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xvj AVERTISSEMENT.


mal combinés entr’eux, donnent de la gêne à la figure, & de la fatigue au spectateur. Vous aimez à voir Hercule tenant le géant Anthée suspendu dans ses bras nerveux, & prêt à l’étouffer sur son sein ; c’est que les loix de l’équilibre complettement observées dans ce grouppe, vous rendent en quelque sorte témoin de l’action, vous applaudissez à la défaite du monstre impie vaincu par le demi-Dieu.

Qui mieux que le Titien peut donner des leçons sur l’harmonie de son art ? Qui dira mieux que lui comment les rayons dirigés du centre lumineux vers les divers points de l’objet, y portent le jour, & sont terminés par les ombres ; quelles sont les loix de leur incidence & de leurs reflets ; quelles sont celles de la dégradation des couleurs & de leurs sympathies ; jusqu’à quel point les organes de l’artiste influent sur le ton de ses tableaux, & sur-tout avec quel soin ont doit éviter le faux brillant qui, dans la peinture, comme dans la poésie & dans toutes les productions de l’esprit, diminue l’effet au lieu de l’augmenter.

De ces nuances bien saisies résultent la grace ([1]) & la beauté, dégagées de toutes les fantaisies de la mode & de la contrainte des manières, telles enfin qu’on les voit quelquefois sortir des mains de la nature, ou telles qu’on les a vu naître sous les pinceaux du Corrége & de l’Albane.

Ne faut-il pas encore que l’expression anime & varie les tableaux ? Ici le Dominiquin & le Brun se réunissent pour dévoiler les secrets de l’ame affectée par les passions, & pour apprendre l’art d’en saisir extérieurement les caractères. Mais, où trouver des sujets propres à ce genre d’imitation ? seroit-ce dans les villes, où les gestes & la physionomie obéissent à la convention dès l’enfance ? Seroit-ce près des villes, où tout ce qui les environne, les champs, tes animaux & les arbres eux-mêmes, portent le sceau de la contrainte & de l’uniformité sociale ?

  1. (1) La grace, dit M. Watelet, naît du juste accord des sentiment de l’ame avec l’action du corps.

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