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ow du malheur. Au contraire , dans la nature, fouvent l’aâion la plus gaie n’cft éclairée que d’un jour nébuleux , & le paffe fur unefcene dépouillée de tout agrément : mais le peintre, véritable enchanteur, répand fur cette fcène tous les charmes de l’on art , 8c ordonne au jour le plus brillant de l’éclairer. Il prefcrk à la nature nouvelle qu’il fait naître , les couleurs dont elle doit le vêtir. A-t-ilbefoin de maffes grisâtres ?

il défend à tous les objets qui ne font pas 

de cette teinte de venir troubler l’harmonie de fon ouvrage. Veut-il des couleurs brillantes ? Tous les objets , fur lefquels la nature a répandu le plus d’éclat , viennent fe foumettre à Ion choix. Des tons vigoureux font-ils ncceffaires au preftige de fon art ? Les vêtemens de les figures, les teintes de leur chair & jufqu’aux êtres inanimés fe prêtent aux ordres de l’artifte , & le placent à l’endroit de fon chef-d’œuvre qu’ils doivent embellir. Il or-donne même de s’éteindre à des lum.ères fubalternes qu’indique la nature , quand elles nuifent à l’accord de fon ouvrage.

Nous avons vu à l’article Draperie , combien il entre d’idéal dans cette partie de l’art. Enfin l’art n’eft pas précifément la nature ; il eft une magie puilTante qui gouverne la nature à fon gré , ou qui plutôt crée à fon gré un monde fantaftique. Si l’on veut que l’art ne foit que la nature, il ne fera pas elle , &n’en offrira qu’une imitation froide & inanimée. C’eft à l’idée créatrice qu’il doit tous les charmes qui lui donnent la vie. (Article de M. Levesque ) J É

JÉSUS- CHRIST. Il eft peu d’amateurs des arts qui ne fe foient plaints de la face gothk ue Se peu noble que les artiftes femblent être convenus d’adopter pour la figure du Chriji. Dans la plupart des ouvrages où il eft repréfenté, fa tête a moins de caractère que toutes celles du tableau, & l’homme Dieu, l’humanité divine n’a pas la beauté commune entre les hommes. Les grecs ont donné une beauté divine a tous les objets de leur culte ; & les artiftes chrétiens n’ont pas lu donner même une beauté humaine à leur Dieu ! Que lignifie cette face maigre &c allongée que termine d’une manière ignoble une barbe mal fournie ? Quoi 1 , le Jupiter Olympien rempliffoit d’un refpefh Tnêlé de terreur ceux qui ent. roient dans fon temple ; &, dans les temples chrétiens , c’eit une phylïonomie triviale qui annonce le Dieu ! On vient rendre à l’image une vénération relative , & l’image repoufTe la vénération : la piété du fidèle eft dans fon cœur, & l’image la refroidit par le canal des fens ! Convient-il aux artiftes de parler du beau JE S 43 ;

idéal, Se de ne pas même donner au Dieu fait homme une beauté vulgaire ?

On doit penfer que , pour la tête du Chrifl , ils ont généralement voulu fe conformer à un caraélère déjà convenu avant les beaux ficelé» de l’art , ou qu’ils ont pris pour modèle le mouchoir de Véronique. C’eft ce que peut faire croire l’exclamation de Paul Lomazzo fur cette relique : « Abbiamo principalmeme » d’effere grandemente obligati a rendere ccatinovamente grazie fingolari à Chrijlo noftro » fignore , chè vollè effp medeiïmo effere pittore , ftampando la <ua facratiffima effigie nel » yelo di Santa Veronica , acciô chè reftaffe » à pofteri per une- effempio fingolare di lui , » chè gl’inchinaffe ad amarlo e riveriiio , vedendola , corne fi vede à Roma ». Les peintres n’avoient donc qu’à fe conformer encore, pour la figure de la Vierge , au. portrait que les efprits crédules regardent comme un ouvrage de Saint-Luc , & que l’on voit aufli à Rome. Daniel de Volterre , dans fon beau tableau dp la defeente de croix, s’eft écarté, pour la tête du Chrifl, du caraftère convenu , fans fe rapprocher beaucoup plus de la beauté. « Les fublimes conceptions des artiftes anciens fur la beauté des héros, dit Winckelmann, auroient dû faire naître aux artiftes » modernes , lors qu’ils ont à traiter la figure » du Sauveur, de l’accorder avec les prophéties qui l’annoncent comme le plus beau parmi les enfans des hommes. Mais dans la » plupart de ces figures , à commencer par » celle de Michel-Ange , l’idée paroît empruntée des productions barbares du moyen âge : » on ne peut rien voir de plus ignoble en » phyfionomie que les airs de tête du Chrifl. » Que Raphaël a eu des conceptions bien plus » nobles ! C’eft ce que nous voyons, enrr’autres, » dans un petit deflin qui le trouve au cabinet » royal Farnèfe , à Naples , 8c qui repréfente » Jéfus-Chrifl porté en terre : la tête du fauveur offre la beauté d’un jeune héros fans » barbe. Annibal Carrache eft le feul , à ce » que je fâche , qui ait fuivi Raphaël. C’eft >* ce qu’on voit à trois tableaux qui reprefentent le même fujet ; le premier eft à N2ples " au cabinet dont nous venons de parier ; le » fécond, à Rome, à fan Francefco a Ripa ; n & le troifième , dans la même ville, au » palais Panfili. Cependant ft quelques per- ». fonnesregardoientcomme une innovation choquante de repréfenter ainfi le fauveur, parce «qu’il eft d’ufage de le repréfenter avec de » la .barbe , je confeillerois du moins à l’artifte de contempler 8c de prendre pour modèle le Chriji de Léonard de Vinci. Pour

  • moi, je n’ai rien vu de plus beau dans ce genre

» qu’une tête du fauveur de la main de ce » maître ; tête admirable, qui fe trouve dans Iii