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plus difficiles à rendre ; parce que les traits caractéristiques en sont bien moins prononcés que ceux des passions, fortes. C’est l’art d’exprimer les affections douces qui met Raphael & un petit nombre d’autres peintres fort au-dessus de leurs rivaux. Elles ajoutent un nouvel intérêt à la beauté qui est altérée par les passions violentes. (Article de M. Levesque).

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DRAPER, couvrir une figure de draperies. Pour bien draper, il faut que les plis soient grands., & en petit nombre, parce que les grandes formes produisent les grandes masses d’ombres & de lumières, & parce que de petites formes multipliées égarent la vue & partagent l’attention. Si le caractère des vêtemens & des étoffes exige de petits plis, ils doivent au moins être distribués par grouppes, ensorte qu’un grand nombre de petits plis ne soient que des parties subordonnées d’une même masse formée par un pli principal, & que les plis subalternes ayant moins de profondeur, ne nuisent pas à l’effet général de la lumière.

Nous avons observé ailleurs que les couleurs des draperies peuvent contribuer à l’harmonie du tout ensemble & suppléer aux effets que le clair-obscur ne peut produire seul. Ajoutons que les principes du clair-obscur doivent présider ou règler du moins l’art de draper. Si l’on ombroit trop fortement les plis des étoffes qui couvrent les membres frappés de la lumière, il sembleroit que ces plis entrent dans ces membres eux-mêmes & les coupent.

Les draperies contribueront à la vie, au caractère, à l’expression des figures, si tous les mouvemens des plis annoncent le mouvement plus vifou plus tranquille de ces figures. La couleur & le genre des étoffes concourront à l’expression générale : on n’introduira pas des draperies fines & brillantes dans un sujet triste ou terrible. Thyeste ne sera pas vêtu de couleurs gaies dans le moment où il entend en quelque sorte gronder dans ses entrailles les chairs de son fils qu’il vient de dévorer. La couleur des vêtemens de Porcie ne rejouira pas les yeux, lorsque l’ame du spectateur doit être saisie de tristesse, en la voyant avaler des charbons ardens. Mais dans un sujet qui ne doit inspirer que de la gaieté, toutes les draperies seront brillantes & légères.

Les draperies doivent aussi s’accorder avec l’âge & le caractère des figures qu’elles revêtent. Des couleurs gaies, de légères étoffes conviennent à la jeunesse ; des couleurs sombres, des étoffes épaisses à l’âge avancé. Un personnage grave & austère ne sera pas vêtu comme un personnage léger ou voluptueux. Une princesse majestueuse, une sage mère ne se confondront point par leurs vêtemens avec une courtisanne.


Si l’on objecte que la nature ne s’accorde pas généralement avec ces principes, on répondra que ces principes se rapportent à l’idéal de l’art, & que c’est à l’idéal que l’art doit sa perfection.

L’artiste représente— t-il une figure qui vole dans l’air ; il doit faire reconnoître par la draperie si elle monte ou si elle descend. Si elle monte, une colomne d’air supérieur pèse sur la draperie ; si elle descend, une colomne d’air inférieur la soutient & la soulève. Les plis posés sur chaque membre, & le jeu général de la draperie doivent aussi indiquer si la figure est en action ou si elle vient d’être en action, si l’action est à son commencement ou à sa fin, si le mouvement a été lent, vif ou violent. Tout cela tient à l’observation, à l’imitation de la nature, mais en même temps tout cela tient à l’ideal, puisqu’on ne peut le copier sur la nature. L’artiste ne peut pas poser, pour le copier à loisir, un modèle qui s’envole, qui court, qui se re, mue avec plus ou moins de violence.

« La richesse des draperies & des ornemens qui sont dessus, dit de Piles, fait une partie de leur beauté, quand le peintre en fait faire bon usage. »

Sensible à l’éclat de l’école Vénitienne, de Piles aimoit les étoffes riches & ornées. Il avoit cependant le bon esprit de sentir que ces ornemens, ces fleurs, ces dessins des étoffes ne convenoient pas aux vêtemens dont on couvre les divinités, & que leurs draperies ne doivent être riches que de la grandeur & de la noblesse des plis qu’elles forment. Cette juste observation auroit pu le conduire plus loin & lui faire reconnoître que, dans les sujets qui portenten eux-mêmes leur grandeur, ces ornemens sont également déplacés, que ces sujets ne doivent être parés que de leur propre noblesse & de l’expression qui leur convient, & que l’art subalterne des fabriquants d’étoffes n’est pas digne, dans le genre sublime, de s’associer avec l’art de la peinture.

Si quelquefois le peintre fait un usage discret des belles étoffes, c’est parce qu’elles offrent de beaux tons & de beaux plis, & non parce qu’elles sont ornées de belles fleurs. Il ne doit pas oublier enfin que, dans les sujets de l’histoire ancienne, il ne peut guère employer les étoffes de soie sans pécher contre le costume, puisque, dans l’antiquité, elles n’étoient fabriquées que par les Seres.

La vanité se pare, la vraie grandeur est simple, & c’est la grandeur véritable que le grand peintre doit représenter : c’est la belle nature physique & morale qui est l’objet de son imitation. L’idéal de l’art ne consiste pas à faire Hélene riche, mais à la faire balle. Moins un sujet aura d’ornemens étrangers, & plus il sera beau si l’artiste a du génie. Une belle femme, noblement drapée d’une étoffe simple, sera bien plus noble dans un tableau,