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bien que faits par de très-habiles artistes, méritent d’être critiqués à cet égard : leur exemple est souvent dangereux.

Le peintre doit toujours avoir dans l’esprit, même en dessinant, de donner l’idée de l’air & du mouvement ; s’il est occupé sans cesse de ces deux points importans, les figures qu’il peindra ne ressembleront pas à des statues, & ces objets ne seront pas découpés & tranchans.

Tout peintre qui, par une autre erreur, se fie à l’obscurité des fonds & au tranchant des lumières & des ombres, pour faire sortir ou pour dégager ses figures, oublie qu’il peint, & pense sans doute qu’il ne fait que dessiner avec des couleurs. (Article de M. Watelet.)

DÉFAUT. (subst. masc.) Cet article n’est pas consacré à l’énumération de tous les défauts qui peuvent souiller les ouvrages de l’art : il seroit trop long, & il sera court.

Si le jeune artiste se pique d’excuser les défauts qu’on reprendra dans ses ouvrages, il lui sera facile de trouver des autorités. Il n’y a eu aucun maître, quelque grand qu’il ait été, il n’y a même eu aucun ouvrage de l’art, en particulier, qui n’ait eu des défauts ; & il n’y a aucun défaut qui ne se puisse trouver dans quelqu’ouvrage de l’art, qui d’ailleurs mérite de l’estime. Mais si le jeune artiste veut autoriser en lui la sécheresse du pinceau par l’exemple d’un grand maître, la froideur de l’expression par celui d’un autre, l’incorrection du dessin par celui d’un troisième, on pourra lui accorder qu’il possède en effet les parties repréhensibles de ces grands maîtres ; mais on pourra lui prédire qu’il n’aura jamais les grandes qualités sur lesquelles est fondée leur réputation.

Mais quand un ouvrage a de grandes beautés on pourra dire à l’artiste jaloux, à l’amateur orgueilleux qui tentent de le dégrader, parce qu’ils y découvrent des défauts, que leurs observations marquent bien moins la sagacité de leur goût que la malignité de leur cœur, puisqu’ils admirent des ouvrages d’artistes qui ne sont plus, quoiqu’ils offrent les mêmes défauts, & quelquefois des défauts plus grands encore.

Une dernière réflexion, c’est que les artistes modernes s’appliquent à-peu-près également aux différentes parties de l’art, que leur plus grand mal est peut-être de partager ainsi leurs facultés entre un trop grand nombre de qualités différentes, & qu’ils pêchent bien moins par la présence des grands défauts, que par l’absence des grandes beautés.

Il est un conseil, dit Reynolds en s’adressant aux artistes, que je voudrois vous donner. Tournez votre attention du côté des parties les plus sublimes de l’art. Si vous y parvenez, quoique vous ne puissiez les posséder toutes,


vous aurez du moins un rang parmi ceux qui occupent les premières places. Consolez-vous de ne pas posséder peut-être cent beautés inférieures, & de n’être pas des artistes parfaits. (Article de M. Levesque.)

DÉGÉNÉRATION des arts. On croiroit que les arts, tant qu’ils sont cultivés & protégés, devroient faire toujours des progrès nouveaux, jusqu’à ce qu’ils fussent enfin parvenus à un dégré de perfection que les forces humaines ne pussent surpasser. L’expérience prouve la fausseté de cette spéculation.

Les arts languissent plus ou moins long-tems dans l’enfance ; mais dès qu’ils sont parvenus à l’âge de la force, ils se montrent dans toute leur énergie, & quoique dans la suite ils fassent encore des acquisitions en différentes parties, ils restent cependant au-dessous d’eux-mêmes, au-dessous de ce qu’ils ont été. C’est ainsi que l’homme dans la vieillesse a souvent des lumières qui lui manquoient dans la pleine maturité ; mais il n’a plus les mêmes talens : il possède plus, & ne sait plus faire autant d’usage de ce qu’il possède que lorsqu’il possédoit moins ; il amasse encore, mais il ne sait plus employer.

Des peintres, même médiocres, ont quelques parties à un plus haut degré que Raphaël ; ils en ont même qui lui étoient inconnues ; mais ce sont des parties inférieures, & il continue d’être le premier des peintres, parce qu’il a réuni à un plus haut degré qu’aucun de ses successeurs un plus grand nombre des parties capitales de son art.

La beauté, l’expression, telles étoient les parties pour lesquelles Raphaël & le Poussin réunissoient toutes les facultés de leur ame, parce que ce sont elles en effet qui constituent l’art. Ils ne donnoient pas la même attention aux autres parties, parce qu’elles ne constituent que le métier. Nous avons eu de meilleurs ouvriers ; jamais de si grands artistes.

Une des causes de cette dégénération, c’est que les artistes ont eu plus de vanité, mais moins de fierté : avec une ame moins haute, ils ne se sont pas moins estimés eux-mêmes. Ils ont fondé leur orgueil sur l’art qu’ils exerçoient, sans penser que, de cet art, ils n’avoient fait qu’un beau métier. Ils ont cru qu’il suffisoit d’être peintre pour tenir un rang distingué entre les artistes ; & ils ont oublié que le peintre n’est qu’un ouvrier quand il n’est pas poëte, & que le poëte n’est lui-même qu’un artiste inférieur, quand il ne cultive pas avec succès la haute poésie.

Des prestiges de couleurs, des agencemens de composition, des effets imposans de clair-obscur, des mouvemens fougueux, des machines théâtrales ont étonné les amateurs, ont réuni leurs suffrages. Les idées des alléchemens