Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
246 ENC ENC

EMULATION, (subst. fém.) c’est une sorte de rivalité sans, jalousie, une lutte entre des hommes vertueux qui’se disputent le succès dans un projet louable. L’artiste languit s’il n’est pas excité par l’émulation ; mais il ne suffit pas que les élèves se proposent des rivaux dans leur école, & les maîtres entre leurs contemporains. Une victoire facile remportée sur des rivaux médiocres ne produira qu’une orgueilleuse médiocrité. L’émulation doit règner entre les artistes vivans & les plus grands des artistes qui ne sont plus. Le Poussin prit pour rivaux les grands maîtres de l’antiquité grecque suivant l’idée qu’il s’étoit formée de leurs conceptions & de leurs talens ; le Sueur choisit Raphaël pour son rival.

Osez provoquer au combat les maîtres les plus difficiles a vaincre. Traitez un sujet que l’un d’eux ait manié avant vous, & redoublez d’efforts pour l’emporter sur lui. Si vous traitez un sujet different, supposez que votre tableau sera exposé en pendant avec un tableau de Raphael, du Dominiquin, du Titien, de Rubens. Votre ouvrage, est fini : comparez-le à l’un des meilleurs ouvrages de l’artiste dont vous avez fait votre rival. Oubliez qu’il s’agit de votre propre cause, & rendez-vous un juge impartial. Reconnoissez les fautes qui vous ont fait manquer le prix, & proposez-vous de le remporter au premier concours que vous établirez vous-même. Faites mieux encore : formez-vous la plus grande idée de votre art, & rendez-vous le rival de cette idée. (Article de M. Levesque.)

EN

ENCAUSTIQUE, peinture encaustique, en grec έγκαυζόν ou έγκαυζική, du verbe έγκαίω, (inuro) brûler, parce qu’on procède à ce genre de peinture avec des cirés qui doivent être chauffées presque jusqu’au point de l’ustion.

On ne peut fixer l’époque de la peinture encaustique. Pline, l’auteur qui s’est le plus étendu sur cette manière de peindre, dit qu’on ne savoit pas même de son temps quel étoit le premier qui avoit imaginé de peindre avec des cires colorées & d’opérer avec le feu. ([1]) Quelque-uns cependant, continue-t-il, croyoient qu’Aristide en étoit l’inventeur, & que Praxitèle l’avoit perfectionnée ; d’autres assuroient que l’on connoissoit des tableaux peints à l’encausti-


que long-tems avant, tels que ceux de Polygnote, de Nicanor & d’Arcésilaüs, artistes de Paros. Il ajoute que Lysippe écrivit sur les tableaux qu’il fit à Egine : Il a brulé, ce qu’il n’auroit certainement pas fait si l’encaustique n’avoit été inventé. Quelque peu certaine que soit l’origine de la peinture à l’encaustique, il paroît cependant qu’elle prit naissance dans la Grèce, & que l’art de peindre avec de la cire, des couleurs & le feu, devint familier aux artistes de ce peuple.

Il seroit inutile de porter plus loin les recherches sur l’antiquité de l’art d’employer la cire dans la peinture ; elles deviendroient non-seulement infructueuses, mais elles ne répandroient pas plus de lumière sur les moyens d’exécuter les tableaux avec la cire, les couleurs & le feu, puisque Pline, qui nous en a transmis les espèces, dit peu de choses du moyen de les pratiquer. Il est constant, dit-il, que l’on connoissoit anciennement deux genres de peinture encaustique, qui se faisoient avec la cire & sur l’ivoire, au cestrum, c’est-à-dire au viriculum ([2]), avant que l’on connût la pratique de la peinture sur l’extérieur des vaisseaux, troisième espèce qui s’opéroit avec des cires qui, ayant été rendues liquides par l’action du feu, étoient devenues propres à être appliquées avec le pinceau. Cette peinture étoit si solide, qu’elle ne pouvoit être altérée ni par le soleil, ni par le sel de la mer, ni par les vents. Quoiqu’il ne paroisse pas dans ce passage qu’il soit fait mention de l’espèce d’encaustique dont on faisoit des tableaux portatifs, on peut cependant présumer que la première espèce étoit employée à cet usage. Cet encaustique & celui des vaisseaux avoient-ils de l’analogie ? Quoique cela puisse être, nous n’oserions cependant trop l’assurer, d’autant que

  1. Ceris pingere ac se picturam inurere quis primus excogitaverit non constat Quidam, Aristidis inventum putant, postea consummatum à Praxitele, Sed aliquantò vetustiores encaustica picturæ extitere, ut Polygnoti & Nicanoris & Arcesilaï Pariorum. Lysippus quoque, Æginæ, picturæ suæ inscripsit quod prosectò non feccisset nisi incaustâ inventâ. Plin. Liv. 35. C. 11.
  2. (2) Cestrum, viriculum, mots que l’on n’entend point relativement à la peinture à l’encaustique. « Encausto pingendi duo fuisse antiquitus genera constat, cerâ & in ebore, cestro, id est, viriculo, donec classes pingi cœpere hoc tertium accessit, resolutis igni ceris penicillo utendi, quæ picturæ in navibus nec sole, nec sale, ventisque corrumpitur. Plin. Liv. 35, C. 11. » M. Monnoye, qui a fourni l’art encaustique que l’on trouve dans le Dictonnaire Encyclopédique, a traduit les mots in navibus dans les vaisseaux. Il a sans doute eu ses raisons ; il a formé le plan d’accommoder Pline à la peinture au savon de M. Bachelier, peinture qui surement ne pouvoit pas resister au sel de la mer, au soleil & aux vents & encore moins à l’eau. Il ne faut pas croire que c’étoit une saure d’impression, car lorsque M. Monnoye traduit ce que dit Ovide :
    Et picta coloribus ustis

    Cælstum matrem concava puppis habet.

    Et la pouppe représente la mère des Dieux en couleur brûlée, il repète que cet encaustique étoit bien plus praticable dans les vaisseaux.