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nent souvent des jugemens injustes ou des raisonnemens faux ; inconvénient particulier à la Peinture, & qu’on ne peut ni prévoir ni prévenir absolument.

J’ajoûterai, en revenant au sujet de cet article, qu’un mérite recommandable dans plusieurs Peintres Hollandais, est d’être très-colorés, sans rien faire perdre aux effets dégradés par l’interposition de l’air.

Ostade a représenté souvent, dans un tableau d’une dimension peu considérable, l’intérieur assez vaste d’une habitation, avec un tel artifice, que le spectateur se promène, pour ainsi-dire, dans cet espace, & qu’il en mesure précisément l’étendue par l’air qu’il croit y voir circuler. Rimbrand parvient à une semblable illusion ; mais par des moyens plus arbitraires & par un artifice quelquefois trop apparent. Il cherche & trouve, dans des oppositions fortes de lumière & d’ombre, ce qu’Ostade a cherché & trouvé dans les dégradations fines & vraies des tons locaux.

Voici ce qu’on peut adresser aux Artistes, en résumant en peu de mots le fond de cet article : Si l’imitation juste & fine des effets de l’air ne donne pas de la profondeur à votre tableau, en détruisant l’idée d’une superficie platte, pour y substituer celle d’un espace ; si l’air, enfin, ne semble pas circuler autour de chaque figure & de chaque objet que vous représentez isolé, vous ne faites qu’appliquer des découpures plus ou moins bien colorées les unes près des autres, & vous n’avez pas l’idée de l’Art que vous pratiquez.

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ALLÉGORIE, (subst. masc.) Les Arts libéraux, comme je l’ai dit au commencement de cet Ouvrage, sont des langages. La Peinture parle ; mais cette propriété s’accroît par l’allégorie.

L’allégorie est, relativement à la Peinture, un moyen ingénieux qu’employe l’Artiste pour faire naître & pour communiquer des pensées spirituelles, des idées abstraites, à l’aide de figures symboliques, de personnages tirés des Mythologies, d’êtres imaginaires & d’objets convenus.

Ces figures & ces objets peuvent donc être regardés comme des signes de convention, élémens d’un langage absolument spirituel, qu’on ajoûte à celui que parle plus ordinairement la Peinture. Aussi, dans ce qu’on nomme emblême & corps de devises, sortes de représentations purement allégoriques, il n’est pas rigoureusement nécessaire que les objets qu’on employe soient parfaitement imités. Ils pourroient l’être très-imparfaitement, sans que, pour cela, le sens allégorique qu’ils renferment fût altéré ; ce qui conduit à comprendre la nature des hiéroglyphes.

L’allégorie, ou le mélange des figures symboliques avec les personnages simples & naturels, doit être convenable aux sujets qu’on traite, &


tous n’en sont pas susceptibles. Elle doit être suffisamment autorisée & employée avec réserve. Il faut que ces figures soient faciles à reconnoître ; que leur intention se découvre aisément, elles doivent enfin enrichir la composition & ne pas l’embarrasser.

Quant à l’allégorie, qui n’est composée que de figures & d’objets emblématiques, son but le plus ordinaire est la louange ou la satyre. Le premier genre est toujours exagéré ; le second, toujours condamnable. Je vais revenir à chacune des notions élémentaires que j’ai énoncées pour les développer davantage.

L’allégorie convient principalement aux sujets qu’on nomme héroïques ou fabuleux, & à ceux qui sont tirés des Mythologies, d’autant que les Fables & les Mythologies, peuvent être regardées comme des allégories, ou ne manquent guère de le devenir.

L’allégorie est donc très-autorisée dans ces sortes de sujets, & elle les enrichit d’idées intellectuelles & abstraites, que les personnages naturels ne peuvent exprimer par leur action.

On doit regarder l’allégorie comme autorisée, lorsque l’Artiste traite un sujet emprunté d’un Poëte, qui a lui-même employé ce langage dans son ouvrage.

Je dois faire observer ici, puisque je rapproche la Poësie de la Peinture, que le Poëte a relativement à l’allégorie un avantage fort grand sur le Peintre ; celui d’exposer ses fictions, de les prépare, de nommer les personnages épisodiques que son imagination adapte au sujet qu’il a choisi, & qu’il doit faire agir.

Un autre avantage non moins grand, est celui de laisser à l’imagination du lecteur le soin & mieux encore le plaisir de les dessiner selon sa fantaisie, de déterminer quelquefois sur une légère indication, leurs attitudes, ou même de modifier à son gré leur action.

Cet avantage est à-peu-près semblable à celui qu’ont les compositeurs de Pantomimes, qui s’en remettent aux spectateurs pour les discours de leurs personnages muets. Ces compositeurs sont assurés que chacun fera les paroles de la manière qui lui convient le mieux.

Le Peintre, au contraire, qui réalise ses personnages allégoriques, & qui leur donne des formes visibles & des attitudes déterminées, ne peut guère se flatter de satisfaire tous ceux qui les verront & qui les examineront avec d’autant plus d’attention & de sévérité, qu’elles sont presque absolument idéales, & que l’Artiste ne peut pas dire, comme lorsqu’il s’agit des figures ordinaires, qu’il les a dessinées, étudiées, coloriées d’après la Nature.

J’ai dit, qu’elles étoient presque toutes idéales ; mais il en est cependant qu’on ne doit pas regarder absolument comme telles ; car celles qui ont rapport à la Fable & à la Mythologie grecque,


ont