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dans l’Apollon & dans l’Antinoüs, nous lui accordons, d’après les connoissances que nous venons d’exposer, la beauté qui lui convient.

Les cheveux sont nécessaires à l’homme, ou sans doute ont paru l’être à la nature qui l’a formé, & leurs couleurs diverses ont des relations plus ou moins favorables avec la couleur de la peau. Celle de ces relations qui flattent la vue, obtiennent le titre de beauté. Il faut observer que, comme ces relations n’emportent pas une idée si absolue d’utilité ou de nécessité que plusieurs autres, les jugemens sur cet objet sont plus arbitraires. Chez les Anciens, la couleur qu’ils appeloient dorée étoit préférablement proclamée belle par les Poëtes. Elle convient aussi au systéme de la couleur dans l’Art de la Peinture, parce que le brun & le noir forment quelquefois des oppositions trop fortes, & que ces couleurs, sujettes à charger dans les tableaux, altèrent quelquefois leur accord : la couleur dorée s’unit au contraire par des nuances qui lui sont propres aux teintes fraîches, blanches & animées de la peau. Aussi nos Artistes la préfèrent encore ; mais nous ne l’admettons pas avec autant de préférence dans la nature, peut-être parce qu’elle entraîne des inconvéniens qui sont des idées accessoires à celles de la beauté. La flexibilité & la longueur des cheveux ajoutent à leur beauté, parce que ces qualités contribuent au mouvement, en supposant qu’on leur conserve la liberté à laquelle les a destinés la nature, & alors les cheveux qui effectivement sont disposés à flotter, à n’être contraints que le moins possible, & à prendre d’eux-mêmes à leur extrémité une forme arrondie, ont dû nécessairement avoir leur part à la beauté ; ils la conservent encore lorsque l’art des coëffures ne s’écarte pas trop de l’intention de la nature, & les Poëtes, ni les Auteurs de Romans, ne les ont jamais privés de leurs droits.

La distribution des cheveux sur les bords du front & des tempes, a dû fixer les yeux de ceux qui, sensibles à toute espèce de beauté, ont voulu la suivre dans toutes ses modifications. La régularité entre dans le nombre des élémens de cette sorte de beauté. Car les chefs-d’œuvre des Anciens n’offrent que rarement ces dispositions symmétriques plus ou moins avancées, qu’offrent quelques portions des cheveux qu’on nomme parmi nous bien plantés, & que nous mettons au nombre des agrémens.

La beauté du front pourroit paroître assez arbitraire ; mais des idées de convenance, relatives au sexe, à l’âge, à l’état, ont cependant à son égard établi des élémens dont on peut rendre raison. Un front découvert fait assez ordinairement naître l’idée de la hardiesse, quelquefois même de l’audace ; d’ailleurs, il peut donner à cette partie trop de surface, & altérer par-là les proportions relatives. Un front assez


grand ne déplaît pas dans un guerrier, parce que la hardiesse & l’audace lui conviennent ; il n’est pas choquant dans un vieillard, parce que les signes & le caractère de l’âge n’admettent guère l’idée de la hardiesse ou de l’audace, & qu’ils font plutôt naître celle des effets du temps, qui s’accordent avec une sévérité douce, fruit du calme & de la raison.

Le front trop petit, ou trop serré a le défaut d’être disproportionné ; il fait naître l’idée d’un défaut de développement des parties. Les dimensions des sourcils pourroient encore paroître assez arbitraires ; mais les sourcils ont un usage nécessaire. Ils mettent l’œil à l’abri de plusieurs accidens qui le menacent habituellement. D’ailleurs, ils sont doués d’un mouvement qui contribue à exprimer des impressions, des affections & des idées ; leur couleur a une relation visible avec celle des cheveux & de la peau. S’ils sont trop minces, ils ne remplissent pas assez leur destination physique, ils ne couronnent pas l’œil ; & ne contribuant pas à l’expression, ils l’affoiblissent, ils énervent pour ainsi dire son langage. Les yeux destinés à des fonctions si importantes, si actives, si agréables, ont, à ce qu’il me semble, des droits bien acquis à la beauté, sur-tout lorsqu’ils sont grands, animés, clairs & susceptibles par leur mobilités d’annoncer le caractère des objets qui s’y peignent, ou celui des facultés qui, après avoir reçu par eux les impressions des objets, leur répondent, en les faisant participer à leur tour à celles qu’elles y ajoutent.

La bouche trop grande a des inconvéniens physiques qui contribuent à la priver de la dénomination de beauté : trop petite, elle en a de différens qui nuisent aussi à la parole, & qui souvent entraînent d’autres défauts relatifs à des idées accessoires. D’ailleurs, l’excès de grandeur ou de petitesse altère toujours le rapport de proportions des différentes parties entr’elles. Le menton reçoit enfin, par les mêmes raisons, parmi les hommes & les Artistes qui étudient & observent avec détail les modifications de la beauté, des qualifications plus ou moins avantageuses.

Je pourrois prolonger ces détails, j’aurois pu les étendre ; mais, d’une part, je passerois les bornes que je me suis imposées ; de l’autre, le langage que doit parler un Auteur qui cherche à établir des élémens généraux, deviendroit peut-être trop poétique : cependant, comme rien n’entraîne plus naturellement à embellir le discours, & je dirois même, à se permettre quelques libertés, que les objets dont je viens de parler, je hasarderai d’offrir, pour delasser un moment mes Lecteurs des formes didactiques, une description des beautés d’Alcine.

On sait que l’Arioste, dans le septième chant de son Poëme immortel, conduit le sensible


Beaux-Arts. Tome I. K