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pofée. Telle étoit fans cloute l’imagination fagé de Raphaël , bien préférable à l’imagination vive Se abondante de la Fage.

Il eft inutile d’avertir qu’une telle imagination ne peut être le fruit que d’une longue étude bien faite. Pour fe former des images qui aient de belles formes , il faut connoître ces formes , Se par conféquent bien poflëder la partie du deflln. Pourfe les former agiffantes convenablement au fujet, il faut avoir bien examiné tous les mouvemens de l’homme, fuivant les diverfes actions qu’il fe propofe. Pour les voir fcvec l’exprefiion convenable , il faut avoir obfervé les changemens que toutes les affections de l’ame , & même leurs plus légères nuances , opèrent fur les traits & dans toutes les parties du corps. Pour fe les repréfenter bien éclairées, bien colorées, il faut connoître tous les jeux de la lumière , tous les effets des couleurs. Mais les études les plus opiniâtres feront ftériles, fi l’artifte n’a pas reçu de la nature le genre d’imagination convenable à fon ’art. ( Artide de M. Levesque.)

IMITATION , ( fubft. fém. ) L’artifle prend pour objet de fon imitation ou la nature , ou les artiftes qui l’ont précédé. Ecoutons Mengs fur l’imitation de la nature.

(Imitation de la nature ). On dit que la peinture eft une imitation de la nature. Veut-on faire entendre par ce mot imitation , que la nature, qui en eft l’objet , eft plus parfaite que l’ait qui l’imite ? cela ne fera pas généralement vrai. La nature , il en faut convenir , offre des parties qu’il eft impofTible à l’art d’imiter, ou dans lesquelles au moins l’imitation reftera toujours fort imparfaite : telle eft la partie du clair-obfcur. Mais d’un autre côté, il eft une partie dans laquelle l’art peut fe montrer vainqueur de la nature elle-même, & cette partie eft la beauté.

La nature , dans fes productions , eft fujette à de nombreux accidens. L’art, qui n’a pour opérer que des matières pafTives & obéiffantes , fe rend maître des ouvrages de fa création , choifit dans la nature entière ce qu’elle a de plus parfait , raffcmble des parties de plufieurs tous, & la beauté de plufieurs individus. Il peut donc repréfenter l’homme plus beau qu’il ne l’eft en effet dans la nature. Où trouvera-t-on réunis, dans le même fujer, l’exprefiion de la grandeur d’ame, les belles proportions du corps, la vigueur jointe à la fouplefle , la fermeté jointe à l’agilité ? Quel individu jouit d’une fanté parfaite qui ne (bit jamais altérée par les befoins & les travaux ^ & dont les altérations n’auront pas en même temps dégradé la beauté ? Mais l’art peut exprimer conftamment ce qui eft fi rare dans la nature : la régularité dans les contours , la grandioûté dans les formes , la grâce dans ï M ï

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l’attitude , la beauté dans les membres, la force dans la poitrine, l’agilité dans les jambes, l’adreffe dans les bras , la franchife furie front & entre les fourcils, l’efprit dans les yeux , la fanté fur les joues , l’affabilité fur les lèvres. Que l’artifte donne de la force & de l’exprefTion » toutes les parties de l’homme ; qu’il varie l’exprefiion & la force , fuivant les différentes circonftances dans lefquelles l’homme peut fe trouver ; & bientôt il reconnoîtra que l’art peut furpaffer la nature. Comme ce n’eft pas dans une fleur que tout le miel fe trouve raCfemblé , que chaque fleur en contient une partie dont l’abeille compofe fon tréfor ; de même l’artifte choifit ce que la nature a de meilleur & de plus beau , 8c , par ce moyen , il répand fur l’ouvrage de l’art, une grâce , une expreffion , une beauté fupérieure à la nature. Mais quoiqu’il (bit accordé à i’art de furpaffer la nature en beauté , que l’artifle ne penfe pas cependant que l’art eft actuellement parvenu à ce degré fuprême de perfection , & qu’on ne peut aller plus loin. Cette idée feroit fauffe , & ne pourroit que’ nuire à l’artifte. Jufqu’à préfent , entre les modernes , aucun n’a pris la route de la perfection que les anciens Grecs avoient tracée : car , depuis la renaiffance des arts , on n’a eu pour but que le vrai & l’agréable , au lieu de prendre le beau pour objet. Et quand même quelques artiftes modernes auroientportéau plus haut degré les parties qu’ils poftëdoien t, il refte encore à ceux qui cherchent la perfection , à réunir ces parties difperfées , & à en faire un enfemble. Loin que l’artifte fe décourage , parce qu’il s’eft vu devancé par de grands maîtres , il doit_au contraire s’enflammer davantage par l’idée de leur grandeur , & s’animer à lutter contre eux. Ne fit-il que marcher fur leurs traces, il lui feroit encore glorieux d’être vaincu en leur dtfputant la palme ; car celui qui cherche le ftiblime de l’art eft grand même dans fes moindres parties.

Mais ce qui doit engager à faire de nouveaux efforts, c’eft que jufqu’ici les efforts n’ont pas été dirigés vers le véritable but , & que , de tous les peintres dont nous avons les ouvrages, aucun n’a cherché la route de la haute perfection. Les Italiens , quoiqu’ils aient tenu le premier rang entre les artiftes, en ont toujours été détournés parla vanité, l’indigence ou l’appas du gain.

Comme la perfeft ion^ eft purement idéale , & ne fe trouve dans aucun individu , il en eft de même de la beauté qui eft la perfection de la matière confidérée comme figurée & vifible. L’artifte qui veut produire le beau , doit s’élever au defTus de cette matière impai faite, ne rien faire qui n’ait fa caule dont il puiffe rendre raifon, & ne rien fouffrir d’inanimé. Son génie doit donner à la matière , par le fecours du