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ACADÉMIE, (subst. fém.) Ce qu'on appelle en langage d'Artiste, une académie, est l'imitation d'un modèle vivant dessiné, peint, ou modelé. Cette imitation a pour objet d'étudier particulièrement les formes & l'ensemble du corps humain, de s'exercer à ces études, ou de se préparer à quelque ouvrage projetté.

On dit dessiner, peindre, modeler une académie. Les Eleves qui se destinent à la Peinture ou à la Sculpture, & les Artistes même qui professent ces Arts dessinent ou modèlent ces imitations de la figure humaine dans les atteliers & dans les écoles Académiques.

On y dispose la lumière du jour, ou celle des lampes, convenablement pour cet objet.

Les Maîtres de l'Art placent un homme nud, dans une attitude qu'il garde pendant un espace de temps proportionné à la gêne plus ou moins grande qu'on lui occasionne.

Dans les Écoles publiques, les Dessinateurs, assis sur des gradins, comme dans un amphithéâtre, s'exercent à saisir le trait, l'ensemble & l'effet que présentent les Modèles. Les Professeurs qui président à cet exercice, dirigent les Elèves par des conseils & corrigent les études qu'ils soumettent à leur censure.

C'est, sans doute, du lieu où se font habituellement ces sortes d'études qu'elles ont emprunté le nom d' académies ; cette dénomination est un exemple des mots qui prennent dans le langage particulier d'un art, un sens absolument différent de celui qu'ils avoient & qu'ils conservent dans la Langue générale.

Une bonne académie est celle qui est exécutée avec un faire facile, sans négligence ; une correction fine, sans sécheresse & sans maigreur ; une touche ressentie avec justesse ; du goût sans manière, & un travail plus ou moins soigné, sans être peiné ni froid.

L'objet du Peintre étant de parvenir à exécuter l'imitation de la figure à l'aide de la brosse & des couleurs, s'il s'accoutume à dessiner d'une manière pénible, il sera embarrassé, lorsqu'il lui faudra employer la brosse chargée de couleurs ; car ce moyen lui semblera moins facile, moins commode & moins précis que ne l'est l'usage des crayons.

Si, lorsqu'il s'exerce au dessin, il est indécis, négligé dans son trait & dans ses formes, il sera bien plus indéterminé, bien moins correct encore, lorsqu'il se trouvera embarrassé par la couleur & par le maniement du pinceau.

S'il est pesant, affecté, manieré, ces défauts deviendront plus sensibles dans sa façon de peindre. S'il ne s'efforce pas d'acquérir, en dessinant, une propreté & un soin nécessaires à l'agrément de ses ouvrages, il sera sujet à salir ses teintes &


ne parviendra peut-être jamais à leur conserver la fraîcheur & l'éclat qu'elles doivent avoir pour approcher de la nature.

Si, par un excès contraire, le soin & la propreté dans ses dessins alloient jusqu'à la froideur, il seroit à craindre avec raison qu'il n'eût un manière léchée qui flatte assez généralement les yeux, sans satisfaire l'esprit, & sans toucher l'ame.

Enfin, l'Elève dessinateur doit faire entrevoir dans ses académies, le systême qu'il suivra lorsqu'il sera Peintre.

Il doit donc avoir présentes dans l'esprit la liaison & la relation des moyens qu'il emploie, avec ceux qu'il lui faudra employer.

Il est nécessaire, par cette raison, qu'en dessinant il cherche à indiquer, autant qu'il est possible, jusqu'à l'effet de la couleur qu'il a devant les yeux, ainsi que la touche qu'il doit employer bientôt à l'aide du pinceau.

On peut procéder de plusieurs manières pour dessiner une académie ; mais les moyens qui ont plus d'affinité avec le but où tend l'Artiste, doivent être préférés.

L'usage des papiers colorés en bleu ou en gris, est en conséquence plus généralement propre à ceux qui se destinent à peindre ; &, dans la manière d'employer les crayons, l'usage d'estomper, pour préparer les ombres, pour former des passages, des demi-teintes, pour étendre & pour adoucir les touches, a un rapport sensible avec la manière d'employer la couleur, de produire des dégradations de tons, & de fondre les teintes les unes dans les autres.

L' estompe qui rend les touches plus larges, plus mœlleuses & mieux préparées, conduit à procéder de même avec la brosse ; enfin, le blanc, que l'estompe étend aussi & nuance relativement aux plans qui se trouvent plus ou moins frappés de la lumière, accoutume à disposer, sur les objets d'une composition, & sur les parties d'une figure les couleurs lumineuses, dont les loix du clair-obscur déterminent la place. D'ailleurs, cette manière de dessiner, plus prompte que les autres, est par-là plus convenable encore pour faire des études d'après le Modèle vivant, qui ne peut rester immobile qu'un espace de temps limité.

Les académies dessinées sur le papier blanc avec la sanguine, ou avec la pierre noir en égrénant, ou bien encore par hâchures, demandent plus de préparation. Ces manières d'opérer sont les plus lentes, parce qu'il faut former les demi-teintes, que la couleur bleue ou grise d'un papier teint offre toutes préparées ; d'ailleurs l'opposition trop tranchante de la couleur des crayons rouges ou noirs avec le fonds blanc,


Beaux-Arts. Tome I. A