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quelques réflexions sur les dangers que préparent aux jeunes artistes les attraits de ce genre de composition.

La marche ordinaire de l’art de la peinture est telle que le temps de la jeunesse, qui doit être destiné à l’exercice fréquent des parties de la pratique de l’art, est celui dans lequel il semble qu’on soit plus porté aux charmes qui naissent de la partie de l’esprit. C’est en effet pendant le cours de cet âge que l’imagination s’échauffe aisément. C’est la saison de l’enthousiasme, c’est le moment où l’on est impatient de produire, enfin c’est l’âge des esquisses ; aussi rien de plus ordinaire dans les jeunes élèves, que le desir & la facilité de produire des esquisses de composition, & rien de si dangereux pour eux que de se livrer avec trop d’ardeur à ce penchant. L’indécision dans l’ordonnance, l’incorrection dans le dessin, l’aversion de terminer, en sont ordinairement la suite, & le danger est d’autant plus grand, qu’on est presque certain de séduire par ce genre de composition libre, dans lequel le spectateur exige peu & se charge d’ajouter à l’aide de son imagination tout ce qui y manque. Il arrive de-là que les défauts prennent le nom de beautés.

En effet que le trait par lequel on indique les figures d’une esquisse soit outré, on y croit demêler une intention hardie & une expression mâle ; que l’ordonnance soit confuse & chargée, on s’imagine y voir briller le feu d’une imagination séconde & intarissable. Qu’arrive-t il de ces présages trompeurs ou mal expliqués l’un dans l’exécution finie offe des figures estropiées, des expressions exagérées ; l’autre ne peut sortir du labyrinthe dans lequel il s’est embarrassé : le tableau ne peut plus contenir dans son vaste champ le nombre d’objets que l’esquisse promettoit Tous les artistes, réduits à se borner au talent de faire des esquisses, n’ont pas les talens qui ont acquis à la Fage & au Parmesan une réputation dans ce genre.

L’artiste ne doit donc faire qu’un usage juste & modéré des esquisses : elles ne doivent être pour lui qu’un secours pour fixer les idées qu’il conçoit, quand ces idées le méritent. Il doit se précautionner contre la séduction des idées nombreuses, vagues & peu raisonnées que présentent ordinairement les esquisses, & plus il s’est permis d’indépendance en ne se refusant rien de ce qui s’est présenté à son esprit, plus il doit faire un examen rigoureux de ces productions libertines lorsqu’il veut arrêter sa composition. C’est par les règles de cette partie de la peinture, c’est-à-dire par les préceptes de la composition & au tribunal de la raison & du jugement, qu’il verra terminer les indécisions de l’amour-propre & qu’il pourra décider du juste mérite de ses esquisses. (Article de M. WATELET.)


ESTAMPE (subst. fém.). Ce mot désigne, comme le mot Epreuve, le produit d’une planche gravée, & cependant ces deux mots ne sont pas synonymes. L’Epreuve est relative à la planche d’où elle tirée ou à d’autres Epreuves auxquelles on la compare : on dit, j’ai une belle Epreuve de telle planche ; cette Epreuve-ci est plus belle que celle-là. Le mot estampe est ordinairement pris dans un sens absolu ; voilà une belle estampe : ou il est relatif au tableau d’après lequel l’estampe a été faite ; il y a une belle estampe de la Magdelaine pénitente de le Brun.

On dit, j’ai de belles estampes ; on ne dira pas, j’ai de belles épreuves, à moins qu’on n’ajoute de quelle planche.

Le mot estampe appartient également aux produits de la gravure à l’eau-forte, au burin, à la manière noire, à la manière du crayon, du lavis, &c.

L’art de graver en estampes est, après celui de l’imprimerie, le plus utile au progrès du goût, des sciences & des arts. L’Encyclopédie, par exemple, ne s’exprimeroit qu’obscurément sur les procédés des arts dont elle donne la description, si elle n’éclairoissoit pas ces descriptions par le secours des estampes dont elle est accompagnée.

On peut nous décrire les traits, les vêtemens, l’industrie des différens peuples du monde : mais les voyageurs qui ont parcouru les diverses parties du globe ne se feroient entendre que bien imparfaitement, si des estampes ne servoient pas d’interprêtes à leurs récits.

C’est par le secours des estampes qu’un tableau, une statue qui ne peut être que dans une seule ville, se trouve, en quelque sorte, répandue dans toute l’Europe. Le tableau de la transfiguration de Raphaël, la statue de Moyse de Michel-Ange, sont à Rome ; mais, par le moyen des.estampes, l’Europe entière en connoît la composition, l’expression, & même en partie le dessin. Les originaux des antiques découvertes à Herculanum sont conservés à Naples ; mais des estampes en ont rendu la connoissance familière à tous les curieux. On voit, sans sortir d’un cabinet de Paris ou de Londres, tous les tableaux de l’Italie, de la Flandre, de la France, ceux même qui ne sont plus, toutes les ruines de la Grèce & de Rome, tous les édifices remarquables de l’Europe entière, les monumens de la Chine & de l’Inde, les villes de l’Europe & de l’Asie, les cabanes des Lapons, des Tongouses, les tentes des Kalmouks, les huttes des sauvages de l’Amérique. Toutes les plantes, tous les animaux de la terre, passent sous les yeux d’un homme qui n’a jamais quitté sa ville natale. La terre elle-même, les mers & les cieux sont fidèlement représentés par desestampes ; enfin tout ce que la vue peut saisir dans