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dans certaines parties ; il faut, dis-je, qu’en calquant il sente tout cela & qu’il s’en rende plus ou moins compte, pour que le calque ait quelque mérite & remplisse l’intention qui le fait entreprendre. Un homme qui calque sans savoir dessiner, est assez semblable à celui qui copieroit ou liroit un ouvrage écrit dans une langue étrangère pour lui, & qui, ne connoissant & n’employant aucune inflexion, aucun accent, aucune ponctuation, imiteroit mal des signes inconnus pour lui, ou ne prononceroit que des sons insignifians.

Il résulte de-là que l’opération de calquer n’est bonne à rien à celui qui ne sait rien, & souvent est assez peu nécessaire à celui qui fait.

On demandera, pourquoi donc le calque est en usage dans les Arts. La question est juste & elle exige encore quelques notions convenables à ce Dictionnaire.

Il se rencontre un assez grand nombre de circonstances dans lesquelles ceux qui pratiquent la Peinture & les branches des Arts qui en dérivent, ont un grand intérêt à épargner ou à ménager des instants précieux ; & il en est où il est important pour eux de parvenir promptement à une exactitude d’imitation, que j’appellerai géométrique ou précise autant qu’il est possible. La Gravure en offre les plus fréquens exemples. On ne peut rien tracer avec le crayon sur la planche vernie, surtout lorsqu’il s’agit d’y transmettre le trait juste & exact d’un dessin ou d’un tableau, parce que le vernis dont on se sert le plus communément est mol, & qu’il s’enlève trop facilement de la superficie du cuivre qu’il couvre. Il faut donc avoir recours au calque. D’ailleurs le Graveur qui est supposé, (quoique la supposition ne soit pas assez communément juste (le Graveur, dis-je, qui est supposé savoir dessiner, parvient plus promptement & plus exactement à copier sur son cuivre le trait de l’ouvrage qu’il doit graver, en calquant avec intelligence & fidélité ce trait de la manière que j’ai indiquée. Cette manière est cependant susceptible d’un assez grand nombre de modifications, dont je donnerai le détail dans le second Dictionnaire, à l’Article relatif à celui-ci ; mais je mettrai dans ce moment sur la voie ceux qui n’ont besoin que de notions générales. Une opération presqu’aussi utile que celle dont je viens de donner l’idée, & qui y a assez de rapport, est celle de copier mécaniquement, dans des proportions différentes, le trait qu’on veut imiter. Il est moins ordinaire que l’on ait besoin de copier dans une plus grande dimension, que l’original dont on s’occupe, soit pour la Gravure, soit pour la Peinture, soit pour imiter en général, qu’il ne l’est, d’avoir à réduire un original dans une dimension plus petite ; aussi les moyens mécaniques inventés pour ces sortes d’opérations sont-ils généralement connus sous la


désignation de moyens de réduire : compas de réduction, &c. On emploie, en effet, pour ces opérations des compas qui sont appropriés à cet usage, ou des quarrés que l’on trace légérement sur un dessin, & donc on trace un même nombre dans une dimension différente sur le papier ou sur le cuivre. Cette préparation mécanique donne la facilité & la sûreté de réduire exactement ou de copier un dessin ou un tableau dans une grandeur proportionnelle relative à l’original ; mais ainsi que dans l’opération de calquer, & plus même que dans cette opération, il est nécessaire que celui qui réduit, ait le talent de dessiner, & l’aptitude à se rendre compte de ce qu’il fait ; de manière, : qu’en employant plus de temps, il put en venir à bout, même sans le secours des moyens mécaniques dont je viens de parler. Ainsi, dans les Arts du Dessin, les secours que l’industrie a imaginés pour simplifier, pour favoriser, pour abréger & pour assurer les opération., n’ont des avantages réellement utiles que pour ceux qui sont instruits, & qui, à la rigueur, pourroient s’en passer. Il seroit fort avantageux que les hommes, dont les connoissances sont si souvent moindres que leurs prétentions, fussent convaincus de cette vérité pour leur avantage, plusieurs renonceroient peut-être aux petites supercheries sur lesquelles ils établissent de petites réputations, & à l’aide desquelles ils font souvent parade de talens qu’ils n’ont réellement pas.

CAMAYEU. Le Camayeu est, dans sa définition la plus simple, une imitation faite par le moyen d’une seule couleur, variée par le seul effet du clair obscur, c’est-à-dire, plus claire ou plus ombrée. On a compris sous cette dénomination, des peintures de deux & de trois couleurs, mais dans lesquelles on n’a pas pour but d’imiter la couleur naturelle des objets.

On dit un camayeu bleu, verd, rouge, &c. ; des peintures en camayeu. Voilà à-peu-près les phrases dans lesquelles on emploie le plus ordinairement ce mot. On peut y ajoûter une manière de critiquer & de désapprouver un tableau qui consiste à dire d’un tableau trop égal de couleur, ce tableau n’est qu’un camayeu.

Les Dessins faits à la sanguine, à la pierre noire, à la mine de plomb, aux différens crayons, au bistre, à l’encre ; la plûpart des gravures, des tontisses, des papiers teints, des étoffes travaillées ou brodées, peuvent, à certains égards, être compris dans ce qu’on appelle camayeu.

Une grande partie des toiles peintes, les damas mêmes, &. offrent des camayeux, & représentent plus ou moins bien, par nuances d’une, de deux ou de trois couleurs, les divers objets dont ils sont ornés.

Le mauvais goût qui, non content d’altérer les formes & les effets, nuit encore aux Arts en