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CHASSIS. Le chassis d’un tableau est un assemblage de tringles de bois, sur lesquelles on assujettit & l’on tend la toile qui doit servir à peindre. On trouvera, à l’article Chassis du second Dictionnaire, ce qu’on entend par un chassis à clef ; &, dans les figures gravées, on trouvera ce chassis représenté. On appelle encore chassis, un assemblage de tringles de bois, sur leque1 le graveur étend & assujettit un papier huilé ou verni, destiné à adoucir l’éclat que le jour ou la lumière produisent sur le cuivre ; soit qu’on grave au burin, ou bien à l’eau-forte ; soit qu’on travaille à ces sortes d’ouvrages, à l’aide de la lumière du jour ou des bougies.

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CLAIR-OBSCUR. Ce qu’on nomme clair-obscur, est l’effet de la lumière considérée en elle-même ; c’est-à-dire, rendant les objets qu’elle frappe plus ou moins clairs, par ses diverses incidences, ou plus ou moins obscurs, lorsqu’ils en sont privés.

Pour rendre plus sensible cette première explication, de ce qu’on entend par clair-obscur, dans l’Art de la Peinture, ne considérons premièrement qu’un objet.

Lorsque la lumière, partant d’un point, se répand sur un corps, une infinité de rayons, émanés de ce point, se dirigent sur l’objet éclairé, & frappent tout ce qu’ils peuvent atteindre de sa surface. Le rayon qui touche le premier quelque point de cette surface, y porte la plus vive lumière, parce qu’il y parvient moins altéré, s’y dirigeant par une ligne plus courte que les autres rayons du faisceau dont il faisoit partie. Les rayons qui atteignent successivement les autres points, plus éloignés du foyer de la lumière, & qui ont eu par conséquent plus, de chemin à parcourir, sont moins éclatans ou moins lumineux. D’ailleurs, si l’objet a des plans ronds ou inclinés, sur lesquels ces rayons ne tombent pas perpendiculairement, ils glissent & ne se réfléchissent alors qui imparfaitement : enfin, lorsque ces rayons rencontrent un corps, une partie ou une surface qui en cachent une autre, celle qui est cachée reste privée de la lumière directe, que lui portoient les rayons. Ce sont ces différens accidents de lumières & d’ombres, qui, dans la Peinture, donnent lieu à la science du clair-obscur. Les effets que je viens d’énoncer sont plus sensibles, lorsqu’on les observe sur un corps, dont différentes parties se trouvent à quelques distances les unes des autres ; & c’est en les choisissant, & les disposant ainsi, pour son instruction, qu’on prend de premières notions justes, qui servent ensuite de base à des observations plus compliquées ; car il s’opère continuellement sur tous les corps éclairés, (soit naturellement, soit artificiellement,) des modifications innombrables de la lumière & de l’ombre.


Dans ces modifications, l’on doit faire entrer comme objet essentiel, & fort intéressant pour l’harmonie colorée de la Peinture, les rejaillissemens de rayons, & par conséquent de couleurs, qui s’opèrent lorsque la lumière, frappant les corps dans certaines directions, est renvoyée sur ceux qui les avoisinent.

Il résulte de tout ce que j’ai dit, que le clair-obscur comprend les dégradations de lumières & d’ombres, & leurs divers rejaillissemens qui occasionnent ce qu’on nomme reflets.

Les dégradations ne se succèdent sans interruption, que dans les objets dont toutes les parties sont lisses ; dans une boule, par exemple ; mais elles y sont si multipliées, & en même temps si unies, que l’œil qui n’est pas exercé, a peine à les saisir ; & que le regard instruit, ne peut même les saisir toutes : mais le raisonnement, sens intellectuel, nous fait voir démonstrativement ce qui ne peut tomber sous la vue.

Les reflets sont de deux espèces, parce que le réjaillissement des rayons ne porte quelquefois qu’une émanation de lumière, & quelquefois porte une émanation ou un reflet coloré ; différence qui provient de la diverse nature des surfaces, desquelles part le réjaillissement. Les corps durs & polis, à un certain point, tels que les pierres, les métaux, ne donnent souvent lieu qu’au reflet de la lumière ; les corps moins unis & plus colorés, c’est-à-dire, de couleurs plus vives, semblent renvoyer, avec les rayons qui réjaillissent, des émanations de leurs couleurs ; mais, parmi les couleurs, il en est, comme je l’ai dit, qui semblent se prêter plus que d’autres à ces accidens.

Il est enfin certains corps qui s’emboivent, pour ainsi dire, de la lumière, & qui n’occasionnent ni réjaillissement de lumière, ni réjaillissement de couleurs.

Il résulte de tout ce que j’ai dit, que les dégradations simples de la lumière, en raison des plans, s’étendent de puis son plus grand éclat jusqu’à la privation totale qu’éprouvent les enfoncemens, par exemple, assez profonds, pour que les réjaillissemens même de la lumière, ne puissent absolument y parvenir.

Il résulte encore que ces réjaillissemens qui occasionnent les reflets produisent des combinaisons & des modifications innombrables, & que l’harmonie colorée provient de ces causes, toujours opérées dans la nature, d’après des loix constantes, & tellement appropriées au sens de notre vue, qu’il n’y a jamais de discordance qui le blesse.

Autant les élémens qui forment cette harmonie sont innombrables, autant il est impossible de parvenir à la parfaite imitation que la Peinture s’en propose, & à l’exactitude géométrique des opérations de la nature.


Beaux-Arts. Tome I. M