Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/338

Cette page n’a pas encore été corrigée
DIS DIS 197


entendent ; rien de si rare que de rencontrer en eux le concours & le juste accord des qualités qui peuvent conduire aux succès : accord & concours qui forment les véritables dispositions.

Ainsi dans toute espèce d’éducation, un des objets les plus essentiels & en même-tems ; un des plus difficiles à remplir, c’est de ne pas confondre les goûts suggérés, & par conséquent passagers, avec les dispositions solides données par la Nature

Celles-ci cultivées avec intelligence, mettent l’homme à sa place. Les occasions qui font connoître les grandes qualités naturelles & leur assignent un rang, sont rares dans nos constitutions. Conduire par des soins suivis & bien médités, un homme à l’état auquel il est le plus propre, est donc peut-être dans les constitutions actuelles le meilleur systême d’éducation.

Ce qui, dans les arts, est le plus avantageux pour l’individu & pour la société, c’est de déterminer à tems, celui dont le penchant n’est pas assez secondé par les dispositions à se fixer à quelqu’objet partiel, à quelque genre particulier, auquel il est peut-être plus propre & qui n’éxige pas le complément des dispositions nécessaires pour les premiers genres.

Les demi-talens, les talens foibles & avortés, non-seulement sont inutiles à la société, mais contribuent infiniment à dépriser les arts aux yeux de l’ignorance, & à rendre la dépravation du goût plus genérale.

Je passe au second sens du mot disposition.

Ce mot s’enploye plus ordinairement au singulier qu’au pluriel, dans cette acception particulièrement relative à l’art.

La disposition fait partie de l’ordre : ainsi dans l’énumération systêmatique des termes de l’art, après l’invention & la composition, je présenterois l’ordonnance & la disposition.

En effet, comme l’invention conçoit le sujet & comme la composition l’exécute, de même l’ordonnance détermine le plan de la composition & la disposition place les objets & étend ses soins jusques sur leurs moindres parties. On peut observer que ces quatre termes que je viens d’énoncer, conviennent à tous les arts libéraux, même aux arts méchaniques, & que celui dont il s’agit appartient particulièrement à l’ordre.

Disposer les objets d’un tableau, c’est donc les arranger, les placer, les groupper avec une intention qui, plus ou moins bien méditée, rende la disposition excellente ou défectueuse.

Si la composition est l’ordre genéral, la disposition est l’ordre particulier.

Cette manière de procéder est inspirée par la nature, dans tous les ouvrages que produi-


sent les hommes ; & lorsqu’on examine les hiérarchies, les établissemens de différentes classes subordonnées dans toutes les sociétés, à la police particulière, on apperçoit que c’est la disposition des individus dans l’ordonnance d’une société.

Mais pour ne plus m’écarter de ce qui doit principalement convenir aux artistes, je leur dirai, en m’adressant directement à eux : pour bien disposer, il faut que vous ayez bien conçu votre composition, & j’emprunterois volontiers à Boileau ce précepte : ce que l’on conçoit bien, s’énonce clairement. Il est donc indispensable que votre esprit inventif conçeive clairement, par l’effet de la méditation, l’objet de votre composition. Alors votre ordonnance sera claire & votre disposition si naturelle, qu’elle satisfera tous ceux qui la verront.

L’usage d’esquisser vos conceptions à mesure qu’elles se présentent ; c’est à dire, d’inventer, de composer, d’ordonner & de disposer tout à la fois, est sujet à beaucoup d’inconvéniens ; car au moment où les idées naissent, sur-tout si c’est avec quelque chaleur, il est rare qu’elles ne soient pas confuses ; une comparaison vous est souvent offerte dans la socièté par ceux qui parlent au même instant qu’ils commencent à penser. Ceux qui ne s’expriment qui après avoir pense ont le même avantage dans la conversation que les Artistes qui ne tracent leurs inventions qu’après les avoir méditées. D’ailleurs il est souvent dangereux d’habituer l’imagination à regarder comme digne d’être produit tout ce qu’elle enfante. Elle peut gagner par cette route plus de facilité à produire, mais aussi trop d’indulgence à se permettre de créer sans choix & sans méditation. Enfin, cette abondance qui s’annonce rapidement par des esquisses souvent confuses, prépare un travail pénible, lorsqu’il faut démêler ce qui vaut la peine d’être choisi, & ce qu’il faut encore y corriger.

C’est par cette pratique trop en usage qu’on se trouve conduit à recoudre ensemble différens fragmens de ces inventions hasardées, & cette manière de composer approche un peu de la fantaisie qu’ont eu quelques peintres, qui, jettant à l’aventure sur une muraille différentes couleurs, y trouvoient ensuite des idées de figures ou de compositions.

Le systême & les opérations du sculpteur sont plus reglés, & indiquent l’ordre que la raison prescrit au peintre ; en effet le sculpteur, qui cependant doit aussi méditer son sujet, en ébauche l’idée, au moyen d’une maquette de terre ou de cire, si docile & si flexible que les défauts qui s’y trouvent disparoissent pour ne plus se montrer à la moindre réfléxion qu’il a faite ; ainsi le sculpteur court moins de risque que le peintre, en se livrant aux idées