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rien apprendre, vous conduisent à cette routine qui rend métier ce que vous nommez Art. Que de tableaux où l'on reconnoît à ses défauts, celui d'entre les Modèles dont l'Artiste a coutume de se servir !

Un moyen de vous mettre à l'abri de cet écueil et (lorsque vous êtes en état de raisonner votre Art) de comparer souvent l'Antique avec votre Modèle. Posez pour cela des Modèles particuliers dans les attitudes des belles statues, ou des belles figures peintes & dessinées par les grands Maîtres ; faites des académies d'après les unes & d'après les autres : comparez ensuite, &, quand vous n'auriez pas réussi, vous aurez toujours fait un pas vers la perfection ; car, dans l'étude des Arts libéraux, trouver ses premiers travaux imparfaits, c'est acquérir la connoissance de ce qu'ils devroient être, & discerner d'une manière plus précise la beauté de ses Modèles.

Comparez donc beaucoup les beaux ouvrages avec la Nature, & les uns & les autres avec ce qui est consacré depuis tant de sièles comme des chefs-d'œuvre. La comparaison, ainsi que l'analyse sont les véritables clefs de toutes les connoissances humaines.

Je finirai par vous conseiller, non-seulement de dessiner, mais de peindre souvent des académies. J'oserai le dire, même aux Artistes consommés, & pour leur profit & pour leur gloire.

Une académie, sçavamment peinte, a autant de droits à devenir un tableau de Cabinet précieux, qu'un ouvrage de tout autre genre. Les uns & les autres doivent être de belles & fidelles images de la Nature, qui doivent servir de modèle, de préceptes sensibles de l'Art, & attester à quel point de perfection il a été porté.

Je ne dois pas omettre que dans la langue générale le mot Académie signifie parmi nous une Société autorisée à s'assembler.

Les Académies de Peinture ont pour principal objet d'enseigner ; ce qui les distingue de la plûpart des autres. Telle est l' Académie Royale de Peinture établie dans notre Capitale. Ses Statuts ont servi à en établir plusieurs dans nos Provinces & dans d'autres États ; ces Statuts, en effet, peuvent, à beaucoup d'égards, être pris pour modèles. On les trouvera dans la seconde partie de ce Dictionnaire.

La constitution des Académies, qui s'occupent des Arts libéraux, sera d'autant meilleure, qu'elle se dirigera mieux à instruire méthodiquement ceux qui se destinent à ces Arts, à les admettre ensuite, avec discernement, comme Membres de ces Sociétés, & à choisir entr'eux, avec la plus grande impartialité, ceux qui doivent enseigner.

L'École et donc absolument la base de cette institution, & le choix de ceux qui enseignent est le seul moyen de la conserver.

Ce choix doit tomber principalement & exclusivement sur las Artistes qui, devoués aux productions les plus distinguées de l'Art, en connoissent plus profondément les parties constitutionnelles. Telles sont pour la Peinture & la Sculpture, l'Anatomie & par elle, les proportions, les mouvemens & la pondération. Telles sont encore, particulièrement pour la Peinture, les Perspectives linéale & aérienne, qui embrassent l'effet apparent des formes & le clair-obscur. Ces parties des deux Arts sont positives, se peuvent démontrer, & l'on sait que tout enseignement qui procède par démonstration, est celui qui grave mieux dans la mémoire les préceptes qu'il donne.

L'admission dans une Académie de Peinture, qui se fait librement, au moyen du scrutin, par les Membres, demanderoit une égalité de connoissances que je crois impossible & que je n'ai vu exister encore dans aucune Société. La constitution Académique ne tient pas absolument à cette rigueur, elle demande cependant qu'on soit juste & sévère, sur-tout dans le choix de ceux qui doivent enseigner & par conséquent dans l'admission à la classe de laquelle on les tire : car si le nombre des Artistes foibles y devient à la fin trop nombreux, il s'en introduira de plus en plus parmi les Professeurs, & l'enseignement vicié produira bien plus rarement de quoi fournir au Professorat. C'est de cet inconvénient que naîtroit un cercle vicieux, contre lequel il n'y auroit enfin plus de remède. Les moyens d'émulation, tels que les prix, les concours, les encouragemens, sont des objets puissans pour avancer l'Art ; mais si le relâchement, l'indulgence excessive, la protection, l'autorité & la brigue en décidoient, ces moyens, au lieu de soutenir l'Art, contribueroient à le détruire, au lieu d'encourager les vrais talens, ils anéantiroient leur émulation. Il vaudroit mieux que ces moyens n'eussent pas lieu ; car la plupart des hommes, abandonnés à la Nature, acquièrent plus de force, que lorsque pour les fortifier, on emploie des secours mal administrés.

Je ne puis entrer ici dans des détails qui demanderoient un ouvrage entier, ouvrage d'autant plus nécessaire & plus intéressant, que jamais les Sociétés Académiques & les moyens d'émulation, bien ou mal administrés, n'ont été plus multipliés.

J'ai indiqué les points fondamentaux sur lesquels je pense que doivent s'appuyer les Institutions Académiques destinées aux Arts de la Peinture. Une seule observation générale que je me permettrai encore, c'est que les Arts, nommés libéraux, étant destinés par leur nature à être effectivement libres, la constitution des Sociétés Artielles doit être fondamentalement Républicaine.

Cependant, comme il est inévitable que les Sociétés particulières ne participent pas de l'esprit de la Société générale où elles existent, leur


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