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rentes ; elles sont mobiles, & elles contribuent avec les proportions des parties intérieures & solides de la charpente aux impressions que sont les corps sur nos facultés.

Parmi ces impressions, celles qui sont plus particulièrement sensuelles, peuvent être satisfaisantes par des combinaisons dans les dimensions & les formes apparentes, qui seroient moins favorables aux expressions spirituelles & sentimentales.

En effet, une femme douée, par exemple, d’un embonpoint dans toutes les parties de son corps, qui n’altéreroit point les proportions, offrira au sens de la vue & aux impressions sensuelles qui peuvent en résulter, des attraits qui seront honorés du nom de beauté. La fermeté, la rondeur, l’éclat de la peau, ses nuances légérement colorées, la douceur du tissu de l’épiderme, appartiennent aux dimensions & aux formes dont je viens de parler, & ces modifications ajoutées à l’exactitude des proportions, doivent lui faire donner à très-juste titre par les sens, le nom de beauté.

Mais le sentiment dont les satisfactions consistent plus essentiellement dans certaines expressions fines, des traits, des gestes, du maintien, du regard, peut trouver que les attraits dont je viens de parler, manquent de quelque chose de favorable aux impressions qu’il desire. Ces attraits peuvent nuire à la flexibilité des traits, ainsi qu’aux impressions nuancées, satisfaisantes pour les sentimens du cœur & qui indiquent les opérations de l’esprit.

Il existera donc des dimensions dans les formes apparentes & dans les parties flexibles, qui seront plus ou moins favorables aux différens genres de beauté, & ces dimensions seront bien plus difficiles à fixer que les proportions des parties plus solides de la charpente & du corps humain.

Les Grecs ont dû être conduits à ces observations fines, comme je l’ai dit, par l’union qu’ils ont supposé d’après leur religion, des perfections humaines, héroïques & divines, leurs mœurs & leurs gouvernemens ; aussi ont-ils atteint aux degrés les plus éminens de la beauté, soit qu’on la considère relativement aux sens., soit qu’on la considère relativement aux sentiments, les plus nobles, les plus élevés, & enfin au mélange de ce que les différentes : facultés peuvent desirer de plus parfait. De-là, cette beauté idéale qui distingue leurs chefs-d’œuvre, & que nous admirons encore dans ceux qui nous restent.

On conclura de ces apperçus, que la beauté, ainsi que le beau, les plus complets, relativement à l’art, consisteront dans les proportions & les dimensions les plus susceptibles de satisfaire les desirs du sens de la vue, du cœur & de l’esprit.


On sent que les nuances de ces différentes perfections combinées, d’après les élémens que je viens de donner, sont aussi innombrables que les circonstances dans lesquelles on peut employer le nom de beauté pour des figures humaines ; ce terme, comme celui de beau, se prête donc à une infinité de modifications, d’applications générales, nationales, circonstancielles ou personnelles.

Par cette raison, il est rare qu’un grand nombre d’appréciateurs soit d’accord, parce qu’il est impossible que tous envisagent ces objets avec les mêmes dispositions, les mêmes intentions, ou sous les mêmes points de vue. On voit que la beauté généralement proclamée telle dans un pays, n’est pas celle d’un autre ; que la beauté caractérisée telle par un individu n’est pas qualifiée de même par un autre ; mais deux circonstances ont cependant le droit de rapprocher les hommes & de leur inspirer des opinions qui ne se contrarient pas formellement & qui tendent même à devenir unanimes à quelques égards. C’est premièrement le jugement de la vue, qui considérée comme organe sensuel, demande dans tous les hommes à être flatté & ne peut l’être sans l’exactitude des proportions ; secondement, les connoissances humaines qui, lorsqu’elles sont répandues, établissent ou des principes ou des opinions convenues assez généralement.

Le développement & la communication des connoissances qui font donner le nom d’éclairées aux nations chez lesquelles elles s’opèrent, est un objet que j’ai déjà présenté dans l’article Beau. Mais je ne pense pas être entré dans des détails qui ne peuvent être observés que, lorsqu’à l’aide de ces connoissances, les sensations, les sentimens & les idées se sont perfectionnées à un certain point.

Non-seulement le maintien, la démarche, l’action, la grace acquièrent, dans les sociétés éclairées, le droit d’avoir part à l’idée & aux impressions de la beauté, mais ce qu’on appelle plus particulièrement la physionomie, le caractère des traits, les gestes, les mouvemens, entrent aussi dans l’idée dont je parle, & l’on y a joint quelquefois un certain charme senti, mais si difficile à expliquer, qu’on s’est permis de le désigner par une expression qui ne signifie rien en le nommant un je ne sçai quoi.

Il existe encore dans les sociétés éclairées une sorte de beauté relative aux circonstances des faits, aux circonstances de l’âge, à celles de l’état, du rang. Ce genre de beauté peut être nommé beauté de convenance.

Enfin, on doit faire mention d’une sorte de beauté relative aux opinions passagères, aux préjugés, & à ce qu’on appelle modes, qu’on peut désigner par le nom de convention ; ce qui


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