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le coloris, parce que les élèves de ces maîtres s’y sont conformés ; & comme plusieurs ont exagéré & exagèrent l’usage de ce moyen, qu’avoient adopté leurs maîtres, peut-être avec beaucoup plus de circonspection ; les uns ont peint roux ou doré, les autres bleu ou argenté, les autres jaune ou verd, & d’autres enfin, en tâchant d’éviter ces désauts & de rompre leurs teintes, ont peint sale ou gris dans les ombres, & dans l’accord de leur harmonie colorée.

Voilà une des conventions qui doit varier davantage, parce qu’elle a pour cause l’impossibilité de rendre la privation de la lumière par le même moyen que la nature. Cette sorte de convention commence toujours par s’établir de l’artiste observant à l’artiste opérant. Elle devient plus véritablement convention, lorsqu’elle est adoptée par d’autres, & enfin elle a tous les titres de convention dont elle est susceptible, lorsqu’elle est reçue par ceux qui s’occupent des ouvrages de peinture ; mais elle ne peut jamais devenir convention absolument générale & unanime.

Il existe des conventions dans la partie du dessin ; car parmi les dessinateurs, les uns tracent les contours & les formes des objets qu’ils dessinent, d’une manière très-marquée, en imprimant à presque tous les contours un certain carré, qu’ils ont apperçu dans quelques objets. Ils se fondent sur ce que cette manière a quelque chose de décidé, qui entrane à l’idée qu’ils veulent donner du caractère des formes, & ils ressemblent aux auteurs qui adoptent dans leur style un caractère prononcé, & le mettent en usage à tout propos. Alors ce caractère est une conventionque le peintre ou l’écrivain se fait avec lui-méme. D’autres artistes & d’autres écrivains arrondissent toutes leurs phrases & tous leurs contours, & ceux-ci forment en eux-mêmes une convention qui a un inconvénient contraire à celle dont j’ai parlé ; car la convention du style prononcé qui convient aux objets très-caractérisés, ne convient pas aux objets plus doux, & au contraire la convention du style coulant & arrondi qui conviendroit à une nymphe, à un adolescent, détruiroit toute l’énergie de la figure d’un Hercule..

Il faut toujours remarquer cependant que les conventions d’artistes, quoique sujettes à une juste critique, sont adoptées, lorsqu’un grand mérite les soutient, & qu’elles le sont aussi, en raison des lumières de ceux qui s’occupent des ouvrages des arts ; différence fort grande de ces conventions artielles avec plusieurs conventions d’opinions & de préjugés, qui sont rejetées si-tôt qu’on apperçoit clairement que ce ne sont que des conventions. La composition pittoresque ne comporte pas moins de conventions que les deux parties dont j’ai parlé, les contrastes affectés, les repoussoirs menteurs, &


un nombre d’habitudes que prennent les artistes, sont des espèces de conventions qu’ils forment avec eux-mêmes, ou qu’ils adoptent aveuglément, comme la plupart de celles de la société ; mais les dernières dont je viens de parler relativement à la composition, ne sont adoptées ou tolérées que jusqu’à un certain point par les connoisseurs. Elles n’ont pas la même excuse que les systêmes sur la couleur des ombres & sur l’harmonie : car l’observation de la nature apprend d’une manière bien décidée aux artistes qui l’étudient, qu’elle ne forme pas continuellement des contrastes parmi les hommes qui vivent ou se trouvent ensemble ; que souvent au contraire, ils sont assemblés pour le même but ou par le même intérêt ; que souvent leurs membres, leurs mouvemens enfin, ont la même direction ; que rien, en un mot, ne tend plus à donner l’idée d’un spectacle apprêté, que les contrastes multipliés. Quant aux repoussoirs qui consistent en certains objets, grouppes ou terreins fort colorés ou fortement ombrés, que tant de peintres placent sur le premier plan de leurs tableaux, les observateurs de la nature ne les pardonnent point aux peintres qui doivent l’observer plus souvent & plus exactement encore que les spectateurs de leurs ouvrages. L’on fait généralement aujourd’hui que les objets ombrés qui se trouvent sur les devans, sont transparens, quoique vigoureux par la couleur locale ; que les ombres voisines de celui qui les regarde, loin d’être noires & trop obscures, laissent voir tous les détails, les formes, les couleurs des objets qui s’y rencontrent ; que la nature enfin n’a pas besoin de cet artifice pour repousser, comme on dit en langage de l’art, les plans & les objets éloignés, parce que l’effet de l’interposition de l’air, les dégradations de tons & les proportions relatives des objets plus ou moins éloignés avec les objets rapprochés, suffisent pour les mettre tous à leur place.

Je prononcerai encore plus décisivement sur les conventions qui regardent la partie de l’expression ; & je dirai que celles par lesquelles certains artistes expriment en chargeant, & avec exagération les affections, les passions, les mouvemens, ne peuvent & ne doivent pas être adoptées. Elles sont cependant tolérées trop fréquemment par les hommes qui ont peu de lumières sur les arts. Pourvu qu’on excite en eux des sensations vives, ils ne cherchent pas si elles sont motivées, & ne se soucient pas plus d’observer avant de décider, que le peuple d’une grande ville ne se soucie de s’instruire si un fait qu’on raconte est faux ou vrai, avant de dire ce qu’il en pense.

Distinguez donc avec justesse, jeunes élèves, premièrement, les conventions qui sont établies & reçues avec unanimité par les artistes,