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AVERTISSEMENT. xvij


Seroit-ce loin des villes, où les organes, fatigués & grossiers, ne reçoivent qu’un petit nombre d’impressions qu’ils savent aussi dissimuler ? Parmi tant de causes propres à masquer la nature, seul modèle des arts, qui retrouve a la trace des émotions du cœur humain, si ce n’est l’observation guidée par l’enseignement des grands maîtres dans les Académies, où l’on garde un souvenir profond de ce que l’homme fut autrefois, & de ce qu’il a perdu dans les grandes associations, de force, de franchise & de simplicité ?

Est-il donc une étude plus grande & plus belle que celle de l’art de peindre ainsi considéré ? Comme il s’unit à la philosophie par le tableau des sensations ; à la morale, par celui des vertus & des vices ; à l’histoire naturelle, par celui des attitudes & des gestes ; à la science de l’équilibre, par les liens de la pondération des figures ; à l’optique, par les illusions de la perspective ; à l’anatomie, par le dessin des masses & des articulations ; enfin, à la chymie, par la fabrication & le mélange des couleurs !

En lisant cet ouvrage, on est étonné du grand nombre de pensées & de vues resserrées par l’auteur dans aussi peu d’espace. Ces réflexions ne sont en effet que le sommaire d’un grand traité auquel M. Watelet a consacré sa vie, qu’il a enfin rédigé sous la forme de Dictionnaire, & dont le public jouira bientôt. Tout ce qui concerne l’art de peindre y est discuté sans longueur & sans ennui ; le précepte ne s’y montre jamais isolé ; on voit par-tout d’où il naît, & ce qu’il doit produire. L’enthousiasme & le goût sont assujettis à quelques règles ; elles y sont tracées. Nul n’y puisera sans doute ni cette vive émotion dont l’ame tire sa vigueur, ni ce tact exquis d’un sens intime qui la dirige dans ses mouvemens ; mais ceux qui en sont pourvus y trouveront des conseils dont ils sauront profiter. L’art de peindre reconnoît deux origines, l’une naturelle, l’autre historique. Ce bel art exerce son domaine sur deux mondes, dont l’un est réel, & l’autre imaginaire ; il représente deux espèces de beautés, dont l’une est vraie, & l’autre seulement idéale. Tantôt il montre la


Beaux— Arts, Tome I. c