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G EN & les enchaîne entre eux par les liens de leurs rapports, il unira par cette chaîne toutes les parties de sa composition & les fera contribuer à l’expression générale.

C’est donc l’expression qui constitue le génie dans les arts, & c’est ce que Mengs semble avoir senti, lorsqu’il a fait consister dans l’expression la partie qu’on nomme invention.

En effet, si l’invention est la première partie de l’art, si c’est elle qui procure à l’artiste la palme du génie & celle de l’immortalité, doit-on donner ce nom au talent de multiplier des figures, de les agencer d’une manière agréable à l’œil, de les distribuer en grouppes qui présentent une belle scène d’apparat ; talent qui n’est pas méprisable sans doute, mais qui ne suppose pas, dans ceux qui le possèdent, des qualités de l’esprit assez rares pour mériter les noms d’invention & de génie ?

Il y aura du génie dans le dessin, quand le dessin sera très-expressif. Si cela n’étoit pas, comment pourroit-on, dans une seule statue, reconnoître le génie de l’artiste ? Mais un dessin, ou si l’on veut une statue qui, peu expressive, sera d’ailleurs correcte & pure, témoignera un grand talent & non du génie.

Il y a du génie dans le clair-obscur, quand il est tellement adapté à l’expression générale, qu’il contribue à la fortifier & qu’il en forme le complément. Le déluge du Poussin est un tableau de génie, & le clair-obscur de ce tableau fait une partie capitale du génie qu’on y admire.

Mais des effets piquans de clair-obscur peuvent-être le produit de l’observation, & ne suffisent pas pour supposer le génie. Accorderons-nous le génie à un peintre hollandois, pour avoir représenté des effets qu’il aura cent fois observés dans un laboratoire obscur, éclairé par le feu d’une forge ?

L’art de draper sera une opération du génie, quand les draperies contribueront elles-mêmes à l’expression, comme nous l’avons observé de celles de Raphaël à l’article DRAPER. Enfin le génie aura son influence jusques sur les moindres accessoires. Mais la composition, le dessin, le clair-obscur, la couleur n’appartiennent au génie, qu’autant qu’il s’en empare pour les faire concourir à l’expression.

M. Reynolds semble avoir confondu le génie avec le talent. « Le génie, dit-il, quelque définition qu’on en donne, est dans l’art un produit de l’imitation. Ce n’est qu’à force d’imiter qu’on peut produire des inventions variées & originales. »

« C’est à tort qu’on regarde le génie comme une faculté qui va au-de là de l’art, qu’aucune méthode ne peut enseigner, qu’aucune industrie ne peut faire acquérir. « « L’idée du génie n’est pas une idée fixe, invariable, déterminée. Elle change avec les lumières des nations. Ce qui a mérité le nom de génie dans un tems, ne l’obtient plus dans un autre. Dans l’enfance de l’art, un objet représenté par an seule couleur étoit une production du génie. Quand on se fut apperçu que l’art de, représenter des objets par la voie du dessin se peut enseigner, & est soumis à des préceptes, on fit une autre application du mot génie, & on l’attribua aux ouvrages de ceux qui furent joindre un caractère particulier à l’ouvrage représenté, qui eurent de l’expression, de la grace, de la grandeur, enfin de ces qualités, de ces beautés, dont on ne pouvoit donner encore des règles claires & précises. « « Mais nous savons à présent que le talent de rendre la beauté des formes, d’exprimer la passion, de bien composer, de donner un air de grandeur à un ouvrage, dépend en grande partie des règles. Qu’on applique, si l’on veut, le nom de génie à ce talent ; c’est ce qu’on ne refusera pas, pourvu qu’on veuille convenir que ce talent n’est pas l’effet d’une inspiration, mais d’une étude attentive & bien digérée & d’une longue expérience. « « Voudra-t-on réserver le titre de génie au premier qui a su de lui-même trouver & réunir toutes ces qualités ? Mais quel est-il ce premier ? il n’exista jamais. Un artiste a beaucoup travaillé pour acquérir une de ces qualités, ses leçons & son exemple en ont rendu la pratique facile à un autre qui l’a surpassé, & qui lui-même, à force de travaux, est parvenu aux élémens d’une qualité encore inconnue que d’autres ensuite ont perfectionnée. C’est ainsi que s’est perfectionné l’art par les efforts successifs d’une longue suite d’artistes. « « Mais qui osera dire que l’art soit aujour-d’hui parvenu à son terme ? Il ne l’est pas sans doute ; ce qu’on appelle génie trouvera encore à s’étendre, & l’homme vraiment né pour l’art, ne manquera pas de chemins pour s’écarter de la foule. Cependant les découvertes qu’il pourra faire, les nouvelles perfection qu’il pourra donner à l’art, seront, il est vrai, au-dessus des règles actuelles, au-dessus des règles vulgaires ; mais elles donneront lieu à des règles nouvelles. Ainsi toutes les perfections qui maintenant nous sont inconnues, & qui pourront naître un jour, ne sont pas plus au-dessus des règles possibles, qu’elles ne sont au-dessus de l’art. Elles tiennent donc à des principes & ne sont pas l’effet d’une inspiration. »

Ce passage est ingénieux & rempli même de vérité ; mais il prouve seulement que l’acception du mot génie a été souvent mal déterminée

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