Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
DÉC DÉC 175


impartialité dans ces observations, est à l’usage de tous ceux qui voudront avoir quelques notions de ces objets ; ce que je vais ajoûter, est plus particulièrement propre à ceux qui sont destinés à pratiquer la peinture.

Aux jeunes Éleves

Vous qui, pour la plupart, montrez en entrant dans votre carrière, les desirs les plus vifs de vous y distinguer, que n’employez vous cette espece de surabondance, d’émulation & de zèle qui vous dévore, à vous enrichir de la connoissance des arts, que j’appellerai limitrophes ; parce qu’ils se touchent & souvent se pénètrent ?

Un voyageur jeune, ardent, plein de vigueur & d’envie de s’instruire, ne parcourt guère son pays, sans faire des excursions dans les pays qui l’avoisinent.

Dans vos tems de loisir, dans les heures moins essentielles ou moins favorables à vos principales études, que ne vous essayez-vous à faire des plans de constructions, & à élever sur ces plans des décorations, dans lesquelles vous trouverez l’emploi du génie pittoresque qui vous possède & vous tourmente ?

Quoique vous ne vous destiniez pas à la sculpture, modelez une tête de caractère, une figure, ou un grouppe, quand ce ne seroit que pour connoître la différence qui existe entre la composition des objets qu’on doit voir de tous les côtés, & la représentation de ceux qui ne se montrent que d’un seul ; quand ce ne seroit que pour avoir une idée palpable, si j’ose m’exprimer ainsi, des plans, des surfaces, des méplats, des effets du relief.

Instruisez-vous encore, à titre de curiosité, des opérations méchaniques de ces arts. Si vous vous trouvez un jour à portée de vous procurer une retraite, soit à la ville, soit à la campagne, pourquoi n’auriez vous pas la juste prétention de la bâtir, sans avoir recours aux architectes ? de l’orner de stucs, comme vous l’ornerez de peintures ? Cette prétention est aussi louable dans un peintre, qu’elle est ridicule dans un homme étranger aux talens dont il ne connoît que les noms, & qui croit que d’un instant à l’autre, à l’aide de l’esprit, de quelque industrie & de quelque facilité d’intelligence, il sera dans les arts & dans les sciences tout ce qu’il voudra devenir.

Supposez quelquefois que vous pouvez vous trouver seul d’artiste dans un pays, dans une ville, où se rencontreroit l’occasion de célébrer une fête publique ou de faire un monument. N’auriez-vous pas quelqu’embarras & même quelque honte, lorsque les magistrats


s’adressant à vous, vous remettroient ce soin ; persuadé qu’étant un artiste distingué, tout les arts du même genre vous doivent être connus ? Je vous apperçois acceptant l’emploi qu’on vous donne, je vois le regret que vous éprouvez d’avoir négligé des études qui vous auroient été faciles ; je démêle votre embarras intérieur, qui renaît à chaque instant, parce que vous connoissez à peine les justes proportions des ordres, que vous n’avez que des idées confuses de l’emploi qu’on en peut faire, & que vous ignorez presqu’entièrement les opérations & les pratiques nécessaires, soit pour établir des élévations, soit pour modeler & mouler à la hâte, des statues & des sculptures en cartonage, soit pour faire seulement dresser convenablement à vos idées, les charpentes & les assemblages sur lesquels vous projettez d’établir des décorations.

Qu’arrivera-t-il ? A l’aide de ce que votre talent vous a donné quelques notions vagues, d’intelligence & d’adresse, vous vous efforcez d’inventer ou de deviner ce que vous vous repentez de ne pas savoir, & vous risquez par l’ignorance des connoissances théoriques & mêmes pratiques, que vous auriez pu facilement acquérir, de vous montrer fort inférieur à ce que vous êtes.

Je ne prétends pas cependant vous inspirer la prétention d’être Michel-Ange, Raphael & Palladio, quoique chacun des deux premiers de ces artistes ayent eu des droits reconnus à la réputation dans les trois arts ; mais je vous exhorte à étendre vos connoissances dans les talens divers qui tiennent à celui que vous cultivez, plutôt pour en tirer des avantages pour votre art lui-même, que pour en prendre occasion de vous livrer à une vanité toujours blâmable.

Composez dans des momens perdus, par amusement, par défi, par la curiosité de sonder votre génie, des projets de monumens, des décorations de fêtes & de théâtre : modelez quelques grouppes que vous aurez composés pour les peindre ; moulez, réparez, fondez pour bien connoître, & pour ne pas perdre de vue comment se font toutes ces opéraitons.

Vous ne concevrez qu’en l’éprouvant, combien ces exercices de surérogation ajoûteront à votre facilité, étendront même votre génie.

Vous sentirez l’avantage de pouvoir composer vos fonds, en les enrichissant de fabriques nobles & de monumens majestueux ; vous vous applaudirez de savoir décorer vous-même les intérieurs des temples, des palais où vous placerez les scènes de vos tableaux, sans appeller à votre secours quelque jeune architecte, qui, tout en traçant ses lignes sur votre toile, prendra, parce que vous avez