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élèves, qui, dans le beau siècle de nos arts, ont jetté le plus d’éclat. Je parle de SIMON VOUET, qui avoit des talens distingués, mais qui auroit perdu l’écolequ’il créoit, si ses disciples eussent constamment suivi sa manière. Il avoit la sorte de grandeur que donne l’extrême facilité ; mais il étoit manièré dans le dessin, faux dans la couleur, & n’avoit aucune idée de l’expression. Il doit en partie ce qu’il a d’imposant au mensonge qu’il se permit en établissant de grandesteintes générales d’ombres & de lumières pour expédier davantage. On diroit qu’il n’avoit besoin que de prendre le pinceau pour terminer d’un seul coup le sujet qu’il avoit conçu, & l’on est tenté d’être satisfait, parce qu’on est étonné. Il eut au moins la gloire de détruire la manière fade qui regnoit en France & d’y faire luire l’aurore du bon goût. Il mourut en 1641, âgé de cinquante-neuf ans.

S’il jetta les fondemens de notre école, ce fut le Brun : son élève qui acheva l’édifice.

Un sculpteur médiocre fut le père de CHARLES LE BRUN, né en 1619. Il prenoit soin lui-même de l’education de son fils, le menoit avec lui dans les endroits où l’appelloient ses travaux, & le faisoit dessiner à ses côtés. Il fut chargé de quelques ouvrages dans les jardins de ce Chancelier Séguier dont la mémoire vivra long-tems, parce qu’il protégea les arts & les lettres. Séguier vit le jeune le Brun, fut touché de sa physionomie, admira ses dispositions pour le dessin, l’encouragea, lui fournit des secours pécuniaires, & prit soin de son avancement. Le Brun fut placé dans l’école du Vouet, où il étonna le maître & les élèves par la rapidité de ses progrès. A l’âge de vingt-deux ans, il avoit fait le tableau des chevaux de Diomede qui se soutient au Palais Royal à côté des plus grands maîtres. Son protecteur le fit partir l’année suivane pour l’Italie avec une forte pension. Il le recommanda au Poussin ; mais le jeune artiste étoit plutôt destiné par ses dispositions naturelles à cette partie moderne qu’on appelle la grande machine, qu’à la sagesse profonde & réfléchie des artistes grecs, dont le Poussin auroit pu lui inspirer le sentiment. Il ne fut pas cependant inutile au jeune peintre, & ce fut par les conseils de ce grand maître que le Brun étudia les monumens de l’antiquité, les usages & les habillemens des anciens, leur architecture, leurs rites, leurs spectacles, leurs exercices, leurs combats & leurs triomphes. Les avis qu’il se plut à donner au jeune le Brun forment le lien qui l’attache à l’institution de l’école Françoise.

A son retour en France, le Brun ne trouva qu’un seul rival, Eustache le Sueur. Mais plus vanté, plus puissamment protégé, & peut-être plus actif & plus occupé de ses intérêts, il l’emporta sur ce redoutable émule que la postérité lui préfère. Il avoit tous les grands ouvrages & toutes ses occasions de se signaler ; une seule qu’on ne put enlever à le Sueur suffit pour éterniser son nom dans les fastes des arts ; mais il fallut que le siècle qui l’avoit vu naître fût écoulé, pour qu’il obtînt une pleine justice.

En vengeant le Sueur de l’aveuglement ou de la partialité de ses contemporains, n’oublions pas ce que les arts doivent à le Brun de reconnoissance. Ce fut deux ans après son retour de Rome, que, par le crédit du Chancelier qui l’aimoit, il eut une grarde part à l’institution de l’Académie Royale de Peinture, qu’on peut regarder comme le siége de l’école Françoise. Jusqu’à cette époque les artistes avoient fait un même corps avec les Maîtres Peintres en bâtimens, &, dans cette association monstrueuse, l’art étoit subordonné au métier purement manuel.

Le Surintendant Fouquet jouissoit alors de toutes les faveurs de la fortune qui devoit si cruellement le trahir. Son faste effaçoit celui du trône. Dire qu’il voulut que son château de Vaux fut embelli par les talens de le Brun ; c’est assez faire entendra que le Brun étoit alors regardé comme le premier peintre de la nation. Il se l’attacha par une pension de douze mille livres, qui vaudroit aujourd’hui près de deux fois davantage, indépendamment du prix de ses tableaux qui devoient lui être payés separément.

Après la disgrace de Fouquet, le Brun travailla pour le Roi, qui lui accorda des lettres de noblesse & le titre de son premier Peintre, avec une pension semblable a celle que Fouquet lui avoit faite ; car il sembloit que le Monarque ne pût surpasser le Surintendant en générosité. Louis XIV aimoit le grand en tout genre, & le premier peintre n’eut pas trop de toute la fécondité, de toute la richesse de son imagination pour satisfaire le goût du Souverain. Sculptures, ornemens intérieurs des appartemens, tapisseries, piéces d’orfévrerie & de serrurie, ouvrages de mosaïque, tables, vases, lustres, candelables, girandoles, tout se faisoit sous sa direction & sur ses dessins. Tant de travaux ne l’empéchèrent pas de multiplier le nombre des tableaux faits en tout ou en partie de sa main. Ses ouvrages les plus célèbres par eux-mêmes ou par les belles estampes qui en ont fait connoître à l’Europe la composition, sont les deux tableaux de Notre-Dame, dont l’un représente le martyre de Saint-André & l’autre celui de Saint-Etienne, la Madeleine convertie des Carmelites, la bataille de Maxence & de Constantin, la famille de Darius devant Alexandre, les batailles d’Alexandre, le Christ aux anges, &c.

Le Brun avoit la conception noble & l’imagination féconde. Jamais il n’étoit inférieur aux plus vastes compositions qu’il entreprenoit ; il