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que si elle étoit chargée de perles, d’or & d’étoffes précieuses. Quelquefois, dans la nature, un Roi cherche à soutenir sa majesté par la richesse de ses vêtemens ; mais, dans l’art, un Roi ne doit être grand que de sa majesté personnelle, & c’est cette majesté que l’artiste s’efforce d’exprimer. Assuérus est moins paré & logé moins richement, mais il est bien plus grand dans le tableau du Poussin que dans celui de Troyes.

Il est inutile de recommander aux peintres de ne pas se livrer à faire des draperies de pratique ; c’est-à-dire, sans consulter la nature. Il y en a eu qui prétendoient savoir les draperies par cœur ; mais on ne peut douter que la nature ne leur eût offert, dans cette partie si variée bien des : choses qu’ils ne savoient pas, ou qui ne se représentoient pas à leur mémoire.

L’usage de l’Ecole Romaine qui dessinoit les draperies d’après nature, & les peignoit d’après ces dessins, ne doit pas être adopté par les coloristes, parce que la nature, suivant le caractère des étoffes, produit des tons & des lumières qui donnent à l’ouvrage plus, de perfection & de vérité. Cependant Raphaël, qui s’est conformé à cet usage, est resté le premier maître dans l’art de jetter les draperies & de donner aux plis le plus bel ordre. Il est même parvenu, dans cette partie, jusqu’à la beauté idéale. Il est enfin le plus grand peintre de draperies, comme les Vénitiens sont les plus grands peintres d’étoffes.

Ecoutons sur la manière de drapper de ce grand artiste, un artiste qui l’a beaucoup étudié, le célèbre Mengs.

Raphael, dit-il, imita d’abord la manière de draper du Pérugin son maître ; il perfectionna cette manière en étudiant les ouvrages de Masaccio, & sur-tout de Fra-Bartolomeo, & quitta entièrement le goût de l’école d’où il étoit sorti quand il eût vu l’antique. Ce fut dans les bas-reliefs de l’antiquité qu’il découvrit le grand goût du jet des draperies, & il ne tarda pas à l’introduire.

Il découvrit, par les principes des anciens, que le nud est la partie principale, que les draperies doivent être seulement regardées comme une partie accessoire, & qu’elles sont destinées à le couvrir & non à le cacher ; qu’elles doivent être nécessaires & non de caprice ; que par conséquent le vêtement ne doit être ni trop étroit, parce qu’il gêneroit les membres, ni trop ample, parce qu’il les embarrasseroit, mais que l’artiste doit le conformer à la grandeur & a l’attitude de la figure qui est censée le porter.

Il comprit que les grands plis doivent être placés sur les grandes parties du corps, & ne doivent pas être hachés par de petits plis subordonnés ; que quand la nature du vêtement


exige ces petits plis, il faut leur donner peu de faillie, afin qu’ils cèdent toujours à ceux qui indiquent des parties principales.

Il fit donc ses draperies amples, sans plis inutiles, avec des courbures à l’endroit des articulations. Ce fut la forme du nud qui lui indiqua celle des plis de la draperie, & sur de grands muscles il formoit de grandes masses. Quand une partie s’offroit en raccourci, il la couvroit du même nombre de plis qu’elle eût eu si elle avoit été droite, mais il présentoit ces plis en raccourci comme la partie qu’ils couvroient.

Il se garda bien de donner à une draperie volante, & qui ne couvroit rien, la forme ou la grandeur de quelque partie du corps. Il y établissoit des yeux grand, & profonds, & donnoit aux plis des formes qui n pouvoient faire d’équivoques avec celles, d’a cumembre.

Il ne, cherchoit pas à placer des plis élégans ; mai, des plis nécessaires à bien représenter la partie qu ils couvoient. Les formes en sont aussi differentes que le sont entr’elles celles des muscles. Jamais elles ne sont ni rondes ni quarrées.

Il a donné aux parties saillantes de plus grands plis qu’à celles qui fuyent, & n’a jamais placé de grands plis sur une partie raccourcie, ni de petits plis sur une partie développée.

C’étoit sur les inflexions qu’il plaçoitles grands yeux & les coupes profondes. Il évitoit que deux plis d’une même forme, d’une même grandeur, se trouvassent à côté l’un de l’autre.

On voit que l’air est la cause générale du mouvement de ses draperies volantes ; elles ne sont pas, comme ses autres draperies, tirées & applaties par leur poids.

Il a laissé appercevoir quelquefois les bords de ses draperies, pour montrer que ses figures ne sont pas habillées d’un simple sac. La forme des parties principales, & le poids spécifique de l’air sont les causes de ses plis.

On reconnoît dans ses ouvrages, par les plis de la draperie, quelle étoit, l’instant d’auparavant, l’attitude de la figure, & si, par exemple, un bras étoit étendu ou replié avant l’action actuelle. C’est une expression qu’il a toujours cherché à rendre, parcequ’elle est dans la nature ; c’est aussi dans la nature qu’il faut l’étudier : on ne la trouveroit pas dans le repos parfait du mannequin.

Quand les draperies ne couvrent les membres qu’i demi, & qu’elles ne couvrent, par exemple, qu’imparfaitement une jambe ou un bras, il a eu soin qu’elles coupassent obliquement le membre qu’elles laissent en partie découvert.

Ses plis sont de forme triangulaire. La cause de cette forme est dans la nature : toute draperie tend à s’élargir & s’étendre, & comme en même tems son propre poids l’oblige à se replier sur elle-même, elle s’étend d’un autre côté, ce qui forme des triangles.