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plus parfaite organisation dans les États gouvernés par un seul pouvoir, est un mêlange bien combiné de liberté & de subordination. Ce mélange, difficile à dozer parfaitement, doit être tel qu'il ne dénature pas l'esprit de liberté & de noblesse, nécessaire aux opérations du génie. Les Arts, dont il est l'ame, ne souffrent point la contrainte, & ne peuvent y être Physiquement assujettis ; mais on peut observer aussi que parmi nous, le Génie & les Arts ne se prêtent que trop d'eux-mêmes à ce qu'on exige d'eux. Je dis trop, parce que le goût & la raison sont souvent les victimes de la condescendance des Artistes, & c'est sur ces points qu'ils devroient au moins conserver le droit de le refuser même à l'ascendant de l'autorité, souvent mal instruite sur l'objet des Arts, & contrariant par le défaut de lumières, les vues utiles qu'ils pourroient avoir.

ACCESSOIRE, ou ACCESSOIRES, (subst. masc.) On emploie ce mot plus ordinairement au pluriel qu'au singulier dans le langage de l'Art. On dit les accessoires d'une composition, d'un sujet, d'un tableau, d'une figure.

Il n'est presque pas d'ouvrages de Peinture, dans lesquels, indépendamment de l'objet principal, il ne se trouve des objets qui, à la rigueur, pourroient ne pas entrer dans la composition, ou dont la place n'y est pas indispensablement assignée. Ce sont ces objets que désigne le mot accessoires.

Les accessoires doivent être choisis dans les circonstances du temps & du lieu, relatives à l'action qu'on représente.

La théorie de l'Art impose la loi d'employer les accessoires les plus propres à caractériser le sujet qu'on traite, à le faire bien connoître, à indiquer le moment qu'on a choisi, le lieu qu'on représente, & à contribuer par-là au plus grand avantage de le composition poëtique, par les moyens qu'offre la composition pittoresque.

Les accessoires enfin doivent servir à étendre, à multiplier les idées relatives au sujet du tableau ; mais ce doit être sur-tout sans distraire de l'affection principale, que l'Artiste a dessein d'inspirer.

Pour rendre ces idées plus précises, en les simplifiant autant qu'il est possible, appliquons-les premierement à la composition d'une seule figure.

Tout ce qui n'est pas le nud dans une figure peinte, pourroit, à la plus grande rigueur, être regardé comme accessoire ; mais en donnant aux convenances, aux conventions, par conséquent aux usages, les droits & l'étendue qu'ils doivent avoir, le vêtement indispensable ou qui convient à un personnage, ne doit pas être regardé précisément comme accessoire ; sur-tout si, relativement aux convenances qu'exige le costume, aux obligations qu'impose l'Histoire, à la situation, ou


à l'action qu'on représente, ce vêtement devient partie nécessaire de la représentation.

Il paroit donc qu'on doit regarder le mot accessoire sous deux points de vue. Si dans un tableau, l'on envisage l'Art en général, on pourra justement dire, en parlant des vêtemens les plus essentiels d'une figure peinte : « Les accessoires de cette figure n'empéchent pas qu'on ne sente qu'elle est incorrecte & que l'ensemble en est altéré. » Mais si l'on a égard au sujet de la représentation, on n'appellera pas accessoires les vêtemens consulaires de Cicéron, ni même le voile dont Agamemnon couvre sa tête, pendant le sacrifice de sa fille. On appellera accessoires, dans le tableau qui représente ce sujet, certains objets dont le Peintre aura fait choix pour désigner le lieu de la scène ; par exemple, une grande partie des divers ornemens du sacrifice, le nombre des spectateurs ; enfin les objets qui, à la vérité, contribuent par leur forme & leur caractère, à rendre la composition plus riche, plus variée ; mais qui auroient pu se trouver plus ou moins abondans & disposés différemment, sans que le fond du sujet en fût altéré, & que l'intérêt qu'il doit inspirer en fût moindre.

J'observerai à cette occasion que, quoique certains principes généraux puissent se rapporter à plusieurs Arts, il y a cependant très-fréquemment des différences intéressantes à observer lorsqu'on rapproche un Art d'un autre, en les considérant avec une scrupuleuse attention.

Par exemple, les loix du Poëme Épique, ou celles de la Tragédie, (deux genres qu'on peut & qu'on doit même mettre assez souvent en parallèle avec le genre de l'Histoire dans la Peinture) imposent aux Poëtes une bien plus grande réserve sur les accessoires des Poëmes & des Drames, qu'elles ne l'imposent aux Peintres sur ceux d'un tableau, & voici quelques-unes des raisons pour lesquelles le Poëte est astreint à plus de circonspection que le Peintre.

Dans l'Epopée ou dans le Drame, dès l'instant que le Poëte cesse de mettre sous les yeux l'objet principal, on peut dire que cet objet disparoît ; & comme l'Auteur ne présente que successivement toutes les parties de sa composition, le temps qu'il emploie à mettre sous nos yeux les accessoires, peut faire oublier, en quelque sorte, ce qui doit inspirer l'intérêt principal.

Mais dans un tableau, le sujet principal une fois placé avec avantage, s'y présente continuellement au spectateur, & si les accessoires dont le Peintre embellit la scène pittoresque, sont subordonnés, comme ils doivent l'être a cet objet principal, ils ne font qu'ajouter à l'intérêt & à la vérité de l'imitation.

On peut donc dire que si le spectateur détourne ses yeux de l'objet principal, pour s'occuper trop long-temps des accessoires, c'est lui seul qui devient responsable de la distraction qu'il se per-.