Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/582

Cette page n’a pas encore été corrigée

I M I

font pas feulement une nourriture propre à notre jeuneffe , mais encore une fubftance capable de donner de la vigueur à notre maturité. L’efprit humain peut être comparé à un terrein ftérile par lui-même & qui ne produit point de fruits, ou ne donne au moins que de miférables fruits ; acerbes & fauvages , s’il n’eft pas fortifié fans ceffe par une matière étrangère.

Le plus vafte génie que la nature puifie produire, n’eft pas affez riche par lui-même pour tirer tout de fon propre fonds ; celui qui ne veut mettre à contribution aucun efprit que le fien même , fe treuvera bientôt réduit, par fon extrême pénurie , à la plus miférable de toutes les imitations ; celle de fes propres ouvrages. Il fe verra obligé de répéter de nouveau ce qu’il aura déjà plufieurs fois repété. Se reftreindre à l’imitation d’un feul maître eft un moyen de ne jamais l’égaler : mais comme le peintre qui raffemble dans une feule figure les beautés éparfes dans un grand nombre d’individus , produit une beauté fupérieure à la plus belle nature individuelle ; de même l’artifte qui aura le talent de réunir les beautés de plufieurs maîtres, approchera beaucoup plus de la perfection qu’aucun de ces maîtres. Si Carie Maratte , qui imita Raphaël , le Guide, les Carrache, André Sacchi, conferva toujours une certaine pefanteur dans l’invention , dans l’expreffion , dans le deffin , dans le coloris , dans l’effet général , il faut l’attribuer au génie peu vigoureux qu’il avoit reçu de la nature. L’imitation peut aider Se nourrir le génie ; elle ne le donne pas, & Maratte, qui cb.erch.oit à imiter les meilleurs modèles dans chaque partie de l’art, n’a jamais, dans aucune , pu égaler aucun d’eux , ni ajouter un talent qui lui fût propre au talent qu’il imitoit.

Il eft encore une autre forte d’imitation qu’on appelle plagiat quand on en parle en mauvaiié part , & c’eft prefque toujours en mauvaife part que l’on en parle lorfqu’il s’agit d’un artifte moderne. On emploie des termes plus honorables, quand il eft queftion d’artiftes dent le temps a conlblidé la réputation. Cette imitation confifte à emprunter une penfée , un mouvemenr, une attitude, un fite , un acceffoire , une figure Se quelquefois plufieurs. Quelquefois ces emprunts font faits avec tant d’adreîTe , qu’il eft très-difficile de les recennoîcre , fur-tcut quand on tranfpcrte une figure d’un tableau d’un certain genre dans un tableau d’un genre très-différent , quand on prend une figure nue pour la draper ou une figure drapée pour en faire une figure nue , ou qu’on en change la plus grande partie de l’ajuftement , ou quand la manière de l’artifte qui emprunte eft très- différente de la manière du premier auï »me l. Seaux-Arts.

I M I

44P

teur..Un peintre françois qui a joui toute fa vie d’une grande réputation qui s’eft affbiblie après fa mort, & qui fe diftinguoie par une forte d’agrément que fes admirateurs prenoient pour de la grâce , empruntoit fouvent des figures , des grouppes, des chaumières à des peintres allemands , flamands & ho-Ilandois dont le deffin & toute la manière étoit fort différente de la fienne. On ne reconnoiflbit plus ces objets traités féchement & fans grâce par les premiers auteurs, quand il les avoit déguifés par des ajuftemens pittorefques , ou par le ragoût da fon pinceau.

On eft affez généralement convenu d’abfoudre du crime de plagiat lés artiftes qui empruntent même des figures entières aux grands maures de l’antiquité. On fait que, dans le tableau du Pyrrhus fauve, le Pouffin a repréfemé plufieurs tois la figure .antique du gladiateur fous différens afpecls , & que , dans fon tableau de l’extrême-onction , il a pris même en grande partie la compofition du bas-relief antique qui repréfente la mort, de Méléagre. Le tranfport d’un art à un art différent, peut rendre l’emprunt plus excufable. Ainfi le Pouffin a été regarde comme original lorfqu’il a tranfporté, prefque fans y rien changer, le gladiateur dans un de fes tableaux , & ie Gros n’a été regardé que comme -un copifte d’un talent fupérieur,. quand il a imité en fculpture-, avec des changemens confidérables , une fculpture antique. C’eft que les deux arts de peinture & de’ fculpture différent dans les moyens qu’ils emploient pour imiter la nature ou les ouvrage* de l’art ; que le fculpteur qui imite un ouvrage de fculpture ne fait que copier des fermes par le même procédé que le premier auteur a fuivi ,• & que le peintre qui imite ou qui même copie un ouvrage de fculpture , imite les formes par un moyen différent de celui qu’employoit le premier auteur , y ajoute encore la couleur qui ne fe trouvé pas fur le premier ouvrage , et eft fourni’ ; d’ailleurs à la néceflité de vaincre une furface’ Dlate pour lui donner l’apparence du relief.

Cependant, somme le remarque M. Reynolds ,-un peintre qui prend une idée d’un autre peintre , moderne même , mais qui n’eft pas fon contemporain , & qui l’adapte à fon ouvrage de» façon qu’elle paroiffe en faire naturellemenpartie , peut à peine être aceufé’ de plagiat.-Mais fi , loin de craindre l’aceufation de plagiat, îl veut encore mériter de la gloire , qu’il entra en rivalité avec fon modèle & fe rende propre l’idée qu’il emprunte en ajoutant à fa beauté. On fait ce qu’on a dit des plagiats , ou emprunts poétiques : Quand on v oie , il faut tuer fon homme.

que

lu