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(iv)


plus bas, & par les tableaux d’analyse qui seront à leur tête, présenteront comme autant de Traités suivis & complets de chaque science ou art ; de sorte qu’on a tout à la fois l’Encyclopédie par ordre de matières & par ordre alphabétique. Cette seule raison auroit suffi pour nous déterminer au parti que nous avons pris ; mais elle n’est pas la seule qui devoit nous y engager. Nous avons, ainsi que nous le disions ci-dessus, une foule d’excellens traités didactiques sur toutes les parties des sciences & des arts; mais si l’on en excepte le dictionnaire de Chimie de M. Macquer, le répertoire universel de Jurisprudence de M. Guyot, &c., & quelques autres dictionnaires, en bien petit nombre, comme le dictionnaire du Commerce, celui de Médecine, dont les éditions manquent depuis plus de dix ans, nous n’avons point dans notre langue de dictionnaires bien faits sur toutes les autres parties des connoissances humaines ; & on pourra s’en convaincre en lisant la liste de ceux que nous offrons au public : car il ne faut pas compter une foule d’ouvrages qu’on a publiés dans ces derniers temps sous toutes sortes de formats, & auxquels on a donné le nom de dictionnaires portatifs ([1]) ; presque tous ne sont que des compilations modernes, extraites mot pour mot d’autres livres, faites sans plan, sans vue, sans méthode, par des écrivains obscurs & mercenaires, auxquels il est impossible de prendre aucune confiance, & que l’on ne peut regarder comme des ouvrages nationaux ; & cependant le nombre de ces dictionnaires est si prodigieux, qu’on nous a proposé dernièrement un manuscrit intitulé : Dictionnaire des Dictionnaires, &c.

L’Encyclopédie étant un dictionnaire, on ne peut donc changer sa forme primitive ; on ne peut que diviser ce dictionnaire universel en autant de Dictionnaires Encyclopédiques qu’il renferme de parties principales ; & c’est l’objet qu’on se propose dans l’entreprise qu’on annonce. On s’est attaché à réduire ces dictionnaires au plus petit nombre possible, en groupant les objets qui ont entre eux une analogie sensible & qui peuvent s’éclairer, se soutenir, & s’expliquer par leur rapprochement.

Ainsi, ces dictionnaires particuliers formeront des touts séparés dont la collection composera l’ensemble de l’Encyclopédie.

Il est aisé de voir que la nouvelle Encyclopédie, arrangée de la maniere que l’on vient de l’exposer, & distribuée en autant de dictionnaires que l’arbre des connoissances humaines a de branches essentielles & capitales, aura tous les avantages de l’ancienne Encyclopédie, sans en avoir les défauts. Elle formera le recueil le plus riche, le


plus vaste, le plus intéressant, le plus exact, le plus complet & le mieux suivi qu’on puisse désirer, puisqu’elle réunira avec ordre ce que renferment de connoissances réelles plusieurs milliers de volumes, sans en copier aucun, dont la recherche seroit pénible & souvent infructueuse, la lecture impossible & le prix énorme.

Le célèbre Bacon, qui a donné la première idée de cet ouvrage, ne se proposoit pas d’en faire un seul dictionnaire ; il savoit que cette forme trop générale qui sépare ce qui devroit être joint, qui rapproche ce qui devroit être séparé, qui mêle les sciences les plus sublimes avec les métiers les plus médiocres, n’étoit point propre à son plan.

Supérieurs à Bacon & placés dans un siècle plus éclairé, MM. d’Alembert & Diderot entreprirent ce qu’il n’avoit fait que projeter. Ces deux grands philosophes savoient bien que la nomenclature n’étoit convenable qu’aux seuls ouvrages qui ne troitent qu’une matière, comme cela a lieu dans cette édition ; & ils n’ignoroient pas combien cette même nomenclature avoit d’inconvéniens pour un recueil qui embrassoit toutes les matières ; mais croyant ne faire que dix volumes, ces inconvéniens leur parurent supportables. Malgré cela, il n’en sera pas moins vrai qu’un des plus beaux monumens de l’espris humain est dû à leurs travaux ; & bien loin de chercher à leur en enlever la gloire, on se propose de rendre ce monument plus durable, plus digne des regards de la postérité, en perfectionnant sa construction, complétant toutes ses parties, & donnant au tout une meilleure forme.

Pour donner au public une idée de ce qui reste à faire, si l’on veut porter ce grand ouvrage à sa perfection, nous allons citer le jugement que M. Diderot, principal éditeur, en a lui-même porté.

« L’imperfection de l’Encyclopédie a pris sa source dans un grand nombre de causes diverses. On n’eut pas le temps d’être scrupuleux sur le choix des travailleurs. Parmi plusieurs hommes excellens, il y en eut de foibles, de médiocres, & de tout à fait mauvais; de là cette bigarrure dans l’ouvrage, où l’on trouve une ébauche d’écolier à côté d’un morceau de main de maître ; une sottise voisine d’une chose sublime ; une page écrite avec force, pureté, chaleur, jugement, raison, élégance, au verso d’une page pauvre, mesquine, plate, & misérable. Les uns travaillant sans honoraires, par pur attachement pour les éditeurs & par goût pour l’ouvrage, perdirent bientôt leur première ferveur ; d’autres, mal récompensés, nous en donnèrent, comme on dit, pour notre argent ;… il y en eut qui remirent toute leur besogne à des espèces de tartares qui s’en chargèrent pour la moitié du prix qu’ils avoient reçu. Les articles communs à différentes matières ne furent point

  1. Nous en exceptons le Dictionnaire géographique de Vosgien, le Dictionnaire historique de l’Advocat, & quelques autres qui sont véritablement des ouvrages estimables.