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laifTant fur la fcène qu’un homme d’un talent peu diftingué.

C’efr ainfl que de cette foule prefqu’inncmbrable d’élèves que forment en cinquante ans toutes les académies de l’Europe, à peine s’en voit il deux dont les noms puiflent palier avec éclat dans le fiècle fuivant. Il eft bon de remarquer que ces élus fe font immortalités, parce qu’ils ont eu un ftyle tfèsdiftinct du refte de l’école , parce qu’écartés de la route battue , moins elclaves des opinions admifes , ils ont fuivi l’impulfion de leur génie , ou encore parce qu’ils ont étudié l’art d’une manière approfondie. Mais revenons fur la méthode adoptée depuis plus d’un fiècle -, nous croyons qu’elle a de grands inconvéniens : d’abord , parce qu’on en fait l’éducation de tous ceux qui doivent exercer les arts , & qu’on la rend univerfelle à tous les genres & à tous les efprits. En fécond lieu , elle eft très-vicieufe , en ce qu’elle éloigne de cette précifion & de cette juftefle d’imitation , qui eft le feul chemin par lequel on puilte parvenir à l’excellence du deffin que le peintre recherche aufïi fpécialement que le fculpteur.-

En effet , on envoyé les jeunes étudians copier un. modèle pofe pendant deux heures , dans une attitude fouvent pénible. Que réfulte-t-il de ce travail î ou l’élève copie avec la plus grande fidélité poffible ce. qu’il voit, & alors il s’habitue à une foule d’incorrections que montre la nature humaine, quel qu’effort qu’on ait fait pour la bien choifir , & à des enfemblts incenains, quel. que foit le peu de vacillation du patient modèle : ou l’élève prend un parri décidé fur l’attitude dont il rre rend que l’à-peu-près , & fur les formes qu’il ne copie qu’en fuivant des fyftêmes. Pour ce dernier, la route eft plus courte,, & fes productions pourront bientôt avoir l’air du mérite. Quoiqu’il en foit, les uns & les autres ont pour but unique , _ celui de bien faire ce qu’on nomme un académie. Cependant le peintre d’hiftoire . ou le fculpteur ne doit pas étudier comme le peintre qui ie deftine au genre familier , ou comme celui qui n’a befoin de connoître la figure humaine que comme un acceflbire à fes marines ou à fes payfages.

On devroit encore avoir égard aux inclinations particulières- des jeunes gens dans le choix des inflruclions ou’ on leur donne. Par exemple, fi un élève dnnonçoit une grande difpofuion à devenir colorifte , ce feroit rifquer de détruire cette difpofition , que de le détourner des études qui pourroiep.t favorifer fon penchant, pour le fixer conftamment fur le travail qui conduit à la févérité des formes : car alors avec la très-grande inçer-’-I N S

titude quMl pût jamais fentir ce mérite, o«  1 arrêteroit dans la route où la nature lui promettait du fuccès. Celui dont l’imagination feroit fantafque , & qui promectroit le talent que les Italiens nomment la fantafia , mot que nous ne rendons que très-imparfaitement par ceux de goût, de caprice &c , cet élève ûis-je , perdroit de vue’ le genre dans lequel feul il pourroit réuiïir , fi on vouloit le contraindre à ne produire que par ces loix févères & calculées que le Sueur , Pouffin & d’autrès grands - hommes nous diftent dans leurs ouvrages.

C’eit ainfi qu’on n’eût jamais eu d’Albane ni de Sacchi, fi ont eût voulu leur faire ’ prendre le ftyle de Ribera , ou de Michel-Ange ; ni de Géorgion , ni de Baffan , fi on eut exigé d’eux la fineffe , la précifion & la légèreté du Guide ; c’eft ainfi enfin que jamais Benedette Caftiglione, Paul Véronéfe , ne fe fuffent abandonnés à leurs inventions originales, fi on eût voulu foumettre leurs compofitions à la marche réfléchie de celles du Dominiquin , & de Raphaël.

Qu’on ne dife pas que la force impérieufe du naturel , fait vaincre toute la réfiftance qu’on voudroit lui oppofer , parce qu’en effet , il eft des exemples de quelques élèves qui ont brifé les barrières fatales qu’on vouloit oppofer à leur goût particulier : le nombre en eft infiniment petit. Dans, les arts , comme dans la nature, les fruits dépendent des femences , & ce n’eft qu’en donnant à chaque terrein l’emploi^ qui lui eft propre , qu’on peut s’attendre à une récolte favorable.

Mais revenons au travail, d’après le modèle vivant , auquel on force tous les jeunes peintres ou fculpteurs, dès leur entrée dans la carrière. Nous le regardons comme contraire à cette correction , à laquelle on prétend les faire parvenir. En effet , quel eft le feul moyen de l’acquérir ? N’eft-ce pas d’habituer la vue à être jufie , afin d’exprimer les objets avec exactitude ? Or , comment bien voir, 8c comment copier fidèlement , fi le modèle eft mobile ? Comment, fi au bout d’un’ très-court efpace , le modèle, par le mouvement feul de la refpiration , offre des changemens réels , l’élève pourra-t-il vérifier la jufteffe d’un enfemble , qu’il aura eu le rare talent de placer avec une vivacité inexprimable ? Mais fuppofons ces places conformes au premier moment de la pofe ; comment copiera-t-il le trait avec jufteffe, d’après un objet dont la mobilité le fait changer à chaque inftant. Il faudra donc que fon deffin foit terminé de mémoire & d’après les exemples que fes maîtres ou fes aînés lui ont donnés. Cependant ce mérite pratique s’acquiert ; oh l’affaiibnne même d’une, certaine fermeté d’exécution,