Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/286

Cette page n’a pas encore été corrigée
CON CON 145


diquer aux jeunes disciples celui qu’ils doivent préférer, on sent aisément qu’on leur donneroit pour précepte de les connoître, de les distinguer, de s’habituer à les pratiquer tous & sur-tout de les mettre en usage à propos & convenablement ; mais ils pourroient exiger, indépendamment de ce précepte trop général, quelques notions au moins sur l’ordre dans lequel ils doivent procéder à cette étude si intéressante de l’art auquel ils se dévouent.

L’ordre dans lequel j’ai énoncé moi-même les différens caractères des contours leur indique à-peu-près la marche qu’ils doivent tenir ; car on exige d’abord d’un dessinateur l’exactitude dans la présentation de l’objet qu’il se propose de nous transmettre, sans laquelle il manque de la première qualité essentielle.

En regardant ensuite le dessinateur comme artiste, on veut de la correction & de la pureté. Comme artiste annonçant du talent & du génie, on est satisfait si on le voit dessiner ses contours avec une certaine décision qui prouve qu’il apperçoit vivement ; avec une fermeté, preuve de l’énergie de son ame ; avec une sévérité qui annonce le bon goût. On exige du dessinateur, suivant le différent caractère des objets, que tantôt il employe cette simplicité, cette naïveté, appanage de la grace ; cette noblesse appartenant à la beauté ; ce prononcé, cet articulé par lesquels l’ame du dessinateur fait connoître fortement les impressions vives dont il est susceptible ; tantôt ce liant & cet ondoyant qui le montre susceptible, lorsqu’il est nécessaire, d’un sentiment de volupté, qu’on n’exige que trop souvent des arts, dans les temps & parmi les nations où leur emploi est plus recherché pour l’intérêt des plaisirs que pour celui des vertus & des mœurs. (Article de M. Watelet).

CONTOURNÉ, (adj.) affecté dans les contours. Ce terme est toujours pris en mauvaise part, & s’employe également pour les ouvrages de peinture, de sculpture & d’architecture. Il a été transporté aux ouvrages d’esprit ; on dit une phrase, une période contournée. Ce vice naît de l’affectation mal-adroite d’éviter la trop grande simplicité. Un Architecte contourne le plan & les détails d’un édifice pour rompre la ligne droite ou la ligne circulaire. Un Peintre, un Sculpteur contourne une figure, c’est-à-dire, lui donne une position, une attitude peu naturelle, pour éviter la froideur. Toutes les fois qu’une figure fait plus de mouvement, plus d’effort que n’en exige l’action qu’on lui suppose, elle est contournée. Par exemple, l’action du commandement doit être d’autant plus simple, que celui qui le reçoit est plus subordonné à celui qui le donne. Un coup-d’œil, un geste suffit pour assurer de l’obéissance


celui qui a le pouvoir de commander. Moins il fait de mouvement, plus il montre de grandeur, parce qu’il est certain qu’on ne tentera pas de lui résister. Jupiter, pour ébranler l’Olympe, ne fait que remuer le sourcil.

Que dire de certains peintres qui, pour représenter un prince, un général qui commande, lui sont porter la tête en arrière avec effort, étendre & roidir le bras droit, ployer le poignet en l’arrondissant avec une sorte de contraction, & tendre violemment le doigt index ? Ce n’est pas représenter un homme qui jouit de la grandeur, mais un homme qui veut se faire grand. Une semblable position seroit bonne pour représenter le ridicule d’un insolent subalterne qui affecte de commander.

On contourne les figures pour leur donner de la grace : c’est oublier cjue la grace ne se trouve qu’avec la nature, qu’elle est negligée, & que tout ce qui est affecté est en même-temps disgracieux.

La plus légère étude de l’antiquité suffit pour empêcher les artistes de faire des figures contournées. Les Grecs, dans tous les genres, n’ont aimé que la nature : ils ont été simpies dans les plans de leurs tragédies, simples dans les expressions qu’ils ont prêtées à leurs personnages ; simples dans les attitudes qu’ils ont données à leurs statues. S’ils représentoient une figure tranquille, ils la montroient dans le plus parfait repos.

L’homme, dans quelque situation qu’il se trouve, prend toujours l’attitude la moins pénible, celle dans laquelle il est le plus à son aise. S’il ne fait pas une action difficile, il évite toute position, tout mouvement qui peut lui donner quelque peine. Toutes les fois qu’un artiste oublie ce principe, il pêche contre l’art, puisqu’il pêche contre la nature : tout genre a sa naïveté, & la naïveté plaît toujours.

On dit aux élèves : donnez eu mouvement à vos figures ; & ce précepte est fondé ; mais il faut ajouter : ne leur donnez que le mouvement qu’elles doivent naturellement avoir dans la situation où vous les supposez.

Contourner une figure par des mouvemens violens, lorsqu’elle ne fait qu’une action aisée & simple ; c’est commettre le même contresens que si on lui faisoit ouvrir violemment la bouche pour indiquer qu’elle parle.

Enfin, le peintre doit éviter constamment les formes contournées dans l’architecture dont il décore ses tableaux, dans les ornemens & les meubles qui en forment les accessoires. (Article de M. Levesque).

CONTRASTE, (subst. masc.) On peut observer plusieurs sortes de contrastes dans un ouvrage de l’art ; contraste des ombres & de la lumière, d’où résulte le clair obscur ; contraste

Beaux-Arts. Tome I. T