Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CLA CLA 107


c’est-à-dire, relativement au méchanisme, & au libéral.

Je donnerai place, après ces explications à une sorte d’objection qu’on pourroit opposer aux principes que l’Art prescrit au Peintre.

La nature, dira-t-on, ne prend aucun soin de groupper, ou d’enchaîner, ou de masser ses lumières ; tous les objets mobiles sont assemblés ou dispersés sans méditation pittoresque, & cependant ils offrent toujours un tel accord de clair-obscur, que le Peintre qui imiteroit au hasard, mais qui imiteroit parfaitement, feroit un tableau dont l’effet seroit certainement admiré.

La réponse à cette objection me paroît devoir être celle-ci : imiter parfaitement étant au-dessus des moyens de l’Art, il est nécessaire que l’Artiste mette à la place de cette perfection qui lui est refusée, les ressources de l’intelligence & du génie.

C’est cette raison, qui dans tous les Arts d’imitation a produit les principes, les moyens médités, les règles & les artifices qui les distinguent.

L’absolument parfaite imitation qui est le but des Arts libéraux, ne différeroit pas de la Nature, & par conséquent, auroit tous ses avantages ; mais le plaisir ou la peine, qu’occasionne l’imitation, telle que nous pouvons la faire, ne seroient plus les mêmes. Il se mêle toujours dans le plaisir & même dans les émotions douloureuses que donnent les imitations, l’idée d’une joûte entre l’art & la nature, l’idée des difficultés qu’il faut vaincre, & enfin l’idée d’un mystère plus ou moins ingénieux qu’on a employé, qui offre une autre satisfaction, celle de le pénétrer.

Ce sont donc ces moyens mystérieux d’ordre, de combinaisons & de choix qui servent en effet, ou qui tiennent lieu des perfections d’imitation, que les Arts humains ne peuvent atteindre.

Voilà les notions qui me paroissent les plus essentielles aux lecteurs pris en général, pour se former des idées du clair-obscur. Je vais, suivant mon usage, passer à quelques observations plus particulièrement relatives à ceux qui s’instruisent de l’Art pour le pratiquer.

Le juste emploi des lumières, en raison du foyer, en raison de l’intensité, enfin en raison des accidens qui les modifient, exige que vous observiez souvent l’effet du ciel, du soleil, des nuages & des interpositions qu’ils présentent ; il faut que vous ayez dans le souvenir, en peignant un tableau, toutes les dispositions & les suppositions que vous avez établies, pour parvenir à en composer l’harmonie, comme l’Auteur drammatique ne doit jamais perdre de vue son exposition, & les événemens qu’il suppose arriver dans les intervalles qui divisent chacun de ses actes.

Lorsque vous placez vos modèles pour dessiner ou pour peindre, n’avez-vous pas soin de disposer leurs membres, de manière qu’ils soient plutôt


unis que trop éloignés les uns des autres, & de manière aussi que la lumière frappe principalement les parties qui, dans ce moment, vous intéressent le plus ? eh bien, ce que vous faites, presque par instinct, pour la satisfaction de vos yeux, & pour la facilité & l’agrément de votre étude, est la règle qui vous conduira à opérer dans toutes les circonstances, pour l’avantage de ceux qui verront vos ouvrages.

Attachez les regards sur vos tableaux, vous aurez par cet artifice, un moyen puissant d’attacher l’esprit. Dans les jouissances que procurent les Beaux-Arts, quelque spirituels que soient ceux à qui l’on offre leurs productions, le sens auquel elles s’adressent pour parvenir à l’esprit ou à l’ame, vient avant tout exiger ce qui lui est dû. l’esprit a beau se prévaloir, il n’obtient rien que de la seconde main, pour ainsi dire : bienheureux encore, lorsqu’il reçoit les impressions qui lui sont destinées, sans trop de complication.

Vous, dont le premier devoir dans l’ordre des sensations est de séduire, de flatter, de tromper la vue, étudiez donc avec un soin extrême les moyens qui peuvent vous faire parvenir à ces différens buts ; connoissez les dispositions les plus favorables au clair-obscur ; mais, comme il en est une infinité, ne vous repetez pas par paresse ou par habitude.

On peut attacher le regard, en enchaînant les lumières de façon qu’elles serpentent dans la composition, & qu’elles la fassent parcourir aux yeux qui seront guidés par cet artifice, sans qu’ils s’en apperçoivent.

On peut les attacher par un seul grouppe lumineux, qui décide leur attention & l’arrête.

On peut disposer des grouppes de lumières, qui, subordonnés entr’eux, laissent dominer celui dans lequel vous aurez placé l’objet de vos affections, je veux dire, celui que vous destinez à intéresser davantage.

Je m’étendrois trop, si je parlois de tous les détails, par lesquels les différens maîtres, distingués dans cette partie, sont parvenus à l’harmonie qui lui est nécessaire. D’ailleurs, comme ils ont pris quelquefois différens moyens, si vous voulez donner quelque préférence à l’un d’eux, il n’en a guère été de plus instruits des routes agréablement & profondément savantes, qui conduisent à une magique harmonie du clair-obscur, que le Corrège.

CO

COLORIS, COLORER & COLORIER. J’ai annoncé, à l’article Carnation, que je réunirois dans l’article Couleur, des notions qu’on auroit pu diviser, à l’occasion des mots carnation, & coloris ; mais, en même-temps, j’ai présenté, dans ce premier article, une idée succincte, de


O o ij