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vertu, la grandeur de l’ame, la sensibilité qui inspireroient leur pinceau, leur ciseau & leur burin. Mais si les Artistes en corps sont républicains & vertueux par l’effet de la libéralité attachée aux Beaux-Arts, il n’est que trop malheureusement vrai qu’individuellement ils sont plus ou moins esclaves des circonstances & de la nécessité d’attendre un prix de leurs travaux.

La bienséance, relative aux lieux & aux personnes à qui sont destinés les ouvrages, est une liaison d’idées de plusieurs vertus, avec les rangs les cultes & les individus qui font usage des ouvrages des Arts. D’où il résulte que certains tableaux peuvent, sans inconséquence, n’être pas regardés comme messéans ou contraires à la bienséance dans l’intérieur de la maison d’un homme du monde, & le paroître chez un ministre de la religion & de la justice ; que les Peintures employées pour orner un théâtre, une salle destinés à des jeux, ne sont pas astreints à une bienséance aussi sévère que celles qu’on emploie dans un temple ou dans un palais de justice.

Plusieurs nuances plus délicates de ces bienséances combinées n’ont peut-être pas, dans nos mœurs présentes, de lignes de démarcation bien précises ; mais dans les doutes qu’on peut élever sur ces limites, il est un Tribunal qui juge sévérement, même dans les sociétés relâchées. C’est celui du public, lorsqu’il s’explique ouvertement sur les objets des grandes convenances : en effet, il se rapproche toujours le plus qu’il lui est possible de la raison, par l’effet d’un pouvoir auquel il est comme forcé de se soumettre. C’est ce Juge souverain qui condamne ce qui blesse les mœurs, même lorsqu’elles sont corrompues ; c’est lui qui juge sévérement une comédie immorale, quelque mérite qu’elle ait, d’ailleurs, un roman licentieux, quelque art & quelque grace qu’ait employé l’Auteur pour corrompre. C’est cette voix publique qui tourne en ridicule un boudoir orné de Peintures libres chez un Magistrat qui prononce une désapprobation, mêlée d’indignation, contre les ouvrages publics dans lesquels l’humanité, la bienfaisance, la juste tolérance sont blessées, dans laquelle la basse flatterie, l’audace des fanatismes & les excès d’orgueil attaquent les droits primitifs & généraux de l’humanité, pour flatter les passions ou les vices des Princes & des Ministres, d’après des circonstances passagères ou des apparences trompeuses ; & c’est ce qu’on a reproché plus d’une fois aux médailles, aux inscriptions, aux ouvrages de prose & sur-tout de poésie, aux statues enfin, & aux peintures dans lesquelles se trouvent blessées & outragées quelquefois les relations qui existeront toujours entre les hommes, celles qui existent de plus en plus entre les nations par l’effet des lumières répandues, & enfin celles des hommes & des nations


avec la postérité qui juge tout en dernier ressort & avec sévérité.

Le malheur des talens à cet égard, est d’être trop souvent asservis ou corrompus, parce que la nécessité & l’intérêt entrent dans les motifs de ceux qui les exercent ; & c’est par cette servitude qu’ils sont exposés à tous les genres de corruption ; ils le sont encore, à l’inconséquence même de leurs motifs personnels, car si l’on pouvoit faire une énumération de tous les ouvrages où les bienséances dont je viens de parler, ont été blessées ou violées par leurs Auteurs, pour retirer de cette infraction des avantages qu’envisageoient, l’intérêt ou la cupidité, on verroit combien ces viles passions ont été souvent trompées ; combien de Poësies, de Peintures, de monumens, d’éloges, de médailles, de ftes, d’apothéoses composées bassement pour obtenir des récompenses, n’ont été payées par ceux même pour qui elles étoient produites, que de mépris !

Artistes, on ne peut donc trop vous rappeller aux véritables bienséances, parce que indépendamment des droits que s’arroge le vil intérêt, votre imagination séconde, exercée, docile & souple, vous suggère trop aisément des moyens ingénieux de les enfreindre ; mais il est tant d’autres emplois de cette faculté créatrice, qui, d’accord avec les vertus & le plaisir, peuvent vous assurer une gloire durable, que la morale des bienséances ne doit pas vous paroître trop sévère.

BISTRE. Le bistre est une couleur brune & roussâtre, qu’on tire le plus ordinairement de la suie, & qu’on employe dans la Peinture à l’eau, & pour dessiner & laver. On fait avec le tabac un bistre qui a quelques avantages sur celui qu’on tire de la suie. On en trouvera la préparation dans le second Dictionnaire.

On dessine, on lave au bistre. Des Artistes aiment assez cette manière de rendre leurs pensées, & l’on a trouvé moyen de l’imiter parfaitement par l’impression colorée de la gravure.

BLANC. Le blanc, relativement au méchanisme de la Peinture, telle que nous la pratiquons le plus généralement, c’est-à-dire, en délayant les couleurs avec l’huile, est une substance tirée du règne minéral, & jusqu’à présent, une préparation de la chaux de plomb. On trouvera des détails sur cet objet, à l’article blanc, & à celui couleur, dans le second Dictionnaire ; mais le mot blanc a aussi, relativement à la théorie-pratique de l’Art, une acception dont je dois parler ici.

On dit quelquefois d’un tableau, qu’il est noir,