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AVERTISSEMENT. xj


pouvoir que celui de ses yeux, d’autre magie que celle de sa beauté. Et si l’on se rappelle qu’âgé de dix-neuf ans, il habitoit la patrie des grands hommes qui ont donné ces chefs-d’œuvre au monde, que ce fut alors qu’il traça d’une main libre & hardie le plan auquel il a soumis toute sa carrière, qu’il se voua pour toujours à l’étude des lettres & des arts ; on jugera sans peine de l’énergie de son zèle, & du bonheur de ses premières années.

Mais il fallut quitter ces climats où les jours couloient si promptement pour lui ; il revint en France où la renommée avoit publié ses succès. Sa tête étoit pleine d’images ; les illusions de la fable, embellies par le pinceau des grands artistes, s’offroient en foule à sa mémoire ; en un mot il étoit devenu poëte à l’Ecole de Rome parmi les peintres ; à Paris, il se distingua comme peintre & comme poëte, & il eut des succès dans ces deux genres.

Bientôt les Sociétés les plus brillantes le recherchèrent. A une amabilité naturelle, il en joignoit une acquise qui plaisoit peut-être davantage ; il faisoit avec facilité des chansons, des fables, des drames, il raisonnoit sur les diverses genres de poésie, de peinture, de musique, sur les antiquités ; il sembloit avoir plusieurs formes comme il avoit plusieurs talens, & on le fêtoit dans les cercles dont les goûts étoient opposés ; chez Mesdames de Tencin, de Pompadour & Geoffrin ; chez Messieurs de Maurepas, de Caylus & d’Argenson.

Il étoit sans doute à craindre que ce succès rapide, récompense d’un talent naissant, ne nuisit à sa maturité. Peut-être aussi pourroit-on dire que M. Watelet ne se défia pas toujours assez de ce penchant qui entraîne l’homme de lettres vers le torrent du monde où il est applaudi. Là manquent deux grands moyens, sans lesquels nul n’atteint à la perfection, la méditation & le tems ; mais s’il fut quelquefois séduit, il ne se laissa jamais aveugler. Il distingua toujours, parmi ses écrits, ceux qu’il destinoit au public d’avec ceux qu’il accordoir aux diverses circons-