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le contour des membres, & ses plis simples & débrouillés n’auront rien qui embarrasse les regards ; cependant, comme il est peu de préceptes dont on ne puisse abuser, en les observant trop rigoureusement, il faut, en cherchant à se conformer à celui-ci, c’est-à-dire, en s’efforçant de faire sentir le nud au travers des draperies, ne pas tellement serrer chaque partie du corps, que les membres gênés semblent servir de moule aux étoffes qui y paroîtroient collées. Evitez avec un semblable soin de donner aux vêtemens une telle ampleur, qu’une figure paroisse accablée sous le poids des étoffes, ou que, nageant, pour ainsi dire, dans une quantité de plis, elle ne paroisse que l’accessoire, tandis que les draperies deviendroient l’objet principal.

C’est ici l’occasion de réfléchir un moment sur l’usage de ces petites figures, que les peintres nomment mannequins ; parce que cet usage sembleroit devoir être au moins toleré pour l’étude des draperies : il semble même être consacré pour cet objet, par l’exemple de quelques habiles peintres, qui en ont fait un usage assez grand, comme le Poussin ; mais si l’on doit juger de la bonté d’un moyen, n’estce pas en comparant les inconvéniens qui peuvent en résulter, avec l’utilité qu’on en peut retirer ? si cela est, je dois condamner une pratique dangereuse pour un art qui n’a déja que trop d’ecueils à éviter. Mais entrons dans quelques détails.

Les peintres qui avouent qu’on ne peut parvenir à dessiner correctement la figure qu’en l’étudiant sur la nature, trouvent moyen de surmonter dans cette étude la difficulté qu’oppose à leurs efforts cette mobilité naturelle qui fait qu’une figure vivante ne peut demeurer dans une assiette invariable ; ils surmontent aussi celle de l’instabilité de la lumiere, qui, pendant qu’ils peignent une figure nue, se dégrade, s’affoiblit ou change à tout instant. Comment ces mêmes artistes regardent-ils comme insurmontables ces mêmes difficultés, lorsqu’ellesont pour objet l’étude d’unedraperie ? pourquoi la fixer sur une représentation incorrecte, froide, inanimée, &, dans l’esperance d’imiter pins exactement la couleur & les plis d’un satin, renoncer à ce feu qui doit inspirer des moyens prompts de représenter ce qui ne doi être que peu d’instant sous les yeux ?

Ce n’est pas tout : l’artiste s’expose à donner enfin dans les pièges que lui tend une figure, dont les formes ridicules parviennent insensiblement à se glisser dans le tableau & à rendre incorrectes, ou froides & inanimées, celles que le peintre avoit empruntées d’une nature vivante & régulière. Qu’arrive-t-il encore ? L’étoffe étudiée sur le manequin, & bien plus terminée que le reste du tableau détruit


l’unité d’imitation, dépare les différens objets représentés, & ce satin, si patiemment imité, offre aux yeux clairvoyans une pesanteur de travail, ou une molesse de touche qui fait bien regretter le tems qu’un artiste a employé à ce travail ingrat. C’est Titien, Paul Véronèse, & sur-tout Vandick qi’il faut suivre. Les draperies de ce dernier sont légères, vraies & faites avec une facilité qui indique un artiste supérieur à ces détails. Examinez de près son travail & sa touche : vous voyez combien peu les étoffes les plus riches lui ont coûté ; à la distance nécessaire pour voir le tableau, elles l’emportent sur ses plus patiens & les plus froids chefs-d’œuvre de ce genre. Le moyen d’arriver à ce beau faire, est d’étudier cette partie en grand, & de donner à chaque espèce d’étoffe la touche qui en rappelle le caractère sans se laisser égarer & se perdre dans la quantité de petites lumières, de demi-teintes, d’ombres que présente une draperie immuable apprêtée sur un mannequin, & posée trop prés de l’œil.

Je vais finir par une réflexion sur la maniere de draper des sculpteurs anciens. Presque toutes leurs figures paroissent drapées d’après des étoffes mouillées. Ces étoffés sont distribuées en différens ordres de petits plis, qui laissent parfaitement distinguer les formes du corps ; ce qui n’est cependant pas si général, qu’il n’y ait quelques exceptions, & qu’on n’ait trouvé des morceaux de sculpture grecque traités dans une manière plus large pour les draperies, & telle qu’elle convient à la peinture. En conseillant aux peintres de ne pas imiter servilement l’antique dans la manière de draper, il s’en faut bien que je prétende la blâmer. Les anciens sont assez justifiés par ce qui est arrivé quelquefois à nos statuaires, lorsque voulant affecter une grande manière & des plis grands & simples, ils ont laissé le spectateur incertain, si ce qu’il voyoit étoit l’imitation des accidens d’un rocher ou des plis flexibles d’une étoffe. En effet, rien n’ètant plus éloigné de la flexibilité & de la légèreté d’une gaze ou d’un taffetas, que l’apparence que nous offre une surface de pierre ou de marbre, il faut choisir dans les accidens des draperies ce qui doit caractériser davantage leur souplesse & leur mobilité, sur-tout ne pouvant y ramener l’esprit par l’éclat, la variété des couleurs & par le jeu de la lumiere. (Article de M. Watelet).

DU

DUR (adj.) Un tableau est dur lorsque les choses sont marquées par des lumières & des ombres trop fortes & trop voisines les unes des autres. Un dessin est dur quand les arties


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