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cesse modifiées à notre vue. Il seroit nécessaire encore que l’ouvrage d’Anatomie classique pour les Artistes comprît les représentations d’un choix de figures antiques, dans lesquelles se trouveroient les plus renommées, & que ces mêmes figures fussent exactement représentées successivement dans l’état de squelette & d’écorché, pour faire bien appercevoir la relation de la proportion des parties solides & des parties musculeuses de la première & de la seconde couche, dans les attitudes où les Artistes anciens les ont placés. Ainsi l’on rassembleroit ce qui se trouve épars dans plusieurs ouvrages, quelque fois fort difficiles à trouver, & dont les éditions épuisées se renouvellent sans exactitude. D’ailleurs, les préceptes, les exemples & les nomenclatures examinées avec un soin particulier, sous les yeux d’un corps d’Artistes, & avec les secours d’un Professeur éclairé, établi dans l’institution de l’Académie, ces livres de préceptes qui, par l’approbation authentique des corps instruits, ne laisseroient point de doute sur leur mérite, seroient vraiment ouvrages classiques. Le complément de celui dont il est question en entraîneroit quelques autres qui n’ont point été faits. Tel que seroit, par exemple, un traité avec figures des mouvemens démontrés impossibles, qui seroit la condamnation des attitudes exagérées, auxquelles la nature se refuse, attitudes qu’employent trop souvent les Artistes peu instruits, ou entraînés par un desir de rendre l’expression plus sensible, desir que plusieurs prennent pour l’inspiration du génie.

On démontreroit donc par les loix de l’Ostéologie & de la Myologie, que ces mouvemens, qu’on croit souverainement expressifs, expriment mal, puisqu’ils ne peuvent exister ; que les ressorts, les jointures, les extensions fixés par la charpente du corps humain, ne peuvent se prêter sans restriction à l’imagination, & l’on feroit sentir que ces défauts nuisent absolument à l’expression, parce qu’il est dans la nature des vérités qui, sans être démontrées à l’intelligence, sont appréciées assez juste par une sorte d’instinct & par une secrette conscience, dont nous sommes généralement doués, sans nous en rendre compte.

On ajouteroit à ces objets intéressans, pour la perfection de l’Art, des détails infiniment intéressans, dont nous n’avons que des objets imparfaits, sur les muscles qui expriment des passions simples, sur le concours de ceux qui expriment les passions compliquées, les passions extraordinaires & les bornes que la nature a assignées encore au jeu de ces muscles ; enfin l’Anatomie pittoresque des animaux, qui entrent le plus souvent dans les compositions des Peintres, deviendroit nécessaire pour compléter ce cours fondamental, & les explications, les planches, les renvois aux figures en ronde-bosse, qui seroient exposées dans des salles destinées à cet


objet, s’offriroient au moindre desir des Artistes, comme un moyen d’instruction bien préparé, garanti par la sanction des Maîtres de l’Art, & dont pourroient également profiter les Amateurs de l’Art pour jouir plus complettement des leçons utiles, sonder leurs critiques, leurs observations & leur jugement.

Après ces ouvrages élémentaires, classiques & démontrés, viendroit ce qui regarde la pondération, dont quelques Auteurs-Artistes, tels que Léonard de Vinci, ont savamment écrit ; mais dont les instructions excellentes n’ont pas l’ordre qu’on a droit de desirer, & ne sont pas à beaucoup près aussi complettes qu’il le faudroit.

Cette première division d’ouvrages classiques imprimée serviroit de récompense, ajoutée aux médailles & aux prix d’émulation. Il faudroit regarder à cet égard la prodigalité comme un moyen de répandre dans les Arts & dans la société des idées arrêtées, qui y manquent absolument, & sans lesquelles cependant les opinions générales sans base, & par conséquent arbitraires & flottantes, ne peuvent que contrarier les progrès des Arts, les succès des Artistes, en favorisant le mauvais goût & l’ignorance.

Après avoir rédigé les parties fixes & exactes de l’Art, on penseroit aux parties sur lesquelles on ne peut éclairer d’une part que par des raisonnemens sans démonstrations rigoureuses ; & de l’autre part, d’après le dégré d’intelligence, de disposition, de talent & de génie, de ceux à qui les instructions artielles sont destinées.

Je parle, premièrement des parties constitutives de l’Art, soumises à l’observation intelligente de l’esprit, & soustraites par conséquent à une routine par laquelle commence presque toujours l’existence des Arts, avant qu’ils soient éclairés par la méditation, la comparaison & les connoissances étrangères qui ont le droit de leur offrir des secours.

Cette partie de l’ouvrage classique, établiroit donc des notions de ce qu’on doit entendre intellectuellement par le dessin, la couleur & la composition. Un nombre assez grand de manières d’envisager ces parties, seroient exposées avec ordre & clarté, & celles qui seroient les plus simples, les plus sensibles, conviendroient aux Artistes nés avec une intelligence moyenne, & à ceux que le penchant ou les circonstances accidentelles ont attachées aux ouvrages qui ne demandent pas toutes les ressources de l’esprit & du génie ; les explications plus spirituelles, plus profondes, plus étendues, plus rapprochées des principes généraux des Arts libéraux, plus relatives à leurs nobles destinations, seroient developpées à leur tour, mais en prenant le plus grand soin pour ne pas s’égarer dans des discours vagues, quelquefois assez riches d’expression,