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de toutes sortes de couleurs, ainsi que de toutes sortes de formes, elle réunit les nuances lei plus antipathiques & les plus bizarres. Le chef-d’œuvre de l’art, consiste à mettre en harmonie celles qui paroissent les moins liées d’amitié. Ce résultat est l’effet de la participation des lumières, de la modification des demi-teintes, de la rupture des ombres, & de la justesse des reflets. »

« Un moyen infaillible de mettre les couleur en harmonie, est de n’associer que n celles qui sont douces & sympathiques. Eston forcé par la nature du sujet d’en introduire qui soient d’un autre caractère ? il faut les groupper & les accoster, de manière qu’elles se mirent les unes dans les autres ; les disposer de façon que la lumière ne prête qu’une même nuance aux premiers clairs, & que leurs ombres ne présentent qu’une masse uniforme, dans laquelle néanmoins on entrevoye le ton propre de chaque objet. »

« A l’harmonie des couleurs, on joindra le rapport qu’elles doivent avoir avec l’expression du sujet. Soit qu’il doive inspirer la consternation ou l’allégresse, on peut réveiller l’harmonie par des tons accidentels qui, dissonans en apparence, servent à la rendre plus singulière & plus frappante. »

« Pour diriger l’harmonie au plus haut degré de perfection, il faut mettre de la conformité entre le caractère de la manœuvre & celui de la couleur. Un personnage rustique, dont les carnations d’un ton hâlé & grossier, seroient peintes d’un style agréable & mœlleux ; une jeune nymphe, dont les chairs fraîches & vermeilles seroient traitées d’un pinceau maussade & heurté, présenteroient l’un & l’autre un faire qui ne seroit point en harmonie avec la couleur. »

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HÉROIQUE. (adj.) Le genre héroïque est celui qui représente les actions des hommes de la très-haute antiquité. Il doit entrer beaucoup d’idéal dans le style héroïque ; mais tout est perdu si l’on y admet le style théâtral : car le théâtral n’est qu’une répréséntation imparfaite de l’homme naturel, & l’héroïque doit être au dessus de l’homme. (L.)

HÉROS (subst. masc.) On appelle héros ou demi-dieux ces hommes de la haute antiquité que l’on croyoit enfans des dieux, ou qui ont été déifiés, ou qui ont vécu enfin dans les siècles qu’on nomme héroïques. On comprend en général dans le nombre des héros tous les hommes qui ont vécu jusqu’au siège de Troye. Homère leur donne une force bien supérieure à celle


des hommes de son temps. « Le fils de Tydée prit, dit-il, une pierre, masse énorme, que deux hommes tels qu’ils sont aujourd’hui ne pourroient soulever : seul, il la lança facilement. » Homère n’est pas moins le maître des artistes que des poëtes : l’idée qu’il nous donne des héros, l’artiste doit l’exprimer. Leur nature doit être au-dessus de l’humanité & approcher de celle des Dieux. Dans leur jeunesse ils ne sont pas tout à fait des Apollons, mais ils ressemblent à l’Antinoüs ; dans la force de l’âge ils ne sont pas des Jupiter Olympien, mais on reconnoît qu’ils ne peuvent céder qu’à Jupiter ; audacieux comme Diomède, ils attaqueroient même le Dieu Mars : leur vieillesse majestueuse n’offre aucun signe de décrépitude, on voit qu’elle est encore loin de la destruction ; elle n’a plus la vivacité de la jeunesse, ni la force de l’âge viril, mais elle a l’empire de la sagesse. Dans tous les âges, leurs formes sont grandes ; l’artiste a négligé dans toutes les parties ces petites formes qui annoncent à l’homme sa foiblesse. Leur maintien est simple, car le fort n’a besoin d’aucune affectation. Ils ont la taille haute, & par conséquent la tête petite ; car l’artiste donnât-il à ses figures une hauteur gigantesque, elles seroient courtes si elles avouent de grosses têtes. L’Hercule Farnèse est grand, non parce qu’il est collossal, mais parce que sa tête est petite ; on peut faire un nain collossal. L’expression se peint sur les traits des héros sans les trop altérer : leur colère ne dégénère point en fureur ; la douleur extrême ne dégrade pas entièrement leur beauté, parce que leur ame vigoureuse sait résister à la plus violente douleur. Le Laocoon souffre, mais il est encore beau : il ne s’écrie pas comme le Stoïcien que la douleur n’est point un mal ; mais il sent le mal, & il en est presque vainqueur. S’il ne présentoit qu’un visage hideux, si la souffrance dégradoit entièrement la beauté noble de ses traits, il intéresseroit moins : ce ne seroit plus un héros souffrant ; ce seroit un esclave à la torture. (Article de M. Levesque.)

HEURTER. (v. act.) « Ce peintre affecte de heurter ses tableaux ; cette esquisse n’est que heurtée. » Le heurté, regardé comme une qualité indifférente en soi, & qui peut être bonne ou mauvaise, suivant l’usage qu’on en fait, est l’oppose du fondu ; regardé comme un défaut, il est l’opposé du leché.

Dans on tableau fondu, les teintes, se succédant les unes aux autres par des nuances insensibles, se noyent les unes dans les autres, & ne peuvent être discernées que par un œil expert : dans un tableau heurté, les teintes sont posées largement, on pourroit dire brutalement, les unes à côté des autres ; non seulement leur succession brusque est très sensible, elle est


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