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lesquelles il pourroit suivre toutes les nuances que le luxe a répandues successivement sur les habillemens de ce peuple fameux. Il aura même encore plus de liberté, lorsque le sujet d’histoire qu’il traitera, remontera à des siècles moins connus, & les tems fabuleux lui laisseront le droit d’habiller suivant son génie les dieux & les héros dont il représenteta les actions. J’ajouterai qu’un peintre est plus excusable, quand, ne consultant point le costume d’une nation, il lui donne des draperies idéales, que lorsqu’il lui prête celles d’un peuple fort différent. L’ignorance peut passer à la faveur de l’imagination, comme on voit un sexe aimable nous faire excuser ses caprices par les graces dont il les accompagne.

La seconde division de cet article renferme un précepte plus général que le précédent. Les draperies doivent être conformes au mouvement des figures qui les portent ; elles doivent l’être aussi au caractère du sujet que l’on traite.

Peu de personnes, à moins qu’elles ne soient initiées dans les mystères de l’art de peindre, imaginent de quelle importance est dans une composition la partie des draperies. Souvent c’est l’art avec lequel les figures d’un sujet sont drapées, qui est la base de l’harmonie d’un tableau, soit pour la couleur, soit pour l’ordonnance. Cet art contribue même à l’expression des caractères & des passions ; & si quelqu’un venoit à douter de cette dernière proposition, qu’il réfléchisse un montent sur ce que les habits des hommes qui se présentent à nos yeux, ajoutent ou ôtent continuellement dans notre esprit a l’idée que nous prenons d’eux. Dans l’imitation des hommes, l’habillement concourra donc, avec l’expression de la figure, à confirmer son caractère ; conséquemment un ministre de la religion auquel vous voulez donner une expression respectable, sera vêtu de façon que les plis de ses draperies soient grande, nobles, majestueux, & qu’ils paroissent agités d’un mouvement lent & grave. Les vêtemens des vieillards auront quelque chose de lourd, & leur mouvement sera foible, comme les membres qui les agitent ; au contraire, le voile & la gaze dont une nymphe est à demicouverte, sembleront le jouet des zéphirs ; & leurs plis répandus dans les airs, céderont à l’impression d’une démarche vive & légère.

J’ai dit que cette disposition des draperies, & leurs couleurs, renfermeroient souvent la clef de l’harmonie d’un tableau. Je vais rendre plus claire cette vérité, que ceux qui ne sont pas assez versés dans l’art de peindre, ne pourroient peut-être pas développer.

L’harmonie de la couleur dans la peinture, consiste dans la variété des tons que produit la lumière & dans l’accord que leur donnent les jours & les ombes. Il est des couleurs qui


se sont valoir, il en est qui se nuisent ; en général, les oppositions dures que produisent les couleurs tranchantes ou les lumières vives & les ombres fortes, brusquement rapprochées, blessent les regards, & sont contraires aux loix de l’harmonie. Le peintre trouve des secours pour satisfaire à ces loix, dans la liberté qu’il a de donner aux étoffes les couleurs propres à lier ensemble celles des autres corps qu’il représente, & à les rendre toutes amies. D’ailleurs, pouvant disposer ses plis de manière qu’ils soient frappés du jour, ou qu’ils en soient privés en tout ou en partie, il rappelle à son gré la lumière dans les endroits où elle lui est nécessaire, ou bien il la fait disparoître par les ombres que la saillie des plis autorise.

Il en est de même de l’harmonie de la composition ou de l’ordonnance du sujet. S’agit-il de groupper plusieurs figures ? Les draperies les enchaînent pour ainsi-dire, & viennent remplir les vuides qui sembleroient les détacher les unes des autres ; elles contribuent à soutenir les regards des spectateurs sur l’objet principal, en lui donnant, pour ainsi-dire, plus de consistance & d’étendue : elles lui servent de base, de soutien par leur ampleur. Un voile qui flotte au gré des vents, & qui s’élève dans les airs, rend légère la composition d’une figure, & la termine agréablement. Mais c’en est assez sur le second précepte ; passons au dernier.

Les draperies doivent laisser entrevoir le nud du corps &, sans déguiser les jointures & les emmanchemens, les faire sentir par la disposition des plis. Il est un moyen simple pour ne point blesser cette loi, & les excellens artistes le pratiquent avec la plus sévère exactitude. Ils commencent par dessiner nue la figure qu’ils doivent draper ; ils avouent que, sans cette précaution, ils seroient sujets à s’égareu, & qu’ils pourroient ajouter ou retrancher, sans s’en appercevoir, à la proportion des parties dont le contour & les formes se perdent quelquefois dans la confusion des plis.

La draperie n’est donc pas un moyen de s’exempter de l’exactitude que demande l’ensemble d’une figure ni de la finesse qu’exige le trait.

Qu’un raccourci, difficile à dessiner juste, embarrasse un artiste médiocre, il croit cacher sa négligence ou sa paresse sous un amas de plis inutiles. Il se trompe : l’œil du critique éclairé remarquera le défaut, plutôt qu’il n’auroit fait peut-être, par l’affectation qu’on a mise à le cacher, & ceux en plus grand nombre, qui jugeront par sentiment, seront toujours désagréablement affectés de ce qui n’est pas conforme à la nature. Le meilleur parti est de surmonter la difficulté du trait par une étude sérieuse du nud ; alors la draperie devenue moins contrainte, prendra la forme que lui prescrira