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ESP ESQ 267


L’esprit sera donc souvent employé avec succès dans le paysage, parce que, dans ce genre d’imitation, les objets sont presque toujours bien inférieurs à leur grandeur naturelle. Pour représenter dans un fort petit arbre peint ou dessiné l’écorce, les nœuds, les branches, le feuillé d’un grand arbre naturel, il s’agit bien plutôt d’exprimer l’apparence générale que les détails de la nature, & cette supercherie nécessaire rentre dans ce qu’on appelle de l’esprit.

On en peut dire autant du petit en général. Dans une figure de quelques pouces qui doit rappeller à l’idée celle d’un homme de quelques pieds, c’est par des indications abrégées, par des touches spirituelles, qu’on pourra représenter non-seulement une partie des formes, mais encore les affections de l’ame : car le petit même est susceptible d’expression.

L’esprit est tellement consacré dans les arts à donner de simples indications, qu’il est plus particulièrement affecté à des croquis, à des esquisses légères. On dit, cette esquisse est spirituelle, ce dessin est spirituellement croqué. On dit de même en parlant de la maquette d’un sculpteur, qu’elle est pleine d’esprit. On se serviroit dune autre expression pour louer la statue, le tableau, dont cette esquisse, cette maquette sont la première pensee, & même pour louer une esquisse, un modèle bien arrêté.

On pourroit donc définir l’esprit, dans le langage des arts, le talent d’indiquer savamment ce qu’on n’exprime pas. Des indications piquantes, mais fausses, seront à l’art ce qu’est aux lettres le faux bel-esprit.

La peinture collossale doit être fière, exagérée ; la peinture de grandeur naturelle doit être juste & précise ; la peinture en petit doit être spirituelle. Les ouvrages terminés doivent se distinguer par un rendu fidèle, & les ouvrages croqués, ébauchés, touchés, par des indications spirituelles.

L’esprit dans la pensée, dans la conception d’un ouvrage de l’art, n’appartient pas essentiellement à l’art comme partie constitutive, mais il l’ennoblit. Cependant au lieu de donner seul à l’ouvrage une valeur certaine, il est lui-même dégradé s’il n’est pas soutenu par les moyens qui appartiennent à l’art & qui le constituent. Le mauvais peintre, le mauvais statuaire, quelqu’esprit qu’il mette dans ses conceptions, n’obtiendra jamais l’estime qui est réservée au bon artiste, & l’on ne prendra pas même la peine de distinguer en lui les qualités de l’homme d’esprit de celles de l’artiste sans talens. S’il veut attirer l’attention & obtenir des éloges, qu’il sache faire parler à son esprit le langage de son art.

On peut dire que l’esprit convenable à l’artiste consiste bien moins à inventer un sujet qu’à l’exprimer. On a peu d’obligation a un peintre,


à un sculpteur, d’avoir imaginé un sujet même ingénieux ; on lui en a beaucoup d’avoir bien exprimé un sujet de l’histoire ou de la mythologie. Raphaël, le Poussin, avoient bien l’esprit de leur art ; ils ont ordinairement traité des sujets connus ; mais ils se les sont rendus propres par l’expression, & c’est dans cette expression que nous admirons leur génie. J’oserois même dire que le tableau de la mort de Germanicus, celui du testament d’Eudamidas, feroient une impression moins forte sur le spectateur, s’ils eussent été inventés par le peintre. Le nom de Germanicus ajoute à l’intérêt du tableau ; la noble confiance d’Eudamidas dans la générosité de ses amis touche d’autant plus qu’elle est historique. (Article de M.LEVESQUE.)

ESQUISSE, ESQUISSER (subst. fém.), (v. act.). Ce terme, que nous avons formé du mot italien schizzo, a parmi nous une signification plus déterminée que dans son pays natal ; voici celle que donne, au mot italien schizzo, le Dictionnaire de la Crusca : spezie di disegno, senza ombra, e non terminao (espèce de dessin sans ombre & non terminé). Il paroît par-là que le mot esquisse, en italien, se rapproche de la signification du mot françois ébauche, & il est vrai que chez nous, esquisser veut dire : former des traits qui ne sont ni ombrés ni terminés, établir les premières hachures d’un dessin, les premières tailles d’une estampe, faire la première ébauche d’un tableau ; mais par une singularité dont l’usage peut seul rendre raison, faire une esquisse ou esquisser ne veut pas dire précisément la même chose. Cette première façon de s’exprimer, faire une esquisse, signifie tracer rapidement la pensée d’un sujet de peinture, pour juger ensuite si elle vaudra la eine d’être mise en usage. C’est sur cette signification du mot esquisse que je vais m’arrêter, comme celle qui mérite une attention particulière de la part des artistes.

La difficulté de rendre plus précisément le sens de ce mot, vient de ce qu’au lieu d’avoir été pris dans les termes généraux de la langue pour être adopté spécialement par la peinture, il a été au contraire emprunté de la peinture pour devenir un terme plus général : on dit faire l’esquissed’un poëme, d’un ouvrage, d’un projet, &c.

En peinture, l’esquisse ne dépend en aucune façon des moyens qu’on peut employer pour la produire.

L’artiste se sert, pour rendre une idée qui s’offre à son imagination, de tous les moyens qui se présentent sous sa main, le charbon, là pierre de couleur, la plume, le pinceau ; tout concourt à son but à-peu-près également. Si quelque raison peut déterminer sur le choix,

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