirer en frémiffant -, l’intriguant eft toujours mefquin. Si quelque chofe peut dégoûter l’homme à talent de l’intrigue , c’eft de voir que l’artifte intriguant n’a jamais valu fa victime.

Avant que l’art renaiflant eut acquis tout fon éclat par les grands talens de Léonard de Vinci, de Michel Ange , de Raphaël , André Verrochio tenoit le premier rang entre ceux qui l’avoient cultivé. Il fe diftinguoit également dans la fculpture & la peinture. La république de Véfiife le ehargea de faire la ftatue équeftre de Barthélemi de Bergame. Mais un fculpteur Padouan , nommé Vellano , parvint , à force d’intrigues , à faire la figure du capitaine, & à ne laiffer au Verrochio que celle du cheval. I N T

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Le nom du Verrochio eft encore célèbre après trois fiècles écoulés : celui de Vellano i’eroit tout-à-fait oublié , fi l’hiftoire ne l’avoit pas confervé pour en faire juftice. La poftérité ne le connoît que pour le- punir : elle le connoît non comme artifte , mais comme mal-honnêtehomme.

Le Jofepin n’étoit pas un artifte méprifabje, mais il étoit loin d’égaler les Carraches. Il eft du nombre de ces peintres dont le nom fe confervé parce qu’ils ont été foït employés dans leur temps , mais dont on n’étudie point les ouvrages. Il fe diftingua par fes intrigues contre Annibal Carrache , dont le nom devient toujours plus célèbre en vieillifTant , & dont les ouvrages font toujours un objet d’étude pour les élèves des arts.

Lanfranc a confervé plus de gloire que Jofepin -, mais cependant la poftérité lui préfère le Dominiquin qu’il rendit la viclime de fes intrigues.

Le cardinal de Montalte , jufte appréciateur des talens , ayant élevé le temple de Saint-André délia Valle, chargea le Dominiquin d’en faire tomes les peintures ; mais après la mort du cardinal , Lanfranc , par fes cabales , fe fit nommer pour peindre la coupole , dont fon émule avoit déjà fait les cartons. La poftérité le punit , en préférant , dans ce temple , les ouvrages de fon rival.

L’Efpagnolet eft eftimé par fa manœuvre hardie & fa couleur impofante : mais qui le comparera jamais au Dominiquin ? Ce fut lui cependant qui, après la mort du Dominiquin , fut, par fes intrigues, faire détruire les ouvrages que ce grand maître venoit de terminer à JS’aples.

La poftérité place Mignard fort au.- deffous de le tirun : mais l’intriguant Mignard effaça quelque temps la célébrité de le Brun , &, à force de dégoûts , il parvînt à l’éloigner de la cour. Mignard , aimable, infiruit, fpirituel , cabaloit dans les cabinets des Princes, dans les fallons des Princelfes : on a vu des artiftes avilir leur art en cabalant dans les antichambres ; ( Article de M. Levé s que. ) INVENTION, (fubft. fém.). Ce mot, dans la langue des arts, ne fignifie pas une découverte , comme dans la langue ordinaire ; mais il exprime le choix que fait l’artifte des objets qui conviennent au fujet qu’il fe propafe de traiter.

Il ne me feroit pas difficile de raffembler ce qu’ont dit fur l’invention les maîtres qui ont écrit de l’art , de difpofer à mon gré ces matériaux , & d’en faire un article qui fembleroit m’appartenir : mais la doélrine qu’ils ont établie perdroit de cette autorité que lui donnent leurs noms célèbres & que je dois lui conferyer.