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ficielles, ou d’après les goûts exclusifs de la personnalité & de la propriété.

Les Artistes, qui se bornent à un genre particulier de représentation, tels que les paysagiste, les peintres d’animaux, de fabriques, de fleurs, &c. ne se permettent pas ouvertement de vouloir partager avec l’histoire, cette prééminence qui lui est due ; mais quelques genres moins distans, & que j’appellerai même limitrophes, se croyent autorisés à disputer, non sans quelques raisons apparentes & spécieuse, l’avantage d’avoir place au premier rang.

Certainement tout peintre qui imite parfaitement un objet visible, est un excellent peintre ; mais celui qui imite avec succès les objets les plus difficiles à représenter, doit posséder de plus grands talens. Et combien n’en doivent pas réunir en effet, ceux qui entreprennent ce que l’histoire de tous les tems, les religions de tous les siècles, les imaginations de tous les pays, les productions de tous les génies connus ont créé & consacré, en épuisant, pour ainsi dire, les passions, les actions, les mouvemens, les beautés, les vices & les vertus. Le peintre d’histoire embrasse à la fois toutes les formes de la nature, tous ses effets, & toutes les affections que l’homme peut éprouver.

La nature embellie, & souvent divinisée par l’exaltation des idées les plus sublimes, offre à l’artiste, qui se dévoue au genre de l’histoire, une réunion de difficultés presque innombrables à surmonter. Comment ceux qui les ont vaincues, & ceux qui font encore les plus grands efforts pour en triompher, ne jouiroient-ils pas d’une distinction si bien méritée ? Quels autres genres d’ouvrages dans la peinture ont été immorta. lisés dans les tems & les pays où les Arts étoient exercés avec plus de succès, & jugés avec plus de connoissance ? Quels autres Artistes que ceux des premiers genres, excitent en nous, par leurs réputations conservées après tant de siècles, un sentiment d’estime aussi élevé ? Quels autres enfin, dans ces âges éloignés, & depuis la renaissance des Arts, ont contribué, autant qu’eux, à la gloire nationale des pays où ils ont vécu ? Pourroit-on écrire ou se permettre d’avancer, que, s’il n’avoit existé que des représentations, telles que les autres genres en peuvent produire, l’on eût accordé à la Peinture les noms d’Art céleste, d’Art divin ? Enfin le plus beau tableau de paysage, la plus parfaite représentation d’animaux, celle-même des actions, & des passions communes peuvent-ils élever rame à ces sentimens & à ces impressions qui la font sortir d’elle-même, & la forcent à s’oublier pour ne s’occuper que d’une illusion ; & la description seule d’un tableau, dont le sujet historique ou fabuleux présente le courage dans toute son énergie, &


la générosité, la continence, la magnanimité, toutes les vertus enfin dans leur sublimité, ne produit-elle pas plus d’effet que les imitations dont s’occupent les genres particuliers ?

Mais c’est d’après une partie de cet exposé même, que les Artistes, qui peignent aussi la nature humaine sans fiction, animée par des passions, à la vérité moins ennoblies, & qui représentent enfin dans des scènes moins héroïques, les impressions du vice & de la vertu, prétendent à des droits qu’il est plus difficile de leur disputer. Aussi la Peinture, en couronnant ses poëmes épiques, & ses tragédies, ne refuse pas les prix qui sont dus aux poëmes moins élevés, tels que ses drames & ses comédies.

Les Artistes, qui se sont livrés à ces genres, peuvent, comme opinion personnelle, reprocher au merveilleux d’être hors de la nature, & aux héros d’offrir souvent des êtres imaginaires ; ils peuvent penser avec plus de raison encore, que le talent de toucher le cœur & d’attacher l’esprit, leur étant commun avec le genre de l’histoire, ils doivent participer à toutes les distinctions qu’on accorde à ce genre.

Mais les hommes distingués par le don qui a, de tout temps, eu le droit à la plus grande admiration, je veux dire par une imagination féconde, ont créé par-tout où ils se sont trouvés, d’autres êtres que ceux de leur espèce, des perfections plus sublimes que celles qu’ils possédoient, d’autres mondes enfin que celui qu’ils ont habité. Ils ont établi & ont fait admettre comme vrai, sur-tout dans l’Empire des arts, dont l’imagination & l’enthousiasme sont les divinités, ce que la froide raison dédaigne comme chimérique ou fabuleux. Il est certain qu’il se développe, chez les hommes réunis & excités par l’usage qu’ils font de leur esprit, des besoins physiques & moraux d’une sorte de superflu, & que ces besoins deviennent plus exigeans que ceux du strict nécessaire. C’est par leur instigation que, de tout temps, & dans tous les pays, les hommes ont admis le surnaturel, le merveilleux, les prodiges, & c’est sur ce fonds, qui a donné lieu en partie aux plus grandes institutions, à celles qui impriment le plus de respect, que les Arts-Libéraux ont bâti leurs chefs-d’œuvre. C’est à l’aide des êtres célestes, qu’ils s’élèvent au dessus des idées purement terrestres ; c’est à l’aide des qualités qu’il faut bien donner à ces êtres, qu’ils subliment les vertus & les qualités humaines ; c’est enfin à l’aide des formes plus parfaites qu’il a fallu leur donner, qu’ils sont parvenus aux beautés qu’on nomme idéales.

Ces consentions semblent tellement appropriées, à notre nature, qu’elles te reproduisent par-tout, & qu’elles parviennent non seule-