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classe des genres, mais encore les scènes champêtres ou domestiques, les sujets de marine ou de guerre sont des genres, parce que la composition n’en est pas poétique, que dans l’exécution tout y est fait d’après des objets communs, & que le résultat en est de rendre simplement la nature.

Le devoir du peintre d’histoire, est d’élever l’ame par la noblesse du sujet, & par la grandeur du style, & de présenter à notre esprit tout ce qu’il peur concevoir au de-là même de ce qui est possible.

Ainsi point de tableaux d’histoire sans poësie. C’est de ce genre qu’on a voulu parler, quand on a dit, que la peinture est une poësie muette : muta poësis dicitur (Dufresnoy, de arte graphicâ)….

On doit traiter l’histoire en peinture comme un sujet héroïque dans l’art des vers :

Nil parvum, aut humili modo,
Nil mortale loquar……

Ces mots d’Horace, signifient en langage de peinture : “je ne m’occuperai pas de sujets obscurs & rampans ; & je ferai des hommes au-dessus de l’homme même”. Ainsi bien loin d’astreindre le peintre d’histoire à la fidélité d’un biographe ou d’un historien, on doit exiger qu’il traite les sujets à la manière d’Homère, ou d’Euripide.

Ce que nous posons ici comme principe, pourtoit être regardé comme systême, si nous ne prouvions, par des exemples irrécusables, que la peinture d’histoire ne peut avoir lieu sans poësie, que cette qualité seule lui donne de la clarté, du mouvement, & en constitue le vrai caractère.

Citons d’abord un tableau de la galerie où Rubens a représenté divers traits de la vie de Marie de Médicis. Cet artiste, vraiment peintre d’histoire, avoit à représenter la mort de Henri IV, & la régence donnée à la Reine. Avant que de parler de son ouvrage, supposons que ce sujet soit proposée à un artiste qui ne connoisse ni les droits, ni l’étendue de l’art. D’abord, il ne concevra pas qu’on puisse placer le corps du Roi dans le même tableau, où se fait l’élection de la régente. Ajoutons à la supposition que cependant on l’exige de lui : alors, d’un côté il fera voir Henri mort sur un lit, entouré d’officiers de cour ; & de l’autre, l’assemblée d’un conseil où présidera la Reine. Or, cette peinture sans unité d’action, ne désignera ni le héros, ni le sujet de l’assemblée.

Voyons à présent comment il falloit peindre ce sujet, pour le rendre intelligible & digne des principaux acteurs. Le corps du Roi Henri est enlevé & porté au nombre des Dieux qu’on


apperçoit dans l’olympe, par le Temps & par Jupiter. En effet ; c’est par le Temps, que toutes choses sont déterminées, c’est par le maître des Dieux, que les héros reçoivent la récompense des grandes actions, & qu’ils deviennent immortels. La Gloire & la Renommée, au milieu des trophées d’armes que Henri a laissés sur la terre, s’affligent de sa perte, & regrettent de n’avoir plus de si hauts faits à publier. Cette partie du tableau toute morale, amene la régence donnée à Marie de Médicis. Cette Reine en longs habits de deuil, accompagnée de la Prudence & de la Sagesse, reçoit des mains de la France la boule du gouvernement. Les grands du royaume, se prosternant autour de son trône, paraissent l’assurer de leur zèle & de leur soumission. On voit comment ce tableau, par la disposition des figures qui le composent, devient clair & exprime divers événemens, sans cependant diviser l’action.

Ce n’est pas que nous prétendions que l’allégorie soit essentielle dans une scène pittoresque, pour la rendre poëtique ; nous sommes loin de cette pensée, & nous n’avons apporté en exemple, le tableau de Rubens, que pour montrer que si la poësie allégorique peut contribuer à la clarté du sujet, ja poësie simple, celle qui n’introduit pas d’êtres purement métaphysiques, doit à plus forte raison, le rendre en même temps, & plus piquant & plus facile à comprendre.

Proposons un sujet où la poësie simple puisse augmenter l’intérêt d’un fait historique. Ce sera si l’on veut, le miracle de la manne, nourrissant les Israëlites dans le désert.

Un esprit froid & littéral, se contentera de présenter la figure de Moyse, disant au peuple d’Israël. « Voilà le pain que le seigneur vous donne à manger. » Les Israëlites mangeront, & seront occupés à recueillir la manne pour leur journée, car tout cela est du texte. Mais le Poussin, qui a prouvé par tant d’ouvrages que le peintre doit-être poëte, même quand il s’agit de rendre les vérités historiques, admet, indépendamment des figures dictées par l’historien, une fille faisant partager à sa mère le lait de son sein, nourriture que son enfant réclame avec larmes, comme un bien qui n’est qu’à lui. Mais hélas c’étoit la seule ressource qui restoit à cette malheureuse fille pour appaiser un peu la faim d’une mère cherie, puisqu’elle n’avoit pas encore apperçu la chute de la manne. Poussin, fait voir deux jeunes gens qui se disputent cette nourriture, en se battant : caractère de la vivacité de leur âge, & sur-tout d’un appétit que l’on ne croit jamais pouvoir assouvir.

Ces deux grouppes, qui n’ont pas été sugérés par l’historien, répandent sur le sujet


Tome I. Beaux-Arts. G g g