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coëffure d’une hauteur & d’une largeur ridicules. Elles oublient leur intérêt & l’on oublie celui du tableau qu’on pare mal-adroitement. Car, dans tous les objets qui nous frappent, nous ne sommes que trop enclins à regarder comme les plus importans ceux qui brillent davantage, ou ceux qui étalent plus de richesses. Le luxe des bordures semble, à la vérité, déguiser la médiocrité des ouvrages ; mais indépendamment de la dépense peu solide & de l’embarras que donnent ces ornemens, qui tiennent trop de place, sont fort sujets encore à s’altérere ou à se couvrir de poussière ; cette superfluité conduit à surcharger les cadres de moulures inutiles, après avoir multiplié sans raison les ornemens, qu’une exécution, la plupart du temps imparfaite, rend plus choquans. Les marchands & les artistes ou artisans subordonnés contribuent à ces abus sans doute, mais ilis trouvent une grande facilité auprès des nouveaux amateurs, surtout lorsque ceux-ci appellent goût pour la Peinture, des fantaisies inspirées par vanité our par imitation. Ce n’est peut-être pas excéder les bornes de la vérité, que de dire qu’il y a des amateurs de bordures & des collections de cadres qui suffisent pour contenter la puérile prétention de ceux qui en font la dépense. Au reste les titres, les distinctions & les rangs sont souvent pour les hommes médiocres & vains, ce que sont les bordures dont je parle, pour les tableaux qui n’ont point de mérite.

BOSSE. Bosse, ronde bosse, sont des termes spécialement consacrés à la Sculpture, comme on le verra dans le Dictionnaire de cet Art.

Dans la Peinture, on s’en sert pour signifier les modèles en plâtre, en terre cuite, en métal ou en pierre, d’après lesquels on s’exerce à dessiner pour mieux imiter le relief des corps. Le Peintre dessine donc d’après la bosse, comme je l’ai expliqué au mot Académie. Cette étude a de grands avantages & quelques inconvéniens. Les avantages sont, entr’autres, de pouvoir dessiner les objets imités par la Scuplture, avec le relief qu’ils offrent dans la nature même, de dessiner à sa volonté ces objets dans tous les sens & dans un état fixe, ou d’immobilité, qui laisse au dessinateur tout le tems d’observer, d’imiter, de se corriger, de recommencer, ce que la nature vivante ne peut procurer que pendant quelques instans.

Enfin, les modèles, en plâtre particulièrement, procurent & multiplient, sans beaucoup de frais, les copies exactes d’une infinité de beaux ouvrages antiques & modernes, que le jeune Artiste ne pourroit étudier sans ce secours, parce qu’ils sont dispersés, & que le Dessinateur, dans les endroits même où chacun desa beaux ouvrages se trouve, ne pourroit en disposer à son gré, comme il fait de la figure en ronde bosse, qu’il acquiert, qu’il place dans son attelier, & qui le


rend possesseur de ce que l’Art a produit de plus parfait.

La bosse, prise sur la nature par parties, telles que sont des bras, des cuisses, des jambes, des pieds & des mains moulés en plâtre sur des figures vivantes & choisies, dans lesquelles ces parties se trouvent particulièrement belles, sont des secours précieux pour le Dessinateur & le Peintre, ainsi que pour le Statuaire.

Quelques inconvéniens sont, comme je l’ai dit, attachés à l’étude de la bosse. J’en parlerai dans l’Art. Dessin ; & je dirai ici d’avance, que cette étude, trop assidue, habitue à une imitation froide qui, quelquefois, se fait sentir & dans le Dessin & dans la Peinture. D’ailleurs, le clair-obscur, ou l’effet de la lumière & de l’ombre, sur une surface dure & quelquefois polie, tel que sont le marbre, le plâtre, le bronze, &c. differe très-sensiblement, pour ceux qui l’observent, de l’effet de la lumière & de l’ombre sur des surfaces pénétrables, molles & élastiques, telles que la chair & la peau.

Il y auroit d’autres nuances d’avantages & de désavantages à observer, relativement à l’étude de la bosse ; mais qui demandent d’assez longues discussions. L’étude de la Peinture est si étendue, lorsqu’on l’envisage dans toutes ses parties, que chaque article d’un dictionnaire de cet Art deviendroit aisément un traité, ce qui ne peut convenir à cette forme d’ouvrage.

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BRILLANT. On dit, un ton brillant, une couleur, une lumière brillante ; on dit encore : ce tablean attire par le brillant de son coloris.

L’effet de la lumière & l’imitation de ses effets attirent effectivement la vue. Dans la Peinture, on dit, en parlant des moyens par lesquels on imite la lumière & ses effets, surtout lorsqu’ils sont heureux, qu’ils appellent le spectateur ; mais lorsqu’on appelle quelqu’un, on s’engage à satisfaire l’empressement qu’on occasionne. Le tableau brillant semble devoir offir à ceux qu’il a attirés, plus de perfection que le tableau qui se laisse chercher. Dans une galerie, dans un cabinet de tableaux, on court vers l’ouvrage brillant, persuadé qu’il doit répondre à l’idée qu’on s’en forme. Autant en arrive souvent aux hommes, & l’on est assez souvent trompé par la nature & par l’imitation.

Cette réflexion ne suppose pas cependant qu’il faille regarder ce charme qui attire comme un défaut. La Peinture, principalement, doit au sens de la vue un premier tribut. Mais il faut dire & répéter à la jeunesse, pour qui l’éclat & le brillant en tout genre ont trop d’attrait, qu’il est plus aisé de promettre ainsi, que de tenir cette sorte d’engagement. Souvent le brillant de la


Beaux-Arts, Tome I. L